
Un est pas douteux que cet ouvrage appartient à des astronomes plus anciens qu’Éra-
tosthène, et qu ii date du temps où le tropique deté passoit par cette ville extrême
de l’Ëgypte (i).
Comme la distance d’Asouân au tropique est fort considérable, il n’est peut-
être pas hors de propos de faire voir ici que ce nom moderne d’Asouân répond
très-bien à celui de Syhie [Sw n ] ; ce qui confirme l’induction qu’on peut tirer du
voisinage dÉléphantine et des cataractes , et des autres preuves géographiques.
Asonan est dans le cas d’Achmim, dlAbousir, et de plusieurs autres noms que je
pourrais citer : je pense que les Arabes ont ajouté par euphonie lV//f initial à diffé-
rens noms Egyptiens ou Grecs; de manière que, pour découvrir ces noms anciens,
il faudrait lire ainsi les nouveaux: A-Souân, A-Chmim, A-Bousir, ire . Mais ces
remarques étymologiques appartiennent aux mémoires sur la géographie comparée.
i . II.
D e la Ville ancienne et de la Ville moderne.
L e m p l a c e m e n t de l’antique Syène étoit au sud-ouest de la ville moderne,
borné par le Nil, d’une part, et de l'autre, par les rochers de granit ; son assiette
occupoit le penchant de la montagne, contre l’ordinaire des villes Égyptiennes.
Deja ruinée à l’époque de la conquête des Arabes, elle perdit beaucoup de son
etendue par l’enceinte que ces derniers bâtirent à trois cents mètres (2) en arrière,
avec de larges fossés extérieurs et intérieurs. Cette enceinte est double et fortifiée
suivant le système d’Alexandrie Arabe : elle a été fondée en général sur le rocher
nu, et on l’a assujettie à suivre les mouvemens de la montagne; une de ses faces
est construite à pic sur le bord du fleuve. La muraille est encore bien conservée;
elle est bâtie toute entière en fragmens de granit, débris provenus des anciennes
(1) Les expressions de Strabon font voir que ce puits
avoit été creusé pour connoître le jour du solstice : Ér Jix
t» Suhvm, jcsu 70 <pptctf tç) 70 Jlamjuajvov 7»ç Si eiretç rpoTmç.
Geograph. Paris, 1620; /. jy v u , p. 817. Les bornes de
cette description ne permettent pas d’entrer dans de plus
grands développemens ; je les réserve pour un autre écrit
consacré au système métrique des anciens Égyptiens, écrit
qui fait l’une des bases de mon travail sur la géographie
comparée de l’Egypte. Dans cet écrit, je cherche à établir
les points suivans :
i.° II a été fait à une époque très-reculée une mesure
du degré terrestre en Egypte et de la circonférence du
globe.
z.° Une partie aliquote de cette circonférence à été
choisie pour former l’unité des mesures nationales, et l’on
a établi sur cette base un système complet de mesures
linéaires et agraires.
3.0 On a conservé, dans l’institution du système métrique,
la division duodécimale et sexagésimale, qui est
propre aux mesures naturelles du corps humain, mesures
qui avoient cours antérieurement à l’institution.
4*° Egyptiens ont consacré leur système de mesures
dans de grands monumens, qui ont servi à le transmettre
à la postérité.
5.0 Enfin les Grecs, les Hébreux et les Arabes ont
emprunté à l’Egypte ancienne une partie de ses mesures
géographiques et civiles.
A ce mémoire sont joints douze tableaux des mesures
comparées tirées des auteurs originaux, avec leur valeur en
mètres, et enfin des recherches étymologiques sur les
dénominations des mesures.
Pour donner une idée de l’ordre établi dans cette division
métrique, je rapporterai seulement ici les principaux
termes de l’échelle.
Le sexagésime, grande mesure géographique, fait
6 degrés, 60 schoenes Égyptiens, &ç.
Le degré fait 10 schtenes, 60 milles, &c.
