
isolés, alignés, et ordinairement de même grandeur; tandis que les caractères cursifs
sont inégaux et entrent plus ou moins les uns dans les autres, comme dans toute écriture
courante : c’est ce qu’on expliquera plus au long à 1 article des papyrus.
Les langes de momie offrent de nombreuses variétés, telles que des toiles
rayées de larges raies bleues (i); des franges formées de fils tordus et terminés
par un noeud (2 ) , sans doute celles dont parle Hérodote en décrivant le costume
Égyptien ( 3 ) ; de grandes pièces couvertes de peintures et de divers dessins,
&c. Toutes ces toiles sont d’un jaune plus ou moins foncé,même les bandes
extérieures qui ne sont pas imprégnées de bitume, et qui sont seulement enduites
de cette gomme que l’on regarde comme celle de l’acacia, ou gomme
Arabique. On a déjà remarqué que ce sont les premières bandes, c’est-à-dire,
celles qui touchent au corps, qui sont pénétrées de résine bitumineuse, d’un brun
très-foncé.
La chaîne de la toile de momie a souvent deux fils : quelquefois la chaîne et la
trame en ont deux l’une et l’autre, ainsi que celles de la toile .à voiles ; et le grain est
alors plus gros, mais d’un coup-doeil agreable. 11 arrive encore que, d espace en
espace, la trame a trois et quatre fils : j’ai même compté jusqu’à quatorze fils à la
trame, du côté du chef de la pièce; ce qui forme une sorte de bordure. Quant à la
largeur des toiles, il y en a d’un mètre, et même d’un mètre et demi; M. Coutelle
en a rapporté un morceau qui a un mètre cinquante-sept centimètres [quatre tiers
d’aune] de largeur.
Cette dernière toile a une frange dont les filets, distans d’un centimètre et longs
de vingt, sont formés par les fils de la chaîne rassemblés et tordus. Il n’y a point
de noeud à l’extrémité des fils ; mais les bouts sont artistement entrelacés ou cousus.
Le chef de la toile est orné de huit raies divisées en deux parties ; et ces' raies
sont formées par la trame, qui, au lieu d’un fil, en a huit ou dix. Légalité de
l’étoffe est parfaite, et la finesse en est bien supérieure à l’idée qu’on avoit des
ouvrages d’un temps aussi reculé : c’est dans de pareils tissus qu on peut apprendre
à quel degré les Égyptiens ont poussé l’industrie. Il est a propos de remarquer ici
que les étoffes appelées milâyeh par les Égyptiens modernes ont beaucoup de
rapport avec ces toiles à franges. Les milâyeh servent de draps, de manteaux,
de sacs, et sont d’un usage universel. Ainsi qu’autrefois, les tisserands qui les
façonnent, laissent déborder aux deux bouts les fils de la chaîne dans une longueur
d’un décimètre ou quatre pouces ; ces fils sont séparés par paquets de
huit à dix , tordus, puis réunis deux à deux et fermés par un noeud.
On a encore rapporté des hypogées, des ceintures'à raies bleues avec un effilé,
des toiles ouvrées, des toiles à liteaux, des toiles d’un rouge de capucine ou
de garance, des canevas en iiri très - clairs, enfin des peluches en coton et des
demi-velours. J ’ai une de ces peluches où il y avoit, d’espace en espace, trois
rangs en poil de chèvre; c’est là l’origine du velours. Mais ce qui est le plus
(1) Voyez la Thncl,e y , fig. y , A . vol. I I . C’est la (a) Voyez it li. fig. y. H y a de ces franges çui ont
trame qui forme la raie bleue; cette raie, assez large, est deux décimètres de hauteur,
accompagnée de plusieurs autres de même couleur et plus (3) He rod ./ïtif.Iîb. I l , cap. 81.
■digne d’attention, c’est une étoffe en laine, cannelée à la manière des basins et
des camelots, douce au toucher, très-lisse et d’un grain parfaitement égal (1).
Quoiqu’on ait ramassé cette étoffe dans les catacombes, on ne pourroit assurer
qu’elle ait servi à l’embaumement : en effet , c’est un fragment isolé qu’on a trouvé
sur le sol, parmi les débris de momies ; en outre, selon Hérodote, on ne faisoit
pas usage de laine pour envelopper les corps embaumés (2): mais elle est certainement
un ouvrage Égyptien. La couleur de l’étoffè est un jaune-orangé fort
agréable, qui ne provient pas du baume, mais de la nuance donnée à la laine. Cette
nuance a résisté à la durée des siècles d’une manière surprenante;-ou du moins,
si le temps l’a changée, il lui a été bien favorable. Le morceau de cette étoffe qu’on
a rapporté, étoit garni tout autour d’un ourlet plat et large de quatre lignes, et
cousu à points écartés ; la couture en est bien conservée, mais mal faite. A ce morceau
en est cousu un autre pareil; et à la jonction des deux ourlets, est un joli
cordonnet jaune, nuancé de. bleu. La chaîne est beaucoup plus grosse que la
trame, et c’est de cette différence de grosseur que provient l’apparehce cannelée.
Le fil de la trame est d’une finesse si extraordinaire, qu’il n’est pas aisé de concevoir
comment on a pu le filer. En général, parmi toutes ces espèces de toiles, la plupart
ont un grain très-marqué, qui est dû à la différence de la chaîne avec la trame.
On ne peut s’empêcher de remarquer la solidité du jaune, du bleu, du rouge,
qui ont servi à teindre ces diverses toiles. Le bleu provient de l’indigo ; quant
au rouge , l’analogie qu’on lui trouve au premier coup-d’oeil avec la garance, est
encore confirmée par l’existence très-ancienne de cette plante en Orient (3),
J ’ai observé des momies mieux conservées que d’autres, dont tout le corps
étoit recouvert d’un treillage en émail, artistement disposé (4 ). Cette, espèce de
réseau est supporté par une couche de baume très-pur appliquée sur de la toile ; il
est formé de petits tubes, d’émail bleu, longs de six millimètres [trois lignes],
et joints l’un à l’autre par un petit anneau de la même matière : la couleur de
l’anneau est tantôt bleue, tantôt rouge, et régulièrement variée. C’est l’adhérence
de la résine qui paroît fixer ce réseau sur la momie : peut-être aussi tous
ces tubes étoient-ils liés ensemble par quelque fil qui passoit au-dedans, et qui
traversoit les anneaux. Longtemps après avoir observé ces singuliers ornemens,
appartenant sans doute à des momies de gens riches, j’ai reconnu qu’ils étoient
le type de certaines petites figures en bois où l’on a imité ce treillage. d’émail,
soit sur une partie du corps, soit sur le corps entier, y compris les pieds et les
épaules (y),
On ne donnera ici aucun détail sur la qualité des diverses résines qui entrent
dans les momies ; cet objet est rempli dans le Mémoire spécial auquel on a déjà
renvoyé. Il suffira de dire qu’il y en a beaucoup de variétés, depuis l’espèce qui
est poreuse et mêlée de terre, jusqu’au baume parfaitement fin, luisant, compacte
(1) C ’est M. Coutelle qui l’a rapportée dès catacombes (4) Voyez la planche 4 5 , fig . 8, A . vol. I I .
de Thèbes. (5) Voyez la planche y 6, fig. 4 et 6 , A . vol. I I . J ’en ai
(2) Herod. Hist. Iib. i l , cap. 8 1. vu de pareilles dans le cabinet de M. de Tersan et dans
(3) Voyelles Mémoires de botanique, par M. Delile, d’autres collections.
H . N . tom. I I ,