Égyptien, et le mot lui-même de bibliothèque est un témoignage frappant-de l’origine,
de la nature et de la patrie des premiers livres qui aient existé. Le papyrus four-
nissoit encore, dès la plus haute antiquité, un aliment commun aux Égyptiens, et
c’est pour cela qu’il leur servoit. à désigner l’ancienneté de la nation et en général
tout ce qui est très-ancien ( i ). L ’usage qu’ils en ont fait, remonte donc aux temps
les plus reculés (2.). Je n’entrerai non plus dans aucun détail sur la préparation
qu’on faisoit subir à la tige du papyrus pour la transformer en papier, et je me
bornerai à ce que j’ai observé moi-même en examinant les manuscrits.-
L ’antiquité nous a transmis le souvenir d’un papyrus très-blanc, lisse et poli,
sur lequel on devoit écrire aussi aisément que nous le faisons sur nos meilleurs
papiers. Mais tous les fragmens que j’ai vus sont loin d-avoir cette qualité : le
plus blanc est d’un jaune - paille ; le plus uni a toujours des aspérités, et Ion a
même de la peine à concevoir comment la main a réussi à y tracer dès caractères
nets et bien formés, comme ceux quon y voit. Cetoit de deux couçhes tres-
minces de l’écorce de la plante, collées et appliquées à angle droit, qu’on formoit
chaque feuille : mais, quelque bien appliquées qu’elles soient, la trace des filamens
croisés paroît toujours à l’oeil, et elle forme un reseau un peu inégal avec de
petites rugosités. La surface en est lisse, mais non plane ; la plume devoit ppi ouvei
alternativement de l’aisance et de la difficulté pour y faire couler l’encre.
Plus on regarde les caractères empreints sur cette écorce, et plus on est porté
à croire qu’on les a tracés avec cette espèce de plume que les Orientaux con-
noissent aujourd’hui sous le nom de qalam (3). Tout le monde sait que c est
un roseau mince, taillé à la manière de nos plumes, mais avec une coupe très-
oblique , et propre à former également des déliés très-fins et des pleins tres-
larges. L ’écriture des papyrus n a pas de traits aussi délicats que la belle écriture
Arabe; mais elle a cependant des pleins et des déliés bien marqués. En outre, et
cela prouve notre assertion, la queue des lettres est toujours coupée en biseau.
Soit que ces lettres aient une direction perpendiculaire, soit qu’elles s’étendent
horizontalement, il y a constamment un biseau à l’extrémité.
Outre le qalam, les écrivains Égyptiens employoient la règle pour tracer des
lignes droites. Il y a toujours dans leurs voliimes quelque tableau qui accompagne
l’écriture, et il falloit aligner ce tableau ; il fàlloit aussi 1 encadrer d une double
ligne, et l’on reconnoît que la même plume leur servoit pour tracer les cadres. Je
pense aussi qu’on usoit du qalam pour tracer les figures des tableaux, car la taille
oblique se retrouve encore dans les contours des personnages; et, pour le dire
en passant, l’emploi d’un pareil instrument pour dessiner des figures au premier
. (1) Voyez Horapollon, Hierogl. X X X , Yib. I. et plume, soit en grec, soit en latin ; ce qui semble an-
(2) Un distique de Martial prouve que, pour écrire, noncer que les Grecs et les Romains ont écrit d'abord sur
o n se servoit à Rome des roseaux d’Égypte ; à plus forte le papyrus et avec un roseau : peut-être ce mot est-il
raison les Égyptiens en dcvoient-ils faire usage. lui-même un ancien mot des Egyptiens que les Grecs
Da,etm ieUihealamSMea,rld,ie,,ellm: leur on. emprunté, en même temps que Usage et les
Texamur relique tecta patude OU. inslrumens de l’écriture. G est une remarque heureuse que
Mart. Epîgr. üb. xiv, 38. celle de Pline, an sujet du calamus : Chartisque serviunt
(3) Les mots de qalam et xetxaftoc ou calamus ont sans calami, Ægyplii maxim'c, cagnatiane quidam papyrl.
