
récits des annales sacrées, les mesures dont il se sert ne peuvent être que des mesures
en usage dans le pays dont il parle : il s’agit donc ici du stade de cent mètres,
que tous les savans (i) s’accordent à reconnpître pour égyptien.
En lisant attentivement le texte, il ne peut y avoir de doute que le périmètre
dont il est ici question ne soit celui d’un seul édifice, et non celui d’une enceinte
qui renfermeroit plusieurs monumens. Ainsi les treize stades ne peuvent s’appliquer
à la grande enceinte en briques qui enveloppe la plus grande partie des monumens
de Karnak, et dont le contour est de deux mille deux cent quatre-vingt-quatre
mètres ; ils forment incontestablement le circuit du palais de Karnak et des monumens
qui ont avec lui une liaison immédiate, tels que 1 avenue de sphinx qui précédé
l’entrée principale à l’ouest, et les ruines qui s étendent jusqua la porte de lest.
Or, si l’on mesure le périmètre des édifices compris dans ces limites, en suivant
tous les contours, et ën restituant, de la manière la plus probable, les murs presque
entièrement détruits dont on voit encore quelques restes à l’est du palais, on trouve
un développement de treize cent trois mètres (2), qu on peut considérer comme ne
différant point de l’évaluation des treize stades de Diodore. C esf une chose assez
remarquable, que le contour de l’édifice, en ny comprenant ni les sphinx, ni les
ruines de l’est, est précisément égal à mille mètres ou dix stades. 11 resuite de toute
cette discussion, que l’on doit regarder comme exacte la mesure de treize stades
donnée par Diodore au palais de Karnak, et qu’elle auroit pu servir, au besoin, a faire
retrouver les limites de cet édifice, si les ruines encore subsistantes’ne les indiquoient
d’une manière assez précise. Il est fâcheux toutefois que ces limites ne subsistent pas
intactes; .car nous aurions eu alors un moyen sûr de connoître exactement la longueur
du stade.
Diodore assigne aux murs du palais une hauteur de quarante-cinq coudées. On
ne pourroit vérifier cette mesure qu’autant que l’on sauroit de quelles parties de
l’édifice il a voulu parler; car leur hauteur est très - variable. Nous ferons remarquer
cependant que les quarante-cinq coudées, équivalentes à vingt-quatre mètres (3)
à peu près, conviennent très-bien à l’élévation de la partie de la salle hypostyle qui
renferme les grandes colonnes. On ne peut pas vérifier davantage la mesure de
vingt-quatre pieds donnée par l’historien à l’épaisseur des murs, car cette épaisseur
est aussi très-variable.
Diodore indique le palais de Karnak comme le plus ancien des édifices de
Thèbes. Les*observations que nous avons consignées, dans le cours de notre
(1) Voye^ les observations préliminaires et générales Report...., 999™ 10.
' mises en tête de la traduction-de Strabon, par M. Gossellin. A quoi il faut ajouter, pour chacun des côtés nord et
91
6 0.0 0
6 0 .0 0
Voyez aussi les Mémoires sur I’Égypte, par d’AnvilIe. sud des édifices de l’est.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . j
(a) Voici les détails des dimensions :
" Longueur du pylône de l’ouest. ..................... 1 1 3mi o Et pour (es deux côtés des allées de sphinx..,
Longueur du côté nord du palais, compris le développement
des saillies ».............................. 356,00 | o |o
- Longueur dç la partie postérieure du palais............. 98,00
Longueur du côté sud du palais............................... 356,00 Cette mesure de quarante-cinq coudées équivaut
A ajouter en sus, à cause du temple dépendante 38,00 à 24m,39 , évaluée en coudées du nilomètre du Kaire de
du palais, pour chacun des côtés de l’est et de l'ouest. ¡^38^00 0>j4l _ a j e[) cou<k% Ju nilomètre: d’Élé-
T o t a l du contour de l’édifice proprement d i t . . 999,10 p h an tin e de 0 ,5 2 7 .
description, sur le caractère de l’architecture et sur la construction de ce monu
ment, sont tout-à-fait d’accord avec le témoignage de notre auteur.
