
hauteur totale est de trctis mètres et trois dixièmes (i). On voit écrits, sur l’épaule
gauche du sphinx qui est le plus près du piylône, les deux mots Grecs A B A C K A N T O S
T -A O . C’est probablement le nom d’un Grec qui,-ayant visité Karnak, n’aura pu
résister au désir de laisser sur les monumens quelques traces de son passage.
Nous avons fait, dans cette partie de la plaine de Thèbes, un nivellement qui nous
a fait connoître que le terrain s’élève, par une pente presque insensible, des bords du
Nil au pied de labutte factice de Karnak ; il n’y a guère que dix-neuf centimètres (2)
de différence entre les deux points extrêmes. La partie supérieure du socle du piédestal
est d’un mètre soixante-quatre centièmes (3) au-dessous du niveau moyen
de la plaine, et, le 26 août 1799, les eau* du Nil étoient inférieures de deux
métrés dix-huit centièmes (4) à ce niveau moyen.
Le pylône au-devant duquel est l’avenue de sphinx dont nous venons de parler,
s étend, du nord-est au sud-ouest, dans une longueur de cent treize mètres (5);
c’est plus de la moitié de la façade des Invalides. Cette grande construction n’a point
été achevee. Le massif qui est du côté du sud, est le seul où l’on voie encore la sommité
de l’édifice , et cependant il est aisé de reconnoître qu’il n’a point été terminé.
En effet, son parement extérieur, loin de présenter ces nombreuses et colossales
sculptures qui décorent ordinairement les pylônes, est à peine dégrossi; et il offre
encore des pierres dont les faces antérieures présentent des parties saillantes, qui
auroient disparu sous la main de l’ouvrier. Ce premier massif est percé de deux
rangées d’espèces de fenêtres carrées (6) qui le traversent de part en part. Il y a
quatre de ces ouvertures dans chaque rangée, et elles correspondént exactement
au-dessus d’un même nombre de rainures cunéiformes où l’on plaçoit, comme
nous le prouverons bientôt (7), des mâts (8) ornés de pavillons et de banderoles.
La hauteur totale du pylône, à partir du sol, est de quarante-trois mètres et
demi (9) : elle est bien supérieure à celle de nos édifices les plus élevés, et
approche de celle des tours de nos églises. Le bas de la fenêtre la plus méridionale
de la rangée inférieure est de seize mètres cent seize millièmes (10) au-
dessus du niveau moyen de la plaine.
La porte du pylône a été détruite avant d’avoir été terminée. Il n’existe en place
aucune des pierres qui devoient en former le couronnement : on les voit encore
renversées pour la plupart sur les décombres. En avant de l’entrée, on trouve un
gros bloc de granit rouge, qui paroît être le reste d’une statue ( 11) . La porte a
dû être une des plus élevées de toutes celles qui existent dans les ruines de l’Égypte.
Sa largeur, qui est de six mètres et demi ( 12), et ses montans, qui ont près de cinq
(1) Dix pieds un pouce neuf lignes. Voyez la pl. 20. A .
v o l.!I I .
(2) Sept pouces.
(3) Cinq pieds six lignes. Voye^ les conséquences que
nous avons tirées de ce fait, dans la description des colosses
de la plaine de Thèbes, section 1 1 de ce chapitre,
ou nous avons parle avec détail de l’exhaussement de la
vallée du Nil.
(4) Six pieds huit pouces neuf lignes.
(5) Trois cent quarante-huit pieds.
(6) Voyez pl. 2 1 , f i g . j , A . vol. I I I .
(7) Voyei ci-après la description du grand temple du
sud, et la pl. 57, f i g. ÿ , A . vol. I I I .
(8) On peut voir l’effet de ces mâts dans la pl. 4 1 A .
vo l I I I .
(9) Cent trente-quatre pieds environ.
(10) Huit toises un pied sept pouces quatre lignes.
