
On a employé, pour bâtir cette église, des matériaux provenant des antiquités
Égyptiennes. Des pierres couvertes de figures hiéroglyphiques ont été taillées de
toutes façons, et ces figures s y voient coupées en tout sens ; c’est ce qu’on remarque
de plus curieux dans ces ruines. On y voit aussi des parties enduites de stuc, sur
lesquelles on avoit peint des arabesques, dont les couleurs sont conservées. '
Les parties voûtées dont j’ai parlé, ont leurs joints tous verticaux et parallèles,
et non dirigés au centre ; leur courbure n’existe que dans le sens horizontal ; elles
n’ont donc que l’apparence de voûtes : on les a bâties comme des constructions
ordinaires dans lesquelles on auroit creusé des niches.
L ’existence de plus de cinquante colonnes de granit dans cet endroit est sans
doute un fait digne d’attention. Faut-il croire que jamais les Chrétiens Qobtes
aient eu assez de pouvoir pour faire tailler dans les carrières de Syène une si grande
quantité de granit ! ou bien n’est-il pas probable que les architectes qui ont bâti
cette église, ont pris ces colonnes et ces pilastres dans quelque édifice Grec, ainsi
qu’ils ont pris des pierres de taille dans un temple Égyptien ! Il est vrai qu’on n’a
aucune connoissance de cet édifice antérieur : peut-être l’église lui a-t-elle succédé
sur le même emplacement, et n’a-t-on fait qu’ajouter les constructions circulaires.
Je terminerai cette Description par une réflexion qui peut-être a déjà frappé
l’esprit du lecteur ; c’est qu’un édifice récent, bâti avec les débris du temple qui
depuis long-temps est en ruine, est cependant bien plus ruiné que lui. Mais cette
étonnante conservation des monumens Égyptiens, fruit de l’habileté des constructeurs
, autant que du choix et de l’emploi des masses, va se montrer d’une
manière encore plus frappante dans les immenses et innombrables vestiges de la
splendeur de Thèbes; vestiges que l’oeil aperçoit déjà du haut de la plate-forme
du temple d’Hermonthis (i).
(i) Voyez p l. ÿ 7 , fig, 8. Les rayons dirigés dans ce plan sur Louqsor et Karnak auroient, étant prolongés,
une longueur d’un myriamètre ou deux lieues.
TABLE.
S. I.cr De la ville d'Hermonthis ; , page i
§. II. Du temple d’Hermonthis...................................................................................
S. III. Des sculptures du temple................ .................... .................................... ..
§. IV. Du bassin d’Hermonthis....................................................................................
§. V. D'un édifice bâti avec les débris des antiquités d’Hermonthis............................ 15
E N V I R O N S
N O T E
Sur les restes de l’ancienne ville de Tuphium.
N ous nous embarquâmes le 22 septembre 1799 à Esné, qui fut autrefois La-
topolis, pour descendre vers Thèbes : nous partîmes au coucher du soleil, et nous
fîmes route pendant toute la nuit, en nous laissant dériver au cours du fleuve. Le
23 septembre au matin, nous nous trouvâmes à la hauteur de Tôd, village situé
du cote Arabique, en face dErment, l’ancienne Hermonthis, qui se trouve sur la
rive gauche. D’Anville, d’après le P. Sicard, indique Tôd comme ayant succédé à
l’ancienne Tuphium. Nous voulûmes vérifier s’il y existoit encore des traces d’une
ancienne ville : nous descendîmes à terre à la pointe du jour, et nous nous dirigeâmes
vers T ô d , malgré la répugnance des gens du pays. Us imaginoient mille
prétextes pour nous détourner d’y aller ; ils protestoient que nous n’y trouverions
rien, et nous conseilloient d’aller à Louqsor, l’un des villages bâtis sur les ruines
de Thèbes. Des pierres chargées d’hiéroglyphes, que nous trouvâmes dès l’entrée
de Tôd, nous prouvèrent qu’il n’y avoit aucune sincérité dans ces protestations.
Les habitans, qui n’avoient pas encore vu les Français chez eux, étoient alarmés
de notre présence, et refusoient de répondre à nos questions. Nous parvînmes
pourtant aux ruines d’un temple : elles sont si fort enfouies, que les huttes de terre
qui composent le village en dérobent la vue ; il n’y a plus au-dessus du sol que
deux petites chambres (1). Les paremens intérieurs et extérieurs des murs sont
couverts de bas-reliefs Égyptiens et de caractères hiéroglyphiques. J ’y ai remarqué
deux crocodiles, dont l’un est représenté avec une tête d’épervier. La figure du
crocodile environné d’hommages est très-fