I j 4 DESCRIPTION GÉNÉRALE DE THÈBES.
d’Qsymandyas > nous forceroit seul à conclure, quand bien même le témoignage
d’Hérodote (i) ne viendroit pas le confirmer, que les rois Egyptiens avoient quelquefois
leurs tombeaux dans l’enceinte des édifices sacrés, et peut-être au sein
même de leurs propres palais. Au rapport de Diodore lui-même (2), les particuliers
qui 11’avoient point de monumens destinés à leur sépulture, réservoient
dans leurs habitations une pièce pour recevoir les momies de leurs parens. Ainsi
il ne faut pas chercher les sépultures des souverains de Thèbes seulement dans
la vallée des tombeaux des rois, ou dans les autres hypogées de la chaîne Libyque.
Cette dernière remarque nous conduit à concilier les témoignages de Strabon et de
Diodore,.dans ce qu’ils rapportent, le premier, des tombeaux en général, et le
second, du tombeau d’Osymandyas en particulier. En effet, Strabon dit (3) que les
tombeaux des rois sont situés au-dessus du Memnonium, et creusés dans le roc en
forme de grottes ; qu’ils sont au nombre de quarante, construits d’une manière
merveilleuse, et qu’ils méritent d’être admirés ; qu auprès de ces tombeaux, sur des
obélisques, sont des inscriptions qui vantent la puissance et la richesse "des souverains,
et qui témoignent que leur empire s’est étendu jusque dans'la Scythie, la
Bactriane et le pays qu’on nomme maintenant Ionie.
Quoique les choses les plus extraordinaires puissent être le résultat de ce goût
dominant que les Egyptiens ont montré pour les grandes entreprises, de ce désir
.excessif qu’ils ont eu d’étonner la postérité par la hardiesse de leurs travaux, il est
difficile de croire cependant qu’ils aient jamais amené des obélisques dans le fond
de la vallée des tombeaux des rois, ou sur le penchant de la chaîne Libyque.
Rien sur les lieux n’a pu nous faire deviner comment ces monolithes, dont on ne
voit d’ailleurs aucune trace, auroient pu se lier au système des plans de ces excavations,
et à leurs entrées, qui, presque toujours peu apparentes, ne répondent point
à la magnificence intérieure des hypogées. Il nous semble bien plus raisonnable de
penser que les obélisques dont il est ici question, fàisoient partie de quelques monumens
sépulcraux construits au pied de la chaîne Libyque, et l’un de ces monumens
pouvoit être le tombeau d’Osymandyas. Ce qui nous confirme dans cette opinion,
c’est que les sculptures de cet édifice ont une grande analogie avec les inscriptions
des obélisques citées par Strabon : les unes et les autres transmettent le
souvenir de conquêtes faites dans la Bactriane. D’ailleurs, la position du tombeau
d’Osymandyas s’accorde fort bien avec celle que Strabon assigne aux tombeaux des
rois, en les plaçant au-dessus du Memnonium, édifice presque entièrement détruit,
dont nous avons assigné les limites (4). Nos conjectures acquerroient plus de
vraisemblance, si l’on trouvoit encore dés restes de ces obélisques près du tombeau
d’Osymandyas. Quoique ce fait ait échappé à notre observation, nous n’oserions
point cependant affirmer qu’il n’existe point de pareils débris. C’est d’ailleurs une
chose digne de remarque, que, dans tout le quartier de Thèbes situé à la gauche
du fleuve, on ne trouve point d’obélisques. Il est à croire que toute cette portion
(1) Herodot. H is t .Iib. il,c ap . 1S 6 , p. 120, edit. 16 18 . (3) Voyez la citation n.° v i l , à la fin de cette section#
(2) Voyez la citation n.° v i , à la fin de cette sec- pag. 160. ■ / . ♦
lion , pag. 160. (4) Voyez la section II de ce chapitre.
de la ville aura été dépouillée, de préférence, de ce genre de monumens, par les
conquérans de l’Egypte; car on n’a aucune raison de supposer que la prodigalité
des Egyptiens en ce genre se soit ici moins signalée que dans la partie de Thèbes
située sur la rive droite du Nil. Nous avons fait voir que tout le quartier du Memnonium
a été le théâtre de grandes dévastations, et que des édifices immenses ( i )
ont presque entièrement disparu. Cela explique pourquoi des quarante-sept tombeaux
(2) des rois dont les annales des Égyptiens fàisoient mention, il n’en subsis-
toit plus que dix-sept au temps de Ptolémée fils de Lagus. En effet, il est très-
probable que tous les édifices sépulcraux n’avoient pas été taillés dans le rocher,
comme les hypogées de la vallée des tombeaux, mais que plusieurs d’entre eux
avoient été construits dans la plaine de Thèbes. Ils ont subi le sort du Memnonium
de Strabon, celui qui attend incessamment le tombeau d’Osymandyas lui-même,
dont il ne subsiste plus qu’un tiers à peu près.
Si les anciennes chronologies pouvoient nous être de quelque secours, nous
connoîtrions i’époque du précieux monument que nous venons de décrira mais
les témoignages historiques manquent absolument pour assigner la place d’Osymandyas
, dont pourtant il reste encore de si grands souvenirs. Jablonski (3) pense que
les actions et les faits guerriers attribués par Diodore à Osymandyas ont beaucoup
d’analogie avec ceux qui sont attribués par Manéthon à son quatrième Aménophis,
d’où il conclut l’identité des deux personnages; il veut aussi confondre Osymandyas
avec Sésostris ; mais nous ne pouvons partager de pareilles opinions. En effet,
nous avons retrouvé un monument consacré à Sésostris (4) ; nous avons reconnu
celui de Memnon ou Aménophis (y), et noussommes forcés de voir ici le tombeau
d’Osymandyas. Loin donc que nous ayons des raisons de confondre ces divers
personnages, nous sommes assurés au contraire que les édifices qu’ils ont élevés,
les expéditions qu’ils ont entreprises, les guerres qu’ils ont faites, diffèrent essentiellement.
Ainsi sont confirmés, par les monumens mêmes, ces témoignages
historiques qui autorisoient à croire que l’empire d’Egypte étoit, dans l’antiquité,
d’une étendue considérable ; que, sous les rois qui l’ont élevé à la plus haute
splendeur, il comprenoit la haute Asie, et que la Bactriane en étoit une province.
Bien plus, tous les détails des conquêtes, sur lesquels l’histoire se tait, sont gravés
sur les édifices, et exposés à la curiosité des voyageurs. Quel plus grand intérêt ils
offriroient encore, si l’on savoit interpréter les hiéroglyphes !
Nous ne quitterons point le tombeau d’Osymandyas sans faire remarquer que
c’est, après le vaste palais de Karnak et le Memnonium de Strabon, un des plus
grands édifices de Thèbes.
( 1 ) Voyez la s e c t io n I I d e c e c h a p i t r e . De Memnone Groeconnn et Ægyptiorum, hujusque celeber-
( 2 ) Voyez l a c i t a t i o n n . ° V I I I , à l a f in d e c e t t e s e c t i o n , rima in Thebaide std tu a , s y n t . m , c a p . 5 .
pag. 160. (4 ) Voyez l a d e s c r ip t io n d e M e d y n e t - a b o u , sect. Çre
(3 ) Voyez l’ouvrage de Jablonski que nous avons cité de ce chapitre.
souvent dans le cours de cet écrit, et qui a pour titre, (5) Voyez la section i l l de ce chapitre.
A . D .