Si l’on en croit Diodore, les Perses, dans leur expédition si désastreuse pour
l’Égypte, s’étoient bornés à dépouiller les palais de Thèbes de lo r , de 1 argent,
de l’ivoire et des pierres précieuses qui en faisoient l’ornement. Les arts etoient
ainsi détruits dans leur pays natal par la politique barbare de ces peuples, qui cependant
avoient pris du goût (1) pour l’architecture de lÉgypte, mais qui navoient
point été assez puissans pour transporter en Perse les statues colossales et les
obélisques de Thèbes. Cette entreprise hardie devoit être mise à exécution par le
peuple le plus grand de l’antiquité, et Rome devoit s’embellir des débris de la magnificence
Égyptienne, croyant faire assez pour sa gloire d’enlever à l’Égypte ses énormes
monolithes. Pour se faire une juste idée de la splendeur de Thèbes, il faut donc,
au milieu des monumens de sa grandeur encore subsistans, y rapporter par la pensée
tous.ces obélisques (2) qui font aujourdhui 1 ornement de Rome, ou qui gisent
sans honneur au milieu des ruines de l’ancienne capitale du monde.
Strabon, dans l’ordre des temps, vient immédiatement après Diodore. 11 a parcouru
l’Égypte jusqu’à ses limites les plus reculées, accompagnant Ælius Gallus, qui
en étoit gouverneur dans les premières années de 1 ère chrétienne. Il parle avec
détail de cette contrée, et particulièrement de Thèbes, dans plusieurs passages que
nous avons déjà examinés (3). De son temps, cette capitale étoit presque entièrement
ruinée. Il y indique toutefois f existence d’un grand nombre de temples [ k ^ ] ,
pour la plupart dévastés par Cambyse. « On n’y voit plus, dit-il (4), que quelques
« maisons éparses formant des hameaux; et la portion de Thèbes encore qualifiée du
» nom de ville est du côté de l’Arabie. »
On ne peut pas douter que la ville indiquée par Strabon ne fût dans l’emplacement
même de Karnak (5). On trouvera peut-être que cet auteur .est extrêmement
concis, et s’exprime très-vaguement sur une ville où il existe encore de si importans
et de si grands monumens: mais il y a suppléé en quelque sorte à l’article d’Hélio-
polis, où il donne, sur les grands édifices de l’Égypte, des notions très-détaillées, qui
paroissent être moins le résultat des observations de l’auteur à Héliopolis, que de ce
qu’il avoit vu en général à Thèbes et plus particulièrement à Karnak. Le nom de
Thèbes [6\, qui se trouve rappelé dans le passage où il s agit d Heliopolis, fait assez
voir que Strabon avoit présente à la pensée l’ancienne capitale de l’Égypte, lorsqu’il
a rédigé cette partie de son ouvrage. C’est donc ici le lieu de placer cette description
générale des édifices sacrés de l’Égypte; et nous^y sommes d autant plus portés,
que le passage où elle est rapportée a toujours été mal traduit et est resté a peu près
inintelligible, par la seule raison que les interprètes ne connoissoient point du
tout les monumens, ou ne les connoissoient que d’une manière très-imparfaite.
(1) En rapprochant le passage de Diodore des rapports (3) Voyez la description du Memnomum, action I I ,
des voyageurs modernes, et des dessins qu’ils nous ont et la Dissertation à la fin de ce chapitre.
■ donnés des ruines de Persépolis, on ne peut douter que (4) Voyez le passage de Strabon cité n." V, a la fin de
les Perses ne se soient proposé l’imitation des monumens la section 1 1 , pag. n y .
Égyptiens. Voyez Corneille Le Bruyn, Chardin, &c. (!) Voyez la Dissertation à la fin de ce chapitre.
(2) Voyez Pline; le P. Kircher; Zoëga, de usu oie- (6) Voyez h citation n." III, a la fin de cette section,