qui est incontestablement astronomique, j’ai vu une autre image du phénix déjà
reformé, ayant Je bec et la-figure de l’aigle bien caractérisés. Cet exemple curieux
seia traite a parti mais je vais, tou t-a-I heure en montrer d autres qui sont frappans.
En second lieu, Solin ne laisse pas douter que cet oiseau ne soit l’emblème
de la grande annee, nom que 1 on donnoit a la période sothique. Voici ses expressions
: Cum hujus vita magni annifieri conversionem, rata fides estimer auctores II).
Pline dit que sa vie coïncide avec la révolution de la grande année, qui ramène
les mêmes saisons : or c’est-là une propriété de la même période. Le phénix, dit
Horapollon, désigne le rétablissement qui s’opère après tin long temps. Enfin,
en donnant quatorze cent soixante-un ans- à la vie du phénix, Tacite lève toutes
■les difficultés (2), bien que les auteurs ne s’accordent pas sur cette durée : car il est
impossible qu une pareille coïncidence dans les nombres soit purement fortuite.
Mais il est important de montrer que cette même figure du phénix est- répétée
dans' tous les grands monumens d’Égyptç, où jusqu’ici on ne l’a pas aperçue;
elle se trouve generalement au - dessus des bases des colonnes et sur les socles
des sièges, ayant toujours les pattes ouvertes et étendues, et une grande étoile
en avant : cette étoile désigne sans doute Syrius, dont le lever héliaque annon-
çoit à-la-fois le renouvellement de la période, la crue du Nil et le solstice d’été.
On doit encore observer qu il est presque toujours sur une coupe, signe de l’inondation.
Les colonnes d’Edfoû doivent sans doute contenir cette image ; mais on
n auroit pu s’en assurer qu’en dessinant leurs fûts dans tous les détails : c’est dans
les temples de Phiiæ et dEsné qu’on peut la voir assez fréquemment. Je citerai
principalement deux bas-reliefs du grand temple de Philæ, parce qu’ils sont en
couleur, et qu ils portent les principaux caractères qu’Hérodote, Pline et Solin attribuent
au phénix (3). Le principal de ces caractères est d’avoir une crête où huppe sur
la tête. Pline dit, captaplumeo apice co/wnestante; Solin, capite.honorato. Cette huppe
est marquée ici parfaitement. Selon Hérodote, ses ailes étoient en partie dorées
et en partie rouges : cest ce qu’on voit dans le bas-relief inférieur. Il en est de
meme des plumes rose de la queue, et aussi du cou doré que Pline et Solin décrivent.
Enfin les trois auteurs s accordent à lui donner la figure de l ’aigle, et il est difficile
de méconnoître le bec de l’aigle dans l’oiseau que j’ai montré. Outre ses longues
pattes, cet oiseau a fort souvent des bras humains levés en l’air. Je ne chercherai
point à expliquer cette circonstance : mais je citerai une figure d’homme que j’ai
dessinée à Medynet-Abou, qui est agenouillée sur une coupe comme le phénix,
ayant comme lui les bras élevés, une grande étoile en avant et des ailes déployées;
enfin, pour dernier trait de ressemblance, une huppe sur la tête, absolument pareille
à celle que j ai décrite. Ce génie ailé a évidemment les plus grands rapports
avec le phénix.
Les monumens de Thèbes et de Denderah renferment encore une foule d’images
de cet oiseau, que le lecteur trouvera dans les volumes suivans.
(.) Solin. Polyhtst. c. XX XV I. coloré le corps de l'oiseau. Voyez aussi pl. ,8 , pl. 22
2 T a c . Annal I. V I . t e } 1 p i - V . f i g - J t p l . 7 8 ,fis . ,6 ; pl. 80 , fig. ,7 .
(3) Voyez pl, 16,fig . 2, Dans la figure 1 1 on n’a pas
Que penser maintenant de l’absurdité qu’on a reprochée aux Egyptiens pour
la fable du phénix! Que penser de ceux qui nioient également et l’existence et
l’image de cet oiseau! Est-ce la faute des Égyptiens, si des voyageurs Grecs et Romains,
si des Pères de l’Église ont pris à la lettre cette fiction qu’ils n’entendoient
pas, et ont sérieusement recherché si un oiseau pouvoit vivre tant de siècles et
renaître de ses cendres! Ingénieuse allégorie, dont le sort a été jusqu’ici bien
étrange, puisque la plupart n’y ont vu qu’une extravagance digne de pitié, et
d’autres un argument solide en faveur des mystères de la religion (1).
11 me semble que le phénix allant de l’Inde enÉgypte pour y mourir et recommencer
une nouvelle vie, exprime, en langage métaphorique, le retour de Xannée
fix e , qui étoit la seule en usage chez les Indiens, et qui revenoit, pour ainsi dire,
tous les quatorze cent soixante ans, concilier en Égypte le calcul du temps avec
la marche du soleil : la vie, le voyage, la mort, la résurrection, le départ de cet
oiseau, symbole du soleil (2), tout s’accorde avec cette idée : ce nid fait d’encens
et de myrrhe désigne l’Orient ; enfin son entrée à Heliopolis rappelle le fameux
collège qui s’y occupoit d’astronomie, et qui, de temps immémorial, observoit
la vraie longueur de l’année solaire.
Concluons que le phénix, symbole de la période sothique, marquoit le
concours de l’année fixe avec l’année vague chez les Égyptiens, qu’il a été figuré
dans leurs principaux temples, qu’il indiquoit probablement l’érection de ces
temples à l’époque d’un renouvellement de période, et qu’enfin le monument
d’Edfoû doit dater d’une pareille époque (3).
§. V I I .
Du p etit Temple.
J ’a i dit que le petit temple est situé à peu de distance du grand : on a mesuré
cent quatre-vingt-quatre mètres (4) entre le milieu de la porte d’entrée du premier
et l’angle sud-est du pylône. L ’axe de ce petit temple fait un angle de 66° à l’ouest
avec le méridien magnétique. Sa longueur est de vingt-quatre mètres (y) ; sa largeur,
de quatorze mètres et demi (6) ; et sa hauteur, de sept mètres et demi h ). Il est
composé de deux salles, et environné des quatre côtés par une galerie de colonnes.
Aux angles sont des piliers massifs ; les façades latérales ont six colonnes, et les
autres deux : mais les entre-colonnemens de ces dernières sont plus larges, ce qui
(1) Les Pères n’ont pas fait difficulté de citer le
phénix comme une preuve de la résurrection et de l’incarnation.
(2) Voyez Horapollon, 34.« hiéroglyphe. Ce même
auteur, dans le 5 1.® hiéroglyphe, s’exprime ainsi : « Dès
» que les ailes du nouveau phénix sont formées, il vole
» avec son père vers Héliopolis d’Egypte, où, sitôt à
»leur arrivée, le père meurt au lever du soleil; après
» sa mort, les prêtres d’Egypte l’enterrent, et le nouveau
» phénix retourne au lieu où il est ne. »
(3) Obligé par mon sujet de me renfermer dans des
limites étroites, j’ai réservé pour un'autre Mémoire de
plus grands développemens sur la- figure et sur la fable si
curieuse du phénix, dont Tacite a dit, plura ambigua,
sed cognitu non absurda.
(4) Cinq cent soixante-sept pieds environ.
(5) Soixante-quatorze pieds environ.
(6) Quarante-cinq pieds.
(7) Vingt-trois pieds et demi environ.