et l’autre; tandis que, chez les Européens septentrionaux, ces deux traits font
ordinairement un angle rentrant, plus ou moins prononcé (i).
On ne doit pas attendre ici des détails plus étendus sur une pareille matière;
elle exigerait un travail particulier, qui est au-dessus de nos forces, et que nous
nous estimons heureux de’pouvoir indiquer aux savans physiologistes, comme
digne de leurs recherches ; contentons-nous de faire observer combien il y a loin
de la physionomie des Égyptiens à celle des Nègres, chez qui 1 angle facial n excede
pas soixante-dix degrés (2). On ne peut s’empêcher toutefois de tirer de ce qui
précède, une conséquence intéressante sous le rapport de 1 art; c est que les Egyptiens
se sont appliqués à imiter leur propre nature, ainsi que les Grecs ont copie
la leur - mais, plus heureux que leurs maîtres, ces derniers ont encore embelli
des modèles dont la beauté approchoit de l’idéal, tandis que les premiers ont peu
foit pour corriger une nature médiocre.
L ’état de mort empêche de comparer, dans les momies, certaines parties
molles, telles que les joues, avec ce qu’elles sont dans les statues; cependant les
pommettes saillantes des premières s’accordent bien avec les joues pleines et
arrondies, la peau tendue et l’air de jeunesse qui se voient toujours dans les
figures des bas-reliefs et sur le visage des bustes. Il fout moins s’étonner de trouver
plusieurs parties altérées ou détruites dans les momies, que d’en voir tant de
conservées, tellès que les cartilages du nez, les oreilles, les dents ; les cheveux
eux-mêmes encore à leur place. L ’état du nez est ce qui doit surprendre davantage;
d’autant plus que, dans le travail de l’embaumement, les Egyptiens fextrayôiént,
comme on sait, la cervelle par les narines. On a même aperçu quelquefois la
cloison du nez encore intacte, malgré cette opération. Ce fait a été observé par
M. Lancret. ,
Les cheveux des momies sont quelquefois nattés ou tressés , ou bien disposes
en touffes et en anneaux bouclés (3). On trouve-aussi des têtes rases. J ’ignore
comment on peut concilier avec le passage d’Hérodote (4) la présence des cheveux
sur les momies, à moins de dire qu’il y avoit des individus qui s «emploient de
la loi commune. II faut bien admettre que l’usage de porter la tête rasée nétoit
pas universel, puisqu’on trouve aussi des bustes et des figures de bas-reliefs couronnés
de tresses de cheveux.
Le menton est ordinairement sans barbé ( ; ) , et en général tout le corps est
( 11 Plusieurs personnes de l'expédition ont rapporté des et tenant de l’Abyssmien et de l’Éthiopien ; il ajoute que
bustes de grandeur naturelle, en granit et autres matières ce caractère est conforme à la physionomie des figures
précieuses , qui peuvent servir à ce rapprochement plus des monumens Egyptiens, qui est tantôt Ethiopienne,
sûrement que les antiques en pâte et d'une petite propor- tantôt Indienne. Les têtes de momies, dit ce savant protion.
M. Coutelle a un masque en granit, très-rema» fesseur, on. le grand style qui caractérisé les sculptures
quable par la forme des parties inférieures du visage. Je Égyptiennes. Que n'-eut-tl pas dit, s il eut pu voir es
citerai encore un petit buste en grès rouge, du cabinet monumens eux-mêmes, au fieu des fragmens mesquins
de JVLdeTersan, dans lequel on reconnoît parfaitement les des cabinets d'Europe ! (Voyez Decas pruna cramorum,
signes physionomiques dont j ’ai parlé, principalement le pag. 1 3 , et Decas quarts, pag. 40
crâne volumineux, l’inclinaison du front et du nez,enfin (3) Voyez la planches», A . vol. I I .
la forme des yeux e , de la bouche. (4) Herod. H ut. Iib, I I , cap 3« . « / " H t P°B- 3* 7-
(2) L’opinion du célèbre Blumenbach diffère peu de (5) Voyez la planche qp, A . vol. I I . On peut voir
celle que j'ai hasardée ic i, puisqu’il regarde le caractère dans Blumenbach (Decas quinta cramorum, pag. 5 ) , un
de tête des momies comme différent de celui des Nègres, exempled’une tête de momie dont la barbe est mal rasée.
