
Nous n’avons pas vu nous-mêmes les restes de cette statue, probablement
parce qu ils sont confondus avec les débris de celle d'Osymandyas ; mais nous rappellerons
ici le témoignage (i) d'un de nos collègues, qui a compté sur l’emplacement
du palais de Meinnon quatre statues colossales, du nombre desquelles
devoit être très - certainement celle dont il est fait ici mention (2).
« Après le pylône, on trouve un péristyle plus admirable que le premier, dans
» lequel on voit toutes sortes de scidptures en bas-relief, représentant la guerre
» faite par le roi aux révoltés de la Bactriane, &c. »
Il suffit de lire notre description et celle qui est rapportée par Diodore, pour
reconnoître quelles s’accordent parfaitement, non-seulement sous le rapport de
Ja position des bas-reliefs, mais encore pour 1 identité des sujets qui y sont représentes.
Un seul fait a échappé a notre observation particulière, mais il a été constaté
par quelques-uns de nos collègues (3) : c’est que le héros principal dans le
grand bas-relief que nous avons décrit (4) est accompagné d’un lion, soit qu’un
animal vivant de cette espèce suivît réellement le souverain icî représenté, soit, ce
qui est plus vraisemblable, que ce ne fut qu’un emblème de la force et du courage, •
pour faire distinguer plus éminemment le roi déjà très-remarquable par sa haute
stature. On trouve un pareil emblème à Medynet-abou dans la marche triomphale
où le roi vainqueur, le grand Sésostris, est porté sur une espèce de trône (y).
Ainsi les faits observés se trouvent encore confirmés ici par l’analogie.
Il seroit curieux de savoir quelle est la citadelle qui est représentée dans le grand
bas-relief que nous avons décrit (6). Seroit-ce celle de Suses, dont les remparts,
au rapport de Pline, etoient baignés par les eaux del’Eulée, et à laquelle, suivant
le même auteur, Memnon l’Éthiopien avbit donné le nom de Memnonia!
Les murs désignés par Diodore, sous la dénomination de second et de troisième
, sont évidemment ceux qui fermoient le péristyle sur les côtés. Il en resté
a peine quelques traces : il est donc impossible de retrouver les sculptures dont
parle 1 historien. Quoi quil en soit, nous nous arrêterons un moment sur le passage
où elles sont décrites, parce qu’il offre quelques difficultés. Ces sculptures
représentoient, dit l’auteur, des captifs sans parties génitales et sans mains. On a
peine à concevoir comment des prisonniers à qui l’on aurait fait subir une pareille
mutilation, pourraient marcher et être amenés devant le vainqueur. Il,faut ici
se laisser conduire par ¡analogie, pour ne point admettre des faits qui paraissent
absurdes. On trouve, dans le palais de Medynet-abou [y), des bas-reliefs dont on
auroit pu dire, après un examen a la vérité superficiel, ce que l’historien Hécatép
rapporte des sculptures du tombeau d Osymandyas : elles représentent en efièt
(1) Voyez îa page 126.
(2) On j>eut voir la restauration que nous avons faite
de cette statue, dans la planche 3 3 , fig. 1 , 2 et3 , A .
vol. I I .
(3) Nous citerons particulièrement M. Lancret, que la
mort a enlevé aux sciences et aux arts, et dont plusieurs
Mémoires, très-intéressans, se trouvent dans la Description
de l’Egypte. Pendant le cours de la longue maladie
a laquelle notre ami a succombé, nous nous entretenions
souvent avec lui des faits qui avoient été le sujet de nos
observations en Egypte, et il nous a souvent confirmé
celui que nous rappelons ici.
(4) Voyez fa page 130.
(î) k description de Medynet-abou, sect. i.re
Voyez aussi la pl. 19 , n.° 11 , A . vol. I I .
(6) Voyez la page 129.
(7) Voyez la planche 1 2 , A . vol. I I . Voyez aussi la
sect. de ce chapitre.
des prisonniers qu’on amène au vainqueur ( i ). Des mains et des parties génitales
coupées sont mises en tas et comptées devant lui. Mais ces mains coupées ne sont
pas celles des prisonniers que l’on conduit, puisqu’on les leur voit encore ; et il est
à croire qu’il en est de même des parties génitales. Ainsi, comme nous l’avons
déjà dit dans la description de Medynet-abou (2 ), les mains et les parties génitales
coupées sont celles des ennemis restés morts sur le champ de bataille,-« non pas
celles des prisonniers. Peut-être aurions-nous partagé l’opinion d’Hécatée, si sur
les lieux nous n’eussions point examiné les sculptures avec un soin particulier, et si
les dessins qui en ont été recueillis ne nous eussent donné la facilité de les considérer
et de les étudier encore à loisir après notre retour. Le troisième mur étoit
orné de toutes sortes de sculptures et de très-beaux hiéroglyphes constatant les
sacrifices offerts par le roi et son triomphe au retour de son expédition. Ce devoit
être des sculptures analogues à celles qui/ à Medynet-abou, représentoient le
triomphe de Sésostris (3).
« Au milieu du péristyle, à l’endroit où il est découvert, s’élève un autel d’une
22 très-belle pierre, admirablement travaillé et étonnant par sa grandeur. 22
On ne trouve plus cet autel, soit qu’il ait disparu sous les décombres, soit qu’il
ait été brisé et enlevé, comme beaucoup d’autres parties de 1 édifice. Il est trèsr
probable qu’il devoit ressembler aux autels sculptés dans plusieurs bas-reliefs, et
plus particulièrement dans ceux que nous avons décrits à Medynet-abou (4). C ’est
dans cet esprit que nous l’avons restauré (y). Quant au travail admirable que Ion
voyoit sur cet autel, c’étoient sans doute de beaux hiéroglyphes, aussi parfaitement
exécutés que ceux des obélisques et des statues colossales.
« Contre la dernière muraille, on voit deux statues monolithes assises, de vingt-
22 sept coudées de hauteur. A côté d elles, sont trais portes par lesquelles on sort
22 du péristyle pour entrer dans un édifice soutenu par des colonnes, a la manière
22 d’un odcon. 22
La dernière muraille est évidemment celle qui se présente en face en entrant
dans le péristyle, et dans laquelle se voient encore les trois portes dont il est-ici
question. Diodore donne aux deux statues vingt-sept coudées de hauteur, équivalentes
à quatorze mètres vingt-trois centièmes (6), d’après la coudée dÉléphan-
tine. Ce qui reste encore des statues que nous avons retrouvées, ne comporte point
une aussi grande proportion; elles ne peuvent avoir eu plus de sept métrés (7).
ainsi la narration de Diodore ne convient pas parfaitement en ce point avec ce
que nous avons observé sur les lieux. Ces deux colosses ont ete déplacés. Il parait
hors de doute, d’après l’auteur, qu’ils étoient sous la galerie contre la muraille,
de chaque côté de la porte. C’est cette indication précisé qui nous les a fait placer
dans l’endroit où on les voit sur notre plan restauré (8). On nous objectera peut-
être qu’ils y sont cachés en partie par les piliers cariatides et qu ils obstruent la
(1) Voyez la planche 12 , A . vol. I I .
(2) Voyez la section l.Te, pag. 42.
(3) Voyez la section i . ,e, pag. 46 et s u i v et pag. 62.
(4) Voyez la pl. 10 , A . vol. I I , ou le vainqueur est
représenté près d’un autel.
(5) Voyez la planche3 3 , A . vol. I I .
(6) Quarante-quatre pieds à peu près.
(7) Vingt-un à vingt-deux pieds.
(8) Voyez la planche3 3 , A . vol. 11.