
S E C T ION V,
P a r MM. JO L L O I S e t D E V T L L I E R S ,
I n g é n i e u r s d e s p o n t s e t c h a u s s é e s .
Description des Ruines situées au nord du Tombeau d’Osymandyas.
E n suivant le chemin qui conduit du tombeau d’Osymandyas au palais de
Qournah, si I on s arrête à une distance à peu près égale de ces deux monumens,
et que I on se dirige au nord-ouest, vers le pied de la chaîneLibyque, on trouve, à
deux cents mètres de distance environ, une avenue (i) de petits tas de débris disposés
d une manière régulière et symétrique, dont il est difficile de découvrir d’abord la
forme primitive. L habitude de voir de ces sortes de ruines a pu seule nous faire
juger de ce qu elles ont été autrefois, et un examen attentif nous a convaincus que
ce ne peut être que des restes de piédestaux de sphinx ou de beliers, semblables à
ceux que 1 on voit encore presque entiers à Karnak (2). Tous ces débris sont en
matériaux calcaires très-menus : leur état actuel ne provient sans doute que de la
décomposition de la pierre, qui se seroit comme efïïeurie à l’air, et qui auroit été
presque réduite en poudre; car, s’ils étoient le résultat d’une destruction faite à
dessein, on ne verroit certainement plus, dans leur disposition, la régularité, la
symétrie et les alignemens exacts qu’ils présentent encore.
On trouve d’abord, dans une longueur de cent quarante mètres (3), à droite et à
gauche, trente-trois de ces tas de débris formant une allée de treize mètres de large :
ils sont distans les uns des autres de deux mètres à deux mètres et demi ; ils ont une
largeur de deux mètres et une longueur double. Cette avenue est interrompue dans
un intervalle de cinquante mètres, et elle est'ensuite continuée dans une étendue
de deux cent soixante mètres, où l’on compte, de chaque côté, les restes de
soixante-sept sphinx. Elle ne contenoit donc pas moins de deux cents sphinx, et
1 on ne peut douter que les bâtimens auxquels elle conduisoit ne fussent de quelque
importance. Les restes de ces constructions se voient immédiatement à l’extrémité
de I avenue vers le nord ; ils consistent dans des murs (4) dont on n’aperçoit plus
que les fondations au niveau du sol : ils laissent entre eux une ouverture qui a pu
servir de porte. De pareilles constructions auroient-elles été placées régulièrement
et symétriquement au midi, et leur ensemble auroit-il formé autrefois un de ces
pylônes qui annoncent toujours l’entrée des monumens de l’ancienne Égypte ! C’est
(1) Voyeç le plan topographique, pl. 38 , A . vol. I I . (3 ) Voye^ le plan topographique, planche 3 8 , A .
(2) Voye^ la description de Karnak, section VI i l de ce vol. I I .
chapitre. Voyez aussi les planches zp et A . vol, I I I , [^j Voyc7 la même planche»
une opinion qui â quelque vraisemblance, mais qui, nous l’avouons, ne trouve
point, dans ce qui subsiste encore, un appui suffisant. En s’avançant toujours vers le
nord, ôn rencontre les vestiges d’une muraille de plus de quarante-cinq mètres; elle
retourne à angle droit dans un intervalle de trente mètres. A ses extrémités, on voit
les restes de deux colonnes qui ne s’élèvent point au-dessus du sol. En face de
l’avenue de sphinx, et à la distance de vingt-cinq mètres, est une espèce de monticule
carré, qui paroît avoir formé autrefois une enceinte : à son angle nord-ouest,
on aperçoit un gros bloc de granit.
En continuant à s’avancer dans la direction de l’avenue de sphinx, on trouve les
débris d’un escalier qui conduisoit à des bâtimens construits sur un sol plus élevé et
dont il ne Subsiste plus maintenant d’autres vestiges qu’un tas de décombres de
forme oblongue: au sud, on voit encore quelques pierres disposées par assises. A
quelque-distance de là, est un autre escalier qui conduisoit à une grande construction
rectangulaire, établie sur un sol encore plus élevé ; sa longueur est de quarante-
huit mètres, et sa largeur de vingt-neuf. Du même côté, il, existe quelques distributions
intérieures, dont on suit facilement la trace. Pococke, qui a vu les ruines
que nous décrivons, a trouvé dans cet endroit beaucoup de débris de momies.
Une porte de granit •rouge, qui n’a éprouvé presque aucune dégradation, sert
d’entrée à ces constructions ; elle est couverte d’hiéroglyphes sculptés en relief
dans,le creux, et exécutés avec un soin extrême; Elle est cachée sous le plâire,
dont il paroît que les Chrétiens l’ont enduite; car on y voit encore des images de
leurs saints. La portion de ces bâtimens la mieux conservée consiste dans un
enfoncement (i) de forme rectangulaire, pratiqué dans le mur de l’ouest, qui est
tout-à-fait adossé à la montagne Libyque, taillée presque à pic dans cet endroit.
L ’espace, qu’il renferme a un peu plus de cinq mètres de largeur, et treize mètres
et demi de longueur; il étoit autrefois recouvert par un plafond circulaire, qui
ne subsiste plus maintenant que sur une longueur de sept mètres. Ce plafond n’a,
comme nous allons bientôt le voir, que l’apparence d’une voûte. A la naissance de
l’arc’ et à la hauteur de deux mètres et demi au-dessus des décombres, règne, tout
le long des murs, le cordon Egyptien avec ses enroulemens. Le plafond est formé
de cinq assises de cinquante-un à cinquante-quatre centimètres de hauteur; la
pierre qui forme le sommet du plafond, a soixante centimètres d’épaisseur. Toutes
ces pierres sont posées en saillie les unes sur les autres; à mesure qu’elles sont plus
élevées, il y en a une plus grande partie d’encastrées dans les pieds-droits, probablement
pour faire équilibre à la portion formant encorbellement : la saillie de la
dernière pierre ne s’étend pas au-delà du sommet de l’arc du plafond. Ce système
d’assises forme la première moitié du plafond ; il y en a un pareil pour l’autre
moitié; et.tous les deux se réunissent au sommet, suivant un plan de joint vertical.
La corde de l’arc de cette espèce de voûte est de cinq mètres vingt centièmes.,
et sa flèche, de deux mètres trente-cinq centièmes, de sorte que la courbe est un
peu surbaissée. On ne peut douter que, pour exécuter ce plafond, les architectes
Égyptiens, après avoir posé les pierres en encorbellement les unes sur les autres, et
(1) Voye^, dans la planche 39 6 e ty , A . vol. I I , le plan et la coupe de cet enfoncement.