
■îles anciens. Le grand nombre de noms et d'inscriptions mis, en diverses langues,
sur les édifices de l’île, prouve assez quelle étoit un lieu remarquable, où tous
les voyageurs s’efïbrçoient de pénétrer, et de laisser des marques écrites de leur
voyage. Or nul autre point plus important que l’île de Philæ n’est indiqué par
les auteurs, au-dessus de la cataracte.
Au reste, le nom de Philæ est tout-à-fait ignoré dans le pays ; cette île y est
appelée Geÿret el-Birbé [l’Ile du Temple]. Cette même île a été aussi désignée au
voyageur Norden sous le nom de Geçirer el-Heif.
Avant d’entrer dans de plus grands détails sur l’île de Philæ, et pour donner
une idée complète de sa position, il convient de faire la description des rives
du fleuve, telles qu’on les voit de l’île même.
Si l’on regarde le nord, la vue ne peut se porter au loin, parce que le Nil
forme un coude â Touest, et que les rochers de la rive gauche se projettent
sur ceux de la rive droite. Au contraire, si l’on regarde vers le midi, le lit du
Nil étant assez direct, on aperçoit jusqu’à plus d’une demi-lieue le cours de ce
fleuve descendant de la Nubie, et serpentant au pied de rochers élevés de soixante
à quatre-vingts mètres, qui le bordent immédiatement ; ce qui forme une grande
et imposante perspective.
La rive orientale du fleuve, celle sur laquelle on arrive en venant de Syène,
offre, comme nous l’avons dit, une petite plaine sablonneuse entre les rochers.
Le terrain que les eaux découvrent chaque année, est cultivé; l’on y voit en outre
d’autres plantes, comme du séné, des mimosa ou acacias, des sensitives, qui
croissent librement et présentent dans toutes les saisons une verdure d’autant
plus remarquable que tout le site environnant en est absolument dénué. Cette
petite plaine est terminée au couchant par une masse considérable de rochers,
au devant de laquelle s’élève celui dont nous avons déjà parlé, et qui présente
la forme d’un siège.
Sur une hauteur qui se trouve parmi ces rochers de granit, on a trouvé des
restes de momies ; n’en ayant été instruits que le soir, lorsque nous étions déjà
en marche pour retourner à Syène, nous ne pûmes faire aucune recherche au
sujet de ces débris. Nous pensâmes que ce sol avoit été visité par quelques-uns
des Français qui nous avoient précédés. Il seroit intéressant de savoir si ces
momies sont renfermées dans des excavations naturelles, ou dans des grottes
taillées par la main des hommes ; mais cela est peu probable, à cause de la
nature du rocher. Nous croyons plutôt quelles sont seulement ensevelies dans
le sable (i).
En suivant le coude du Nil et allant vers le midi, on remarque dans la petite
plaine et près des bords du fleuve, d’abord un hameau Nubien habité, entouré
de palmiers et de quelques mimosa; puis des restes de murailles construites en
(i) J ’ai rapporté des toiles qui ont servi de langes à remarquable, c’est l’extrême grossièreté du tissu, com-
ces momies; elles ne sont pas imprégnées de bitume, parée à la finesse des toiles que l’on trouvé dans les.
mais de natroun , suivant la préparation qu’on sait avoir catacombes de Thèbes. E . J .
été en usage dans la classe du peuple ; ce qui est plus
chaux,
chaux, qui sont les vestiges des tombeaux dé quelques Musulmans révérés;
ensuite deux petits hameaux abandonnés, et des plantations de mimosa; après
quoi les rochers se rapprochent du fleuve et terminent la plaine. Mais, si l’on
'continue de suivre de l’oeil cette même rive orientale, .ôn aperçoit, à un quart
de lieue «au-dessus de Philæ, un village qui paroît plus considérable que les précédons
, et qui se fait sur-tout remarquer par un minaret assez élevé, enduit de
plâtre, et dont la blancheur paroît tres-eclatante au milieu des rochers de granit
Si de meme 011 parcourt de 1 oeil la rive occidentale, en allant du nord au
midi, on remarque un petit espace entre les rochers; cultivé et planté d'arbres.
C est là que se trouvent quelques ruines Égyptiennes ; après quoi l’on ne voit plus
que des rochers ; aussi loin que la vue peut s’étendre. A mi-côte, au milieu de ces
rochers; on aperçoit une petite maison qui ressemble à un ermitage , et doit
avoir été la demeure de quelque anachorète. Il nous est difficile de comprendre
aujourdhui comment des hommes nés dans de plus doux climats, au milieu de
pays abondans, pouvoient s’en exiler par leur propre volonté; et, quittant pour
toujours leurs parens, leurs amis et tout ce qui attache à la vie, venoient habiter
de pareilles solitudes, pour y essuyer les plus dures privations.
A 1 époque des hautes eaux , l’île de Philæ est peu élevée au-dessus de leur
surface : mais, lorsquelles sont abaissées, elle les surpasse de huit mètres (1); et
le rocher de granit qui s’avance dans le fleuve, à la pointe du sud, s’élève encore
de quatre à cinq mètres (2) au-dessus du sol. L ’île est formée; dans sa partie
méridionale, de rochers de granit qui sont opposés au cours du fleuve, e t, de
1 autre côté, des dépôts que le Nil a laissés derrière ces rochers. Les travaux des
hommes ont ensuite contribué à lui donner la forme que l’on voit aujourd’hui.
L île a été entourée d’un mur de quai dont on retrouve par-tout des vestiges ;
et dont plusieurs parties sont même encore bien conservées. Ce mur est en talus,
bâti en grès; les pierres en sont taillées avec soin, et, en général, il est d’une belle
construction. Quant à la multitude de parties saillantes et rentrantes que l’on y
remarque, elle peut avoir eu deux motifs| le premier, de profiter de toutes les
sommités de rochers que l’on pouvoit rencontrer, afin d’y asseoir la fondation;
l’autre, de ménager des esplanades d’une suffisante étendue au-devant de quelques
édifices antérieurement construits. D’ailleurs, il est probable que toutes les parties
de ce mur n ont pas été bâties dans le même temps, et qu’elles ont dû, à différentes
époques, exiger des réparations : c’en est assez pour expliquer leurs contours
irreguhers. Mais une chose est digne de remarque dans la construction des parties
de murailles qui s’avancent dans le fleuve; c’est que ces murs, au lieu d’offrir des
surfaces planes, ont une courbure horizontale, dont la concavité est tournée du
cote de I eau. Cette concavité est,-à la vérité,- peu considérable ; néanmoins on ne
sauroit douter qu’elle n’ait eu un motif de solidité, puisque les murs ainsi construits
opposent la résistance d une voûte à la poussée horizontale des terres :■ mais
cela suppose que les extrémités de l’arc' étoient des points d’appui qui pouvoient
(i) Vingt-cinq’ pieds.
A . D .
(2) Douze à quinze pieds.*
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