
SECTION IX,
PA R MM. JO L L O I S e t D E V I L L 1E R S ,
I n g é n i e u r s d e s p o n t s e t c h a u s s é e s .
Description des Ruines de Aded-a moud.
F.u sortant de Karnak par la grande porte de 1 est, on trouve un sentier battu dans
la direction de l’axe du palais. Ce chemin, que l’on suit en ligne droite sur une
longueur de neuf cents mètres, tourne presque à angle droit vers le nord-nord-est;
et après en avoir parcouru une longueur de deux mille mètres, on arrive à un petit
monticule où sont les restes d’une porte ( i ) à moitié détruite , qui a dû être tout-
à-fait semblable à celles de Karnak. Un bouquet de palmiers que l’on voit encore
sur cet emplacement, paroît annoncer qu’il y a eu récemment des habitations, dont
pourtant il n’existe plus de traces.
Tout le long du chemin que nous venons d’indiquer, et dans une largeur moyenne
de cinq à six cents mètres, les champs sont cultivés. Un canal dérive du Nil a quelques
lieues au-dessus de Louqsor y amène les eaux du fleuve : elles entretiennent
quelque fraîcheur dans cette partie de la plaine, qui par-tout ailleurs présente l’aspect
affligeant de l’abandon le plus absolu. Toute la.campagne est couverte de
plantes sauvages ressemblant à des roseaux, qui, dans quelques endroits, selèvent
presque jusqu’à la moitié du corps.
Si l’on s’avance encore de trois mille métrés dans la direction nord-est, on arrive
à une de ces buttes de décombres qui annoncent toujours en Egypte les vestiges
d’un lieu plus ou moins anciennement habité. Celle-ci est connue dans le pays
sous le nom de Qadym, mot Arabe, qui veut dire ancien. A son extrémité nord,
on voit le petit village de Med-a’moud, qui a pris son nom des ruines. Cette butte
factice a deux mille mètres de tour, et s’étend dans un espace presque circulaire;
elle est couverte de monticules de briques crues, mêlées à des débris de poteries :
elle présente, comme par tout ailleurs, l’aspect d’un bouleversement général ; et il est
probable qu’ici, comme sur la plupart des emplacemens des villes anciennes, les
décombres ont été exploités pour servir d’engrais aux terres qui produisent le
dourah.
Pour arriver plus directement en face des seules constructions remarquables
qui sont sur cette butte, il faut s’écarter, à deux cents mètres vers le nord, du
chemin que l’on a suivi depuis Karnak. Si l’on s’avance ensuite de l’ouest à I est,
et que l’on pénètre à travers les monticules de décombres, on trouve dabord,
à gauche, les restes d’un mur de vingt-un mètres de longueur, qui retourne à
(l) Cette porte est indiquée sur le plan général de Thébes. Voyez planche r , A . vol. I I .
angle droit dans une étendue de dix mètres. Près de ce mur, on aperçoit un bloc
de pierre, dont la surface supérieure présente un carré d’un mètre et demi de côté.
Le chemin que l’on continue de suivre, offre l’aspect d’une sorte de vallon formé par
les décombres. Il ne faut sans doute voir ici que Jes vestiges d’une ancienne rue
qui conduisoit aux monumens que nous allons décrire. Tous les débris dispersés
à droite et à gauche sont ceux des maisons.
A cent quatre-vingt-douze mètres de la construction dont nous venons de
parler, on rencontre les premiers débris qui annoncent un antique édifice. C’est un
amas confus de pierres renversées les unes sur les autres, dont nous n’aurions
pu deviner la forme primitive, si l’expérience ne nous eût appris à reconnoître
ces sortes de ruines. Il faut voir ici un de ces pylônes qui précèdent les palais
et les temples. Ses restes s’étendent dans une longueur de douze mètres sur
une largeur d’environ cinq mètres. Il est placé en face d’un monument dont les
vestiges subsistent encore à soixante-dix mètres de là. Avant d’y arriver, on
trouve à sa droite les fondations d’un mur dont il est difficile d’apercevoir la
liaison avec les constructions voisines. Le monument principal, pour la plus grande
partie, ne s’élève point au-dessus du sol : il s’étend dans un espace rectangulaire de
trente-sept mètres de long et de onze à douze mètres de large; il consiste en quatre
rangées de colonnes qui se présentent sur quatorze de front, et sont au nombre
de cinquante-six. Les entre-colonnemens sont égaux, à l’exception de celui du
milieu, qui est double des autres. De toutes les colonnes dont on aperçoit les
restes, il n’y en a que quatre dans la première rangée qui soient entières et
surmontées de leur architrave et d’une partie de leur corniche. Deux d’entre elles
forment l’entre-colonnement du milieu, et l’on y voit encore des arrachemens de
la porte qui servoit d’entrée à l’édifice, et dont les montans portent des restes de
sculptures représentant des offrandes aux dieux. Leurs chapiteaux sont à campanes
décorées de feuilles et de tiges de plantes indigènes ; ceux des deux autres colonnes
qui sont encore debout, à gauche de l’entre-colonnement du milieu, ont la forme de
boutons de lotus tronqués. Il est extrêmement vraisemblable que ces derniers chapiteaux
couronnoient toutes les autres colonnes dont maintenant il ne reste plus que
les fondations. Ce n’èst qu’ici que nous avons trouvé réunies dans une même façade
ces deux espèces de chapiteaux. Les colonnes ont un mètre dix-sept centièmes
de diamètre, et leur espacement est d’un mètre soixante-dix centièmes. Dans le
plan qu’offre la planche 6 8 , A . vol. III , on a eu soin de colorer plus fortement
les quatre qui subsistent encore en entier. Dans les intervalles qui séparent
les colonnes de la première rangée, nous avons aperçu des restes de murs
d’entre-colonnement, et c’est ce qui a motivé notre restauration (1). Ces murs pou-
voient avoir de deux à trois mètres de hauteur. II est probable que, comme tous
ceux de ce genre, ils étoient couverts de tableaux et d’hiéroglyphes sculptés. Au
troisième entre-colonnement à gauche de.celui du milieu, nous avons découvert
les restes d’une porte. L ’état de dégradation où elle se trouve, ne nous a point
permis de juger jusqu’où elle s’élevoit. Peut-être n’étoit-ce qu’une petite porte
(1) Voyez planche 6 8 , J î g . j t A . vol. I I I .