
compter aussi pour beaucoup les efforts qu’ont faits les Arabes pour arracher les
coins placés entre les pierres.
L ’état où cet édifice est actuellement, nous empêche d’avoir une idée complète
des ornemens dont il étoit revêtu; cependant nous connaissons le motif principal
de cette décoration: ce motif résulte de la double distribution du temple, ainsi
que nous le ferons voir plus loin. L’encombrement cache aussi une grande partie
des sculptures, et l’on ne voit plus que le haut des chambranles des deux portes
d’entrée. Plusieurs colonnes extérieures sont ensevelies sous le sable presque à
moitié de leur hauteur ; mais l’intérieur du portique n’est pas aussi encombré que le
dehors. Le sable a également rempli les dernières salles du temple jusqu'à deux ou
trois mètres des plafonds.
Les chapiteaux sont généralement tous d’une même forme ; tous ceux de la
façade sont absolument semblables : ils se distinguent des autres chapiteaux par
leurs volutes. On voit dans le portique le chapiteau à feuilles de dattier, et d’autres
espèces de chapiteaux décorées de palmettes, de fleurs et de calices de lotus (i).
Ce qui frappe le plus dans le portique, après en avoir examiné les colonnes,
c est une très-longue corniche qui en occupe toute la longueur : elle est formée
par des serpens de ronde-bosse, qui se tiennent sur leur queue, et portent sur
la tête un globe aplati. On a déjà décrit ailleurs ce couronnement singùlier; mais
peut-être n’est-il nulle part aussi remarquable et d’un aussi grand effet -qu'à Om-
bos, où il a trois pieds de haut : le style de la sculpture en est fermé et bien
caractérisé, et la tête de l'tiboeus est travaillée avec soin ; l’artiste a exprimé habilement
cette forme assez compliquée que présente le serpent dressé debout, et
dont le corps arrondi, s’aplatissant insensiblement, devient de plus en plus large
en s’approchant de la tête.
Le plafond des portiques, dans l’entre-colonnement du milieu, est ordinairement
décoré d’une suite de vautours gigantesques, ayant les ailes étendues et les
pattes armées d’enseignes. A Ombos, il devoit se trouver deux plafonds pareils, et
c’est ce qu’on voit en effet. Tout le fond sur lequel ces vautours se détachent, est
peint en bleu; la couleur en est encore très-vive. On a également peint le reste du
plafond et toutes les murailles du portique. Les figures et les hiéroglyphes sont peints
en bleu, en rouge, en jaune et en vert, comme dans le grand temple de Philæ.
Les sujets que présentent les autres parties du plafond, sont dignes d’être étudiés
: on y voit des figures placées dans des barques et couronnées d’un disque dont
une étoile occupe le centre; plusieurs sont accompagnées d'étoiles isolées, d’autres
sont armées de flèches. Dans l’un des sujets que l’on a copiés (2), on remarque
un personnage tenant un serpent de chaque main, et qui n’a point de tête, mais
en place un globe avec deux serpens. Nous passons sous silence beaucoup d’autres
tableaux, qui diffèrent peu de ceux que l’on a décrits ailleurs, et que, pour cette
raison, nous n’avons pas dessinés. Il suffit de dire que toutes les parties du temple
étoient également sculptées et coloriées.
( 0 Voyez l’explication de la planche {2) Voyez, pl. 4 4 , f i g. 9.
Mais l’observation la plus piquante que ces sculptures présentent, c’est que le
plafond n’ayant pas été achevé en entier, on y trouve plusieurs parties où les
figures ne sont encore que dessinées en rouge. Le lecteur verra avec intérêt deux
de ces figures, tracées à travers des carreaux de même couleur (t); une d’elles
paroît avoir été mise à la place de l’autre, laquelle étoit dans une attitude renversée.
Ce fait précieux nous apprend que les Egyptiens dessinoient et réduisoient '
par le moyen des carreaux, et qu’ils suivoient des règles certaines pour proportionner
leurs figures. On en trouve encore la preuve dans d’autres monumens,
qui renferment aussi des figures d’hommes et d’animaux dessinées du premier trait,
avec beaucoup de hardiesse et d’habileté : on peut citer en exemple le temple
de Contra-Lato. Ce fait prouve que les artistes ne se servoient pas de panneaux,
comme quelques-uns l’ont pensé; des figures pareilles et Élisant partie d’une
même frise ayant été mesurées au compas, nous les avons trouvées très - sensiblement
différentes, quoique toujours dessinées dans l’esprit et avec le galbe
convenables.
On sentira aisément ce que cette pratique ancienne a de curieux pour l’histoire
de l’art; l’emploi d’un pareil procédé pour la réduction des figures confirme aussi
très-bien la tradition qui attribue à l’Egypte l’invention de la géométrie, et qui
lui fait honneur des premières projections géographiques (2). On se rappelle que
’ Sésostris fit exposer dans les temples une carte de l’Egypte et des contrées qu’il
avoit soumises depuis le Nil jusqu’à l’Indus; on sait aussi, d’après Diodore de Sicile,
que Pythagore avoit puisé en Egypte ses plus fameux théorèmes. Mais, quelque opinion
que l’on se fesse à cet égard, le fait dont il s’agit met hors de doute que la-
connoissance des rapports des lignes semblables vient originairement de l’Egypte. '
Nous ferons remarquer encore dans le temple d’Ombos une décoration qui
prouve avec quelle intelligence les Égyptiens distribuoient leurs ornemens ; c’est
celle qui recouvré les colonnes du portique. Pour la bien faire connoître, on a ,
dans un dessin particulier, développé le fut de l’une de ces colonnes (3). La partie
inférieure , formée de coupes sur lesquelles reposent la croix à anse et le bâton
augurai symétriquement répétés, est, comme on peut le voir, composée parfaitement;
l’ornement qui succède est plus détaillé; enfin le dernier anneau l’est
encore davantage, de manière que, du bas en haut, la richesse va en croissant.
Les divers anneaux étoient encore séparés par des bandes d’hiéroglyphes ; et cette
sculpture si riche n’ôtoit rien à la pureté du fût, parce qu’elle étoit en creux. Il faut,
parmi les figures de cette colonne, remarquer le lion à tête d’épervier qui orne le
second anneau, et qui est souvent répété dans les hiéroglyphes du temple (4).
(■) v ° y « pi- 4 4 , fis- s ■ entre les tribus d’Israël, furent exécutées d’après les mé-
(2) Cest ce que témoigne Apollonius de Rhodes, thodes Égyptiennes (Josué, c. x v m , v. 4 et p ) . Ce~
Selon Clement d’Alexandrie-,l’hiérogrammatiste,ou écri- que Josephe en rapporte, suppose un véritable cadastre,
vain des choses sacrées, qui occupoit le troisième rang JVloxque eos viros misit admeùendam terrain, adjunctis ad
parmi les pretres des collèges d’Egypte, devoit être ins- eos quibusdam geometriæ peritis;.... bisque mandata dédit
truit sur la cosmographie et la géog raphie générales, et ut oestimationeui agroru m juxta bonitatem terrai facerent.
en particulier sur la chorographie de l’Égypte et la des- ( Joseph. Antiquit. Ju d . Colon. 16 9 1, lib. v , p. 14 1.)
cription du Nil. (Strom. Paris. 1566 ,/. v , p. 70 2 .) Les (3) Voyez pl. 44. fig. /.
cartes que fit dresser Josué pour le partage des terres (4) Les légendes et autres inscriptions hiérogly