
du nord, c’est le grand nombre d’inscriptions Grecques et Latines qui couvrent ses
deux jambes : on en a compté jusqu’à soixante-douze. L ’un de nos collègues, feu
M. Coquebert, qu’une mort prématurée a enlevé à sa famille et à ses amis, les
avoit îecueillies en grande partie ; mais ses papiers ont été perdus. Il eût été curieux
de comparer son travail avec les inscriptions publiées par les voyageurs Pococke et
Norden, Ces inscriptions paraissent avoir été gravées par les ordres de personnages
distingués (i), tels que des préfets de l'Egypte, des généraux, l’empereur Adrien
lui-même, et l’impératrice Sabine. Nous avons rassemblé toutes celles que les savans
ont pu déchiffrer; elles forment un appendice à cette section : nous y avons joint
celles que nous avons recueillies nous-mcmes, et qui n’ont point encore été publiées.
Quant aux inscriptions que leur altération n’a pas permis de déchiffrer, on peut
consulter 1 édition Anglaise du Voyage de Pococke, qui paraît les avoir copiées avec
soin. Toutes ces inscriptions célèbrent Memnon, et attestent que ceux qui les ont
fait graver, ont entendu le. son de la statue. Il est remarquable qu’aucune d ’entre
elles n’est du temps des Ptolémées ; elles sont toutes postérieures à la conquête des
Romains. Probablement, sous les Ptolémées, la religion Égyptienne étoit encore
assez en vigueur, et les monumens assez respectés, pour qu’on écartât soigneusement
les profanes et les étrangers de l’édifice sacré où, comme nous allons bientôt
le voir, étoient renfermées les deux statues qui nous occupent. C’est au moins ce
que prouvent I histoire de ces temps, et quelques monumens trouvés récemment,
tels que 1 inscription de la pierre de Rosette, qui constate que les Ptolémées pro-
tégeoient la religion Égyptienne, et qu’ils s’occupoient même de l’entretien des
temples (2).
Sous les Romains,.au contraire, la religion Égyptienne étoit avilie, pour ainsi
dire, et opprimée; et, si l’on en croit Strabon (3), on ne trouvoit plus dans les
temples ces prêtres habiles et instruits auprès desquels Platon, Solon, Eudoxe, et
les plus grands philosophes de la Grèce, alloient puiser des leçons de science et
de sagesse; on n’y voyoit plus que des hommes ignorans et vains,-qui étoient
livrés aux superstitions, et qui n’avoient retenu des anciennes institutions religieuses
que les rites et le culte apparent.
Les inscriptions gravées sur le colosse du nord sont, en grande partie, du temps
d’Adrien (4); quelques-unes datent du règne de Domitien, et l’on n’en trouve
point d’une époque plus rapprochée : elles prouvent combien la statue a eu de
célébrité pendant près d’un siècle. Parmi les écrivains qui ont parlé de l’Égypte et
des choses remarquables que l’on y voit, il n’en est presque aucun qui n’ait appelé
¡attention sur la statue de Memnon; elle a excité la curiosité des plus grands personnages.
Indépendamment de la renommée dont elle a joui pendant la période
( ') a la fin de cette section, les inscriptions (Ptohmxus) , consecravit in templorum commada argtn-
I I I , V , V I I I , IX , X V I I I , X X , X X IX , X X X , X X X I , X X X II. tarios etfrumentarios provenais; et multa impendia susli-
(2) T * ■syor 0t»r tvipitvyjû! itctxtfS/ias ( Ilnis/nosi ) caaai- nuit a i Ægyptum in tranquillitatem reducendam et ad
Situ ut ra it 3 s apjtjUMç „ tgi Hvxpt nrqpnhif- «u Stamat tanpla erigeada. (Éclaircissemenssur l’inscription Grecque
90Mac vm/jtyuniKtr trtxa nu w Aiy/rnmv ftf âjJiew ffîxgjr v&t de Rosette, par M. Ameilhon, ligne a , pa*. i j )
« (3) Voyez Ia citation n.° 1 , pag. ,16. , °
In ea quoe pertinent ad deos benefico a nu no propensus (4) Voye^ les inscriptions à la fin de, cette section.
