
§. IV .
D u Bassin d.’Hermonthis.
Au commencement de cette Description, j’ai dit qu’il y a au midi du temple
un bassin antique, revêtu en pierres. L ’axe de ce bassin répond au milieu de la
longueur totale de l’édifice (i). On y descendoit par des escaliers situés aux quatre
angles. Quand on vient du temple, il faut descendre d’abord un premier escalier ou
perron d environ un mètre de haut ; la plate-forme où le temple est bâti, est élevée
d autant au-dessus du bassin : ce perron a quatre mètres et demi de largeur.
La longueur du bassin est d’environ trente mètres (2), et sa largeur d’environ
vingt-six mètres (3) ; sa construction est visiblement de main Égyptienne : mais son
état actuel représente mal cet ancien Nilomètre que l’on dit avoir existé à Hermonthis.
La colonne qui en occupoit le centre, et que des voyageurs modernes
prétendent y avoir vue, n’a pas laissé de vestiges. Ainsi l’on ne peut y découvrir
aucun indice des hauteurs successives auxquelles s’est élevée l’inondation du
Nil depuis les temps antiques, résultat qui seroit si précieux pour la connoissance
• de l’exhaussement de la vallée et du lit du fleuve.
Au milieu du bassin, il y a une mare assez profonde, où l’eau arrive encore
aujourd’hui, sans doute par filtration. Les femmes y lavent leur linge, et les bestiaux
s y abreuvent. Les escaliers des angles sont fort dégradés et encombrés : à l’un
d eux, qui est mieux conservé que les autres, on a compté dix-sept marches ; mais
il est probable qu’il y en avoit bien davantage, car ces dix-sept marches ne feraient
au plus que six à huit pieds de profondeur. Il y a bien loin de là aux trente coudées
dont le Nil s’élevoit dans le nome d’Hermonthis, au rapport d’Aristide le rhé-
teur (4). Je ne veux pas rechercher ici ce qu’il faut penser de cette assertion, qui
est contredite par Aristide lui-même, lorsqu’il rapporte qu’à Coptos le fleuve s’élevoit
de vingt-une coudees, et a Élephantine de vingt-huit ; mais, quand on n’en
compterait que vingt-deux au Nilomètre d’Hermonthis, le fond du bassin aurait
dû encore être à plus de dix mètres (5) au-dessous du bord, sans même tenir
compte de l’exhaussement du sol.
Ce bassin doit donc être encombré d’au moins vingt-trois pieds; mais je n’ai
pas besoin d’avertir que cet encombrement est local et accidentel, et qu’il n’a rien
de commun avec l’exhaussement que les dépôts du Nil ont opéré. Il suit de là que
les escaliers ne devoient pas finir au milieu de chaque face du bassin (6) ; et il
paraît qu’ils occupoient toute la longueur des faces, car dix mètres de haut supposent
environ quatre-vingts marches; et comme on ne peut guère supposer
moins de trois décimètres ou un pied de largeur à chacune, il en résulte vingt-six
mètres ou quatre-vingts pieds, qui font précisément la largeur du bassin.
(1) Voyez pl. 9 7 , fig . y . métrique des anciens Égyptiens, où j’expose quelques ré-
(2) Quatre-vingt-treize pieds. sultats sur les mesures du Nilomètre et du temple d'Her-
<3) Quatre-vingts pieds. monthis.
(4) Aristïd. in Ægyptio. (6) La gravure représente l’état actuel des choses.
( j) Trente-un pieds. Voyez le Mémoire sur le système
La distance assez grande (i) qu’il y a entre le Nil et ce bassin, pourrait"
d’abord faire douter qu’il ait vraiment servi de Nilomètre : en'second lieu, aucun
auteur ancien ne dit positivement qu’il y en ait eu à Hermonthis ; il n’existe de
passage à ce sujet que celui d’Aristide que je viens de citer (2) : mais le fleuve pou-
voit arriver jadis par un canal jusquà cette ville. En outre, nous avons observé
que le courant du Nil se porte de plus en plus vers la rive droite dans toute la
haute Egypte ; peut-être autrefois couloit-il plus près d’Hermonthis : d’ailleurs,
Aristide auroit-il pu connoître l’élévation du Nil dans cette province, sans une
échelle Nilométrique ! Il faut se rappeler aussi que dans les villes de Memphis et
d’Héliopolis, où le taureau étoit consacré, il existoit des Nilomètres. Jahlonski
a déjà montré le rapport qu’il y a entre le nom du boeuf Apis et celui des colonnes
destinées à mesurer le Nil. Ainsi la tradition qui place un Nilomètre à Hermonthis,
où le boeuf étoit également consacré, reçoit de là une grande confirmation.
Je finirai cet article par une observation qui n’est pas sans importance. Les
hautes eaux ne s’élèvent aujourd’hui qu’à environ sept ou huit pieds au-dessous
du bord du bassin ; si l’on y ajoute ce dont le sol s’est exhaussé depuis l’antiquité,
et la hauteur d’environ trois pieds dont la plate-forme du temple est élevée au-
dessus du bassin, on voit-combien les architectes qui ont construit ce temple,
avoient pris soin de l’élever au-dessus du niveau de l’inondation.
§. v.
D ’un Edifice bâti avec les débris des antiquités d ’Hermonthis.
E n .allant du village d’Erment au temple que j’ai décrit, on aperçoit à droite
une construction assez élevée. A ses distributions circulaires et à ses voûtes, on
reconnoît bientôt qu’elle n’est pas de main Égyptienne. Le plan est simple et assez
beau ; il est formé d’une cour avec deux longues galeries de chaque côté, à deux
rangs de colonnes, e t , à chaque extrémité, de plusieurs pièces, dont une au
centre, qui est demi-circulaire et percée de cinq niches : ces pièces représentent
parfaitement des chapelles Chrétiennes. On voit aussi des croix en fleurons sur
les murailles, et des inscriptions Qobtes. Il est donc impossible de douter que
cet édifice ne soit le reste d’une église Qobte, bâtie dans les temps florissans du
Christianisme.
La seule partie qui reste aujourd’hui debout, est celle du côté du levant
(p l-37> fig- S )•' le reste est rasé. Le sol est jonché de colonnes de l’ordre Corinthien,
toutes de granit; les unes en fragmens, les autres entières : ces colonnes
ont deux pieds de diamètre. Les chapiteaux sont de pierre calcaire et de grès;
les fûts sont mal dressés, et le poli peu soigné ; le listel, l’astragale, et les différentes
moulures de style Grec, telles qu’une corniche en feuilles d’acanthe placée
sur le bâtiment qui est debout, sont d’une exécution médiocre : il en est de même
des bases et des chapiteaux.
(1) Un kilomètre, ou cinq cents toises. (2) Voyez les notes de M. La nglès sur le Voyage de Norden.