
pierres précieuses, d’inégales grosseurs, emploie toutes les ressources de son art
pour dissimuler leurs différences, sans diminuer leur valeur réelle.
Les hiéroglyphes sculptés sur les obélisques de Louqsor semblent, au premier
abord, confus et sans ordre'; ils paraissent plutôt avoir été accumulés pour couvrir
entièrement la surface du monolithe, que coordonnés pour présenter un sens
suivi : c’est ainsi que les voyageurs qui nous ont précédés,:les ont vus et représentés.
Mais, en les dessinant, nous nous sommes aperçus de l’ordre qui règne
dans leur distribution: nous avons remarqué, sur les diverses faces, certaines analogies
qui feraient croire qu’en les comparant on pourrait établir, dans ces grandes
phrases, des subdivisions qui en faciliteraient l’interprétation. Ainsi l’on s’aperçoit
d’abord que les parties les plus élevées de ces tableaux, sur une hauteur de quatre
mètres, diffèrent très-peu dans les six faces que nous avons dessinées, en sorte que,
certainement, elles ont à peu près le même sens. Ce sont peut-être des titres multiplies,
qui, suivant 1 usage ancien des peuples de l’Orient, rappellent toutes les
qualités vraies ou supposées d’un grand personnage. On verra aussi que les trois
colonnes verticales d’hiéroglyphes qui régnent dans toute la hauteur de chaque
face des obélisques, quoique très-distinctes les unes des autres, n’ont pourtant pas
de sens indépendant. Cette ressemblance est sur-tout plus remarquable entre les deux
lignes extrêmes, où Ton voit des caractères principaux placés fréquemment avec
la plus parfaite symétrie. On ne doit pas supposer que la construction des phrases-
hiéroglyphiques ait pu se prêter assez facilement à la volonté du sculpteur, pour
lui permettre d’établir une correspondance aussi exacte; on ne peut non plus
1 attribuer au hasard. Enfin il n’est pas possible d’admettre que les hiéroglyphes
soient de simples décorations; car, indépendamment de ce que cette supposition
est contraire à tous les témoignages historiques, ôn doit considérer que, dans
ce cas, la symétrie serait complète, au lieu de n’être que partielle: il faut donc
en revenir à notre première conclusion , que le sens des trois lignes verticales,
et sur-tout de celles qui sont voisines des angles, est à peu près le même. En
poussant l ’examen plus loin, on partagerait chaque colonne en portions de phrase
au moyen des légendes ou scarabées absolument semblables qui se retrouvent à
différentes hauteurs. En subdivisant ces grandes phrases,-en comparant leurs parties,
il nest pas impossible qu’un savant versé dans l'étude des langues anciennes de
1 Orient, et parfaitement au courant de toutes les recherches auxquelles les hiéroglyphes
ont donné lieu, rende compte de ces grandes et mémorables inscriptions,
contre lesquelles le .temps aura vainement épuisé ses efforts. Mais un
semblable travail est au-dessus de nos forces et hors de notre sujet; revenons à
la description du palais de Louqsor.
Derrière les obélisques, à droite et à gauche, on voit les bustes de deux colosses
dont Je reste est enfoui sous les décombres. Leurs visages sont considérablement
mutilés, et leurs formes presque méconnoissables. Il a fallu beaucoup de temps
et des moyens extraordinaires pour détacher les morceaux qui en ont été enlevés.
La mutilation de ces statues colossales n’est pas l’ouvrage du peuple foiblc
et indiffèrent qui habite actuellement Louqsor; car les parties enfouies ne sont
pas mieux conservées que les autres. Les fouilles que nous avons faites autour de ces
colosses, nous ont procuré la connoissance parfaite de leurs proportions, et nous
ont mis à portée de les dessiner complètement. Ils ont sur la tête des bonnets très-
élevés, qui ont à peu près la forme de mitres. Au-dessous du bonnet, la coiffure
est soigneusement arrangée , et paraît recouverte d’une étoffe très-fine,- dont les
plis réguliers partent du front et vont se réunir derrière la tête, tandis que deux
bandelettes se déploient sur les épaules et tombent en avant des bras. Ces statues
ont de riches colliers. Sur le haut et en avant de leurs bras, sont gravés des légendes,
et au-dessous, quelques autres caractères hiéroglyphiques. Le seul vêtement dont
elles soient couvertes, est une espèce de caleçon d’une étoffe rayée et plissée, attachée
à une ceinture nouée très-bas sur les reins, et serrée au-dessus des genoux.
Chacune de ces statues est d’un seul morceau de granit de Syène, mélangé de
rouge et de noir. Dans le bonnet de celle qui est à l’ouest, il se trouve une veine
d’une couleur jaune très-remarquable.
Le colosse occidental est adossé contre un petit obélisque taillé dans le même
bloc que lui. Les hiéroglyphes qui en décorent les trois faces, ont de l’analogie
avec ceux des obélisques de Louqsor : on y voit représentés, comme dans ces derniers,
une offrande dans la partie supérieure, et au-dessous, un épervier et un
boeuf. La comparaison n’a pu être poussée plus loin, à cause de l’encombrement
du monument.
Derrière le colosse oriental, est une espèce de dossier en granit, de peu d’épaisseur,
qui fait partie du même bloc que lui. Il est terminé circulairement par le
haut, et couvert de beaux hiéroglyphes dont la forme et la distribution ont une
grande analogie avec les hiéroglyphes des obélisques de Louqsor (i). Cette ressemblance
qui existe entre les sculptures hiéroglyphiques des obélisques et des
colosses, est une preuve, entre mille autres, que ces monumens n’ont point été
réunis là, comme quelques personnes pourraient être portées à le croire, par un
peuple auquel la religion et les connoissances des anciens Egyptiens n auraient pas
été familières.
Les deux statues colossales ont treize mètres de hauteur au-dessus du sol ancien:
les fouilles n’ayant été faites que jusqu’à la moitié de la jambe, le reste a été restauré
suivant les proportions des parties connues. La hauteur des socles a été calculée
d’après le sol sur lequel reposent les obélisques. Les statues sont assises sur des dés
cubiques; elles ont neuf mètres environ, du dessus de la tête au-dessous des pieds : la
tête a un mètre cinquante centièmes ; le tronc a trois mètres cinquante centièmes,
et l’on juge que les jambes ont la même longueur. La figure debout auroit environ
huit têtes deux tiers, ou treize mètres. On a mesuré la distance entre les deux épaules,
et on l’a trouvée de quatre mètres: l’index a cinquante-quatre centimètres. Toutes
les autres mesures sont cotées sur les dessins [zj.
Sur la même ligne que les deux colosses, et à quatorze mètres environ de
distance, nous avons aperçu, du haut des édifices de Louqsor, la tete d une autre
statue, qui nous a paru de la même dimension que celles dont nous venons de
(i) Voyez planches 1 ! , n e t r j, A. vol. III. (2) Voyez planche i j , A . vol. III.