
Je monumens si magnifiques, qu’ils ont pu être considérés comme le dernier effort
de la puissance humaine, avant que l’ancienne capitale, de l’Egypte fût mieux
connue. Qui n’a point été saisi d’admiration en lisant les. récits des voyageurs,
au sujet des merveilles que renferment encore ces villes autrefois si florissantes
et maintenant désolées ! Qui n’a point appris avec étonnement qu’à Palmyre, dans
un endroit enveloppé de tous côtés par le désert, il existe actuellement même
des ruines d’une telle magnificence, que 1'imagination a peine à les concevoir!
Le grand temple du Soleil est renfermé dans une enceinte de deux cent quarante
six mètres de long et de deux cent vingt-un mètres de Jarge ; trois cent
soixante-quatre colonnes d’un mètre quarante centièmes (1) de diamètre, et de
quinze mètres et demi (2) de hauteur, en soutenoient les longues galeries et les vastes
portiques. Le temple, maintenant ruiné, offre des débris dans une etendue de
soixante-dix mètres (3) en longueur, et de quarante - deux mètres (4) en largeur. Le
portique et le péristyle sont formés de quarante-une colonnes, toutes de marbre
blanc, de plus de seize mètres (5) d’élévation. Les dimensions' colossales de ces monumens
ne sont pas encore ce qui excite le plus l’étonnement; ce sont les admirables
sculptures dont les frises, les corniches, les soffites, sont couverts; ce sont les riches
ornemens qui décorent les encadremens des croisées et des portes. Sous le rapport
du goût, de la pureté du dessin, et de l’élégance des proportions,Thèbes n’a pas de
sculptures à opposer à celles de Palmyre ; mais elle est bien supérieure à celle-ci par
l’étendue des surfaces sculptées de ses nombreux monumens. Le palais de Karnak,
sans compter les accessoires qui en dépendent immédiatement, a trois cent cinquante
huit mètres (6) de long, et une largeur de cent dix mètres (7); ainsi il
l’emporte de beaucoup sur le temple du Soleil : et d’ailleurs, quelle différence
dans la manière dont les espaces sont remplis ! Le temple du Soleil subsistoit seul
et comme isolé au milieu de sa vaste enceinte, et les murs du palais de Karnak
enferment une suite d’édifices contigus, qui ne laissent, pour ainsi dire, aucun vide
sur une surface immense.
Palmyre se fait sur-tout remarquer par ses longues avenues de colonnes d un seul
morceau de marbre; on en voit quatre rangées formant des avenues qui correspondent
aux trois ouvertures d’un très - bel arc de triomphe : elles occupent en
longueur une étendue de douze cent vingt-neuf mètres (8.), et viennent aboutir à un
magnifique tombeau; elles forment de vastes portiques ornés d’une grande quantité
de statues et d’inscriptions monumentales. Le moindre nombre auquel on puisse
porter toutes les colonnes, est de quatorze cent cinquante, et il n’en reste plus debout
maintenant que cent vingt-neuf. A tant de magnificence Karnak peut opposer ses
nombreuses avenues de sphinx : mises les unes à la suite des autres, elles occupe-
roient une étendue de deux mille neuf cent vingt-cinq mètres (9);, et une seule
d’entre elles a deux mille mètres (10) de longueur. Elles n’ont pas dû renfermer
(6) Mille cinquante-deux pieds.
(7) Trois cent trente-deux pieds.
(8) Quatre mille pieds.
(9) Huit mille sept cent soixante-quinze pieds.
(10) Six mille pieds.
( 1 ) Quatre pieds quatre pouces.
(2) Quarante-huit pieds.
(3) Deux cent treize pieds.
(4) Cent trente-un pieds.
(5) Cinquante pieds.
moins de seize cents sphinx, dont il subsiste encore actuellement près de deux cents.
Ces colosses contiennent beaucoup plus de matière et ont exigé plus de travail que
toutes les colonnes réunies des vastes portiques de Palmyre.
Il est vrai que Palmyre montre encore avec éclat d’autres ruines imposantes et
de nombreuses colonnes, parmi lesquelles plusieurs sont d’un seul morceau de
granit; mais aussi Karnak, qui n’est qu’une portion de Thèbes, comprend d’autres
restes de temples, de portes magnifiques, et plus de quarante statues monolithes et
colossales. Palmyre a deux colonnes triomphales de dix-neuf mètres (1) de hauteur:
les grandes colonnes de Karnak ont vingt-deux mètres (2), et elles forment des
avenues. Combien plus de raisons on auroit encore d’accorder la supériorité à
Thèbes, si, au lieu de ne considérer qu’une portion de cette ville célèbre, on s’atta-
choit à faire l’énumération des monumens qu’elle renferme dans toute son étendue !
En effet, on n’y compte pas moins de huit obélisques monolithes, dont quatre
subsistent encore dans leur entier et sont tous d’une hauteur prodigieuse ; dix-sept
pylônes de dimensions colossales ; sept cent cinquante colonnes presque toutes
intactes, panni lesquelles il s’en trouve d’un diamètre égal à celui de la colonne
Trajane. On voit maintenant à Thèbes soixante-dix-sept statues monolithes encore
subsistantes, ou dont l’existence est incontestablement annoncée par de nombreux
débris : la plus petite excède les proportions naturelles, et les plus grandes ont jusqu’à
dix-huit mètres (3) de hauteur.
Le contour des ruines de Palmyre est de cinq mille sept cent soixante-douze
mètres (4)- C’est à peu près le circuit des ruines de Karnak. Mais, comme nous
l’avons déjà dit, Karnak n’étoit qu’une portion de la ville de Thèbes, dont le contour
total peut avoir été de quatorze à quinze mille mètres (5).
Palmyre, ainsi que Thèbes, a ses tombeaux dont on vante la magnificence.
Ce sont des tours carrées de quatre et cinq étages, toutes de marbre blanc, et décorées
de riches ornemens et de figures d’hommes et de femmes en ronde-bosse.
Dispersées çà et là dans la vallée qui conduit à Palmyre, elles annoncent avec
éclat ses ruines magnifiques. Si l’on en croit les récits des voyageurs, les impressions
que laisse dans l’ame l’aspect de ces monumens funèbres, sont vives et profondes ;
mais l’emportent-eiles sur celles que l’on éprouve en pénétrant dans cette vallée
mystérieuse où sont creusés les tombeaux des anciennes dynasties des rois de
Thèbes ! Ces hypogées, qui renfermoient les restes des souverains de l’un des plus
anciens peuples connus, inspirent-ils moins d’intérêt et de recueillement que les
édifices funèbres de Palmyre ! Quelle différence d’ailleurs dans le résultat des efforts
des deux peuples ! Les plus grands tombeaux de Palmyre ont tout au plus quinze
mètres (6) de longueur, à peu près autant de largeur, et vingt-trois mètres (7) de
hauteur. La plus grande des grottes de la vallée des tombeaux n’a pas moins de cent
onze mètres (8) de profondeur. Nous en avons découvert onze, et dans ce nombre
(1) Soixante pieds. (5) Voye^ là Dissertation à la fin de ce chapitre,
(2) Soixante-dix pieds. (6) Quarante-six à quarante-sept pieds.
(3) Cinquante-quatre pieds. (7) Soixante-douze pieds.
(4) Dix-huit mille sept cent cinquante pieds. (8) Trois cent quarante-deux pieds,