épilé : on reconnoît que la barbe a été coupée ; mais il paroît que les autres poils du
corps s’enlevoient avec une pommade ou une eau épilatoire, ainsi qu’on le foit
aujourd’hui. Les deux sexes, sont épilés l’un comme l’autre. On voit encore, à
l’inspection des parties sexuelles, que la circoncision a été pratiquée généralement ;
on a cru apercevoir aussi des traces de l’excision des femmes (i). C’est, au reste,
un usage que S. Ambroise attribue aux Égyptiens (2) dans son livre sur Abraham
(lib . 1 1 , cap. x i) .
Le cou des momies est considérablement rétréci; il en est de même des bras, des
cuisses, des jambes. En comparaison de la têté, des mains et des pieds, on peut dire que
les membres d’une momie qu’on a mise à nu, ont un aspect horrible par l’état de contraction
et l’exigüité des formes. Quand on a soulevé tous les langes, on voit un corps
presque noir (3) et difforme, et qui n’est guère plus gros que ne serait un squelette : aussi
l’embaumeur mettoit tout son art à déguiser la sécheresse de ces parties,et multiplioit
les bandelettes pour rétablir la grosseur naturelle (4). La tête, au contraire, n’étoit
recouverte que de masques en toile, qui, loin de déguiser la forme du visage, en
étoient chacun la fidèle empreinte. En louant les Égyptiens d’avoir su conserver les
traits de la face, on pourrait leur reprocher d’avoir négligé le reste du corps; mais,
puisqu’ils visoient à la ressemblance, n’ont-ils pas atteint leur but principal !
Ce qu’on vient de dire sur l’état actuel des momies, est bien éloigné des idées que
l’on a pu se faire en examinant celles de nos cabinets d’antiquités. Il faut convenir
que celles-ci ont quelque chose de hideux; elles sont, en général, dans un désordre
qui ne permet pas de .rien distinguer. La raison de cette différence, c’est que les
momies que je décris viennent de Thèbes, d’où les voyageurs n’en avoient jamais
rapporté, tandis que celles qui étoient en Europe avant l’expédition Française,
viennent toutes de Memphis : or les momies de Memphis ont été beaucoup plus
mal préparées, et elles sont moins bien conservées que celles de Thèbes. En outre,
il faut savoir que les Arabes et les Juifs en fabriquent de fausses, et les vendent aux
voyageurs, non-seulement au Kaire, mais à Saqqârah même. Pour les composer, ils
prennent des débris qui ont appartenu à des personnes différentes d’âge, de sexe
et de condition, les ajustent grossièrement et les assujettissent avec des langes qu’ils
trouvent sur le sol ; ils appliquent ensuite sur la tête, ou sur ce qui en tient lieu, un
masque pris dans les catacombes, et n’ayant aucune proportion avec la figure qu’ils
ont fabriquée. Ces fausses apparences ne peuvent tromper un oeil un peu exercé ;
mais la présence du véritable baume, des toiles de momie et des peintures Égyptiennes,
peut en imposer au premier abord. Il est arrivé plusieurs fois à des dupes
d’acheter à grand prix ces grossières imitations, et de réunir ensuite des curieux,
des naturalistes, des antiquaires, pour assister solennellement à l’ouverture d’une
momie d’Égypte. En ôtant ou en coupant les bandages extérieurs, que trouvoit-on !
(1) M. Labate , l’un de nos collègues, est l’auteur de (3) Les corps paraissent avoir été trempés tout entiers
cette dernière observation. dans le bitume, à plusieurs reprises; mais la peau, quoi-
(2) Denique Ægyptii quarto-decimo anno circumcidunt que très-brune, a conservé tout son grain, et n’a pas la
mares, et femince apud eos eodem anno circumcidiferuntur; moindre altération.
quod ab eo videlicet anno incipiat fiagrare passio virilis, et (4) Voyez ci-dessus, pag. 33^'
feminarutn menstrua sumant exordia. ( Oper. tom. I.)
A. D. X I