de temps dont nous venons de parler, elle étoit encore célèbre dans les siècles
antérieurs. L ’historien d’Alexandre (1) rapporte que ce héros, entraîné par un désir,
louable, sans doute, mais tout-à-fait hors de propos, avoit formé le projet de parcourir
non-seulement l’intérieur de l’Égypte, mais encore l’Ethiopie ; qu’avide decon-
noître les antiquités, il auroit visité les palais célèbres de Memnon et de Tithon-,
et se serait avancé par-delà les lieux où le soleil se lève, si les soins d’une guerre
imminente ne l’en eussent détourné. On pourrait croire que Quinte-Curce, bien au
fait des merveilles que l’on alloit admirer de son temps en Égypte, n’a point voulu
qu’elles parussent avoir été ignorées de son héros : cependant, comme son témoL
gnage se réunit à celui d’autres anciens historiens, et qu’une inscription Grecque,,
encore subsistante sur la statue, atteste qu’avant d’avoir été brisée par Cambyse (2),
elle rendoit des sons plus clairs et plus harmonieux, on doit croire que cette statue
avoit déjà très-anciennement de la célébrité, et que sa qualité sonore étoit connue
même avant l’invasion des Perses, au temps où la religion Égyptienne étoit dans
toute sa splendeur. On en serait encore plus convaincu, si l’on se laissoit guider
par l’analogie des monumens : on voit en effet, dans les temples de l’Égypte, des
conduits secrets au moyen desquels les prêtres entretenoient la superstition des
peuples, peut-être par des oracles, ou seulement par de simples sons, tels que ceux
que faisoit entendre la statue de Memnon (3).
Il est fâcheux que l’état de dégradation où se trouvent les deux colosses dont
nous venons de parler, ne permette pas de juger du mérite de leur sculpture, qui
sans doute étoit digne d’admiration. C’est une remarque importante à faire, qu’on
s’est en général mépris sur letat de la sculpture chez les anciens Égyptiens ; on en
a jugé par cette multitude de figures Égyptiennes qui servoient d’amulettes, et que
l’on fabriquoit en si grand nombre et avec si peu de soin, pour satisfaire la superstition
des Égyptiens et leur empressement à se les procurer. Ces figurés inondent,
pour ainsi dire, tous les cabinets de l’Europe. Porter d’après elles un jugement
sur l’état de l’art en Égypte, c’est comme si l’on vouloit juger chez nous de l’avancement
de la peinture et de la sculpture par cette multitude de figures et
d’images de saints qui sont entre les mains de tous les gens du peuple. Pour se faire
une juste idée de la sculpture Égyptienne, il faut la considérer dans les beaux morceaux
que nous avons trouvés au milieu des ruines des villes anciennes, tels
que la superbe tête du tombeau d’Osymandyas (4), le torse d’Abydus ( 5 ), et celui
de Semenhoud, qui est maintenant déposé à la Bibliothèque impériale. Il faut surtout
considérer la sculpture dans ses rapports avec l’architecture ; c’est alors qu’elle
paroît vraiment grandiose et monumentale. Quoi de plus magnifique et de plus-
majestueux en effet, que ces masses colossales placées en avant de constructions
( 1 ) Cupido, haud injusta quidem, cceterùm intempestiva,
incessemi, non interiora modo Ægypti, sed etiain Æt/iio-
piani invisere. Memnonis Tithonique celebrata regia cognos-
cendoe vetustatis avidum trahebatpene extra términos solis ;
sed imminens bcllum, cujus multò major supererai moles ,
otiosceperegrinationitemporaexemerat. (Q u i n t .C u r t . Hist.
Alex. l i b . I V . )
( 2 ) Voyeç l’ in s c r ip t io n X X V I I , à l a f in d e c e t t e s e c t io n *
pag. u j .
( 3 ) c i - a p r è s , p a g . i o j e t 1 0 4 , c e q u e n o u s d i s o n s
d e la m a n i è r e d o n t l a s t a t u e r e n d o i t d e s s o n s . . ’
(4 ) V o y e ^ l a d e s c r ip t io n d e c e m o n u m e n t , section I I I
de ce chapitre.
(5) y °ye i l e V.° v o lu m e d e l ’A t l a s d e s a n t iq u i t é s .
L I