( 1 1 ) M. Denon indique ici deux grands colosses.
(12) Vingt pieds.
metres
mètres ( i ), nous ont fait juger qu’elle a dû avoir plus de vingt mètres ( 2 ) de hauteur
sous le plafond, et plus de vingt-six mètres (3 ) de hauteur totale, en y comprenant
l’architrave et la corniche. Que l’on se représente maintenant les énormes battans
en bois ou en bronze, qui, en roulant péniblement sur leurs gonds, annonçoient
au loin quelques cérémonies imposantes, et l’on aura déjà une idée des monumens
prodigieux que nous allons décrire.
Le massif du pylône qui est vers le nord, est à moitié détruit; il s’élève seulement
de quelques pieds au-dessus de la rangée inférieure des fenêtres. On n’y
voit aucune trace d’hiéroglyphes. A la quantité de pierres (4) qui ont été remuées
ou qui sont encore sur les décombres accumulés autour de l’édifice, on peut juger
qu’il a été exploité comme une carrière, et qu’on en a tiré des matériaux pour
des constructions modernes qui déjà ont cessé d’exister.
Cet édifice non achevé nous a fourni l’occasion de faire des observations nouvelles
et de vérifier celles qui ont été faites ailleurs (y) sur la manière dont les
anciens Égyptiens bâtissoient. Nous avons pu remarquer ici que les assises ne présentent
pas la plus grande régularité; les pierres ne sont pas toujours de même
hauteur. La construction est formée de gros blocs dont les joints ne sont dressés
que dans les deux tiers ou les trois quarts de leur épaisseur ; le reste est piqué
rustiquement pour se lier à la maçonnerie, qui est composée de pierres irrégulières
et plus petites. Le parement n’est point même entièrement dressé : il n’y a qu’une
ciselure de deux à trois centimètres (6) environ faite tout autour; ce qui suffit
pour la pose des pierres. Quand l’édifice auroit été tout-à-fait construit, on se
seroit occupé de faire un ragrément général, de remplir les joints des pierres, et de
dresser définitivement la surface, sur laquelle on auroit exécuté les sculptures
colossales qui sont l’ornement ordinaire de ces sortes de constructions.
Le premier désir que l’on éprouve après avoir examiné tout l’extérieur de. ce
grand pylône, est de pénétrer dans l’intérieur et de parcourir les appartemens
qu’il doit contenir. Malheureusement on ne peut point satisfaire sa curiosité ; l’édifice
est tellement encombré, que presque le tiers de sa hauteur est caché, et que
toutes les entrées sont bouchées. Le milieu du.^pylône est occupé dans toute sa
longueur par un petit escalier droit et très-étroit, d’un peu plus d’un mètre et
demi (7) de large, dont l’entrée devoit être certainement dans la cour, vers le nord ;
mais sa porte est maintenant cachée par les décombres. Ce n’est qu’en escaladant
les murs avec beaucoup de difficulté, et en nous cramponnant aux joints des pierres,
que nous avons pu parvenir à la portion de l’escalier pratiquée dans le massif du
sud. T a montée est. extrêmement douce : les marches n’ont pas plus de huit à dix
centimètres (8) de hauteur; et au premier aspect,.on pourroit croire qu’elles ont été
(1) Quinze pieds.
(2) Soixante pieds.
(3) Quatre-vingts pieds environ.
(4) Toutes les foisque, dans la suite du discours, nous
n’indiquerons point de quelle nature sont les matériaux
employés dans la construction des monumens que nous
décrirons, il sera entendu que ces matériaux sont degrés.
Nous aurons toujours soin d’indiquer spécialement la
pierre calcaire et le granit, qui sont d’un emploi moins
fréquent.
(5) ce q1" a déjà été dit de la construction
dans la Description de Philæ par feu M. Lancret, A . D.
chap. l .
(6) Un pouce.
(7) Quatre pieds sept pouces.
(8) Trois à quatre pouces.