doute la même origine. Le second signifie à-la-fois roseau (H is l. nat. l ib .x v l, cap. 36.)
trait
trait suppose une bien grande habitude dans les dessinateurs ou plutôt les écrivains,
En effet, les linéamens sont larges, mais fermes et tracés sans hésitation,
avec une justesse de touche et un sentiment des. formes qu’on admire, sur-tout
dans les animaux. Aucun ancien peuple n’a possédé, sans doute, autant d’artistes,
j’entends d’hommes doués de ce talent pour la connojssance des formes essentielles
et caractéristiques; enfin de cette grande habitude pour les silhouettes ; nous ne
trouvons pas ailleurs qu’en Égypte des ébauches de dessins aussi bien faites que celles
qu’on voit si communément dans les hypogées, dans certains monumens non finis,
enfin dans les manuscrits. Nous parlerons plus loin des procédés de la peinture sur
papyrus : donnons d’abord une idée de la forme de ces précieux volumes, de leur
étendue, de léur composition, et de l’état où, on les a découverts.
Comment peindre la surprise des voyageurs, quand, après avoir développé ou
coupé vingt circonvolutions de bandelettes de momie, ils venoient à rencontrer
des rouleaux intacts! Si l’on voulqit décrire l’empressement, la curiosité, l’enthousiasme;
qui nous gagnoient tous de proche en proche, on feroit une peinture
froide et sans couleur à côté de la réalité. N’essayons pas même d’esquisser ce
tableau, et narrons simplement les faits que nous avons observés.
C’est sous les enveloppes générales qui recouvrent les momies, ordinairement
entre les deux cuisses, et quelquefois entre le bras et le corps, qu’on a découvert
les papyrus. On en a trouvé indistinctement dans les deux sexes, mais plus fréquemment
chez les hommes ; les momies préparées avec simplicité renfermoiept
des volumes comme celles où l’on avoit déployé un certain luxe.
La hauteur de ces rouleaux est variable, et la longueur l’est encore davantage;
le plus grand et le plus précieux de tous ceux que l’on a recueillis, a neuf mètres
vingt centimètres de long [environ vingt-huit pieds quatre pouces] (1). Il ne faudrait,
peut-être pas juger, par ces mesures, de la dimension à laquelle pouvoit
atteindre le papier Égyptien ; car rien ne devoit borner cette dhnension, s’il faut
en juger par le procédé que Pline a décrit.
Chaque volume est roulé sur lui-même, en circonvolutions serrées, et de gauche
à droite ; indice à joindre aux preuves qu’on a déjà, que les Égyptiens lisoient de
droite à gauche. Le rouleau est aplati. II est moins léger qu’on ne s’y attendrait;
effet qui provient de la double couche du liber, de la présence de la gomme et
de la peinture appliquée par-dessus. Au toucher, on le trouve sec et cassant; il
sent fortement le baume; sa teinte est un jaune plus ou moins foncé ou sali. Le
dérouler au sortir de la momie, serait impossible : au moindre mouvement que
l’on fait pour l’ouvrir, on l’entend craquer et l’on voit des filamens s’en détacher,
Ce n’étoit pas là, sans doute, l’état primitif de ces manuscrits; l’éCrivain avoit
besoin d’un papier plus flexible pour pouvoir en user. Je pense que cet effet
provient de ce qu’on a roulé autour du corps les bandelettes toutes chaudes, et
qu’à la chaleur des toiles s’est jointe une autre cause continue, la température
élevée des puits, qui a desséché entièrement les rouleaux, maigre les enveloppes
imperméables qui les recouvrent,
(1) La hauteur varie de vingt-huit à trente-sept centimètres [dix pouces quatre lignes à treize pouces huit lignes].
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