Leschwne------ 6 milles, 60 stades, &c.
Le mille 10 stades, 60 plèthres, &c.
Le stade ■ 6 plèthres, 60 cannes, &c.
Lepléthre — — 10 cannes, &c. &c.
Par conséquent, les valeurs successives de ces mesures
sont de six degrés, un degré; six minutes, une minute;
six secondes, une seconde; six tierces, &c.
(2) Cent cinquante-quatre toises.
exploitations. Quand on est au couchant de Syène ou sur la route de l’île de.
Philæ, on aperçoit avec étonnement cette longue enceinte toute flanquée de bastions
et de tours carrées, et, ce qui est plus curieux , toute composée de pierres
de couleur rose, noire ou rougeâtre, diversement arrangées, et présentant dans
leurs nuances toutes les variétés du beau granit oriental.
Un autre spectacle encore plus rare-en Egypte, est celui des vestiges de bâti-
mens qui occupent la plus haute partie de la ville auprès du fleuve (i), Ces grands
pans de murailles distribués par étages, ces nombreux palmiers sortant du granit,
cet amas de rochers et de ruines dont les couleurs se confondent,. enfin cet horizon
borné à chaque pas, forment un coup-d’oei! que ce pays n’offre nulle part,
puisqu’il ne s y trouve presque jamais d’habitations sur les hauteurs, que les arbres
y occupent toujours un sol uni et de niveau, et que l’horizon y est par-tout découvert.
En général, tout ce quartier de l’Égypte a un aspect singulièrement pittoresque,
et d’autant plus remarqué par les voyageurs, qu’il diffère plus de l’aspect
ordinaire. Les montagnes rembrunies que l’on foule aux pieds ou qui frappent la
vue sur tous les points, et les masses de granit qui s’élèvent à la surface du fleuve,
ajoutent beaucoup a 1 effet du tableau. Si Ion vient à détacher un éclat de ces
roches si colorees, on voit avec surprise le ton rose et brillant que la cassure a
mis à découvert ; on se demande si c’est à l’action de l’air, ou bien à celle du soleil,
que la surface doit sa couleur brune et foncée. Mais que pourrait produire sur une
matière aussi dure un air toujours sec! et quant à-la chaleur, on ne saurait lui
attribuer cet effet qua l’aide d’un temps prodigieux ; car les hiéroglyphes tracés
sur ces pierres depuis un si long temps sont encore d’un rose assez vif.
Les Égyptiens ont couvert de sculptures et d’hiéroglyphes les surfaces lisses
des rochers dans tous les environs de Syène, principalement les blocs qui sont à
pic et baignes par les eaux; ces sculptures sont différemment grandes, et creusées
plus ou moins profondement. Il y en a qui représentent des figures de dieux au
fond d’une espèce de niche; d’autres, des sacrifices et des offrandes: mais toutes
annoncent, comme à Philæ, le soin et la peine qu’il a fallu prendre pour les
exécuter. On a sculpté de la même manière les blocs de l’île d’Ëléphantine, qui
est en face. Il serait curieux de découvrir le sens des inscriptions, qui peut-être
n’ont pas toutes un objet religieux, et qui pourraient bien avoir trait à l’exploitation
des grands massiÉ où on les a tracées. Ces rochers du bord du Nil sont
encore plus noirs que les autres; et le frottement des eaux leur a donné un luisant
et une sorte de poli particulier, qu’on ne peut se représenter parfaitement
qu’après l’avoir vu sur les lieux.
L ’intérieur de l’enceinte de la ville Arabe est rempli de' décombres accumulés
sur les blocs de granit où cette ville étoit assise : sa longueur est de sept à huit
cents mètres. C ’est vers le midi qu’est le chemin qui conduit de Syène à l’île de
ihilæ. Au levant, on y remarque une bptte très-haute, sur laquelle l’armée
Françoise avoit élevé un fort; au-dessous, un temple Égyptien, presque enseveli
(1) Voyez p l. 3 0 , fig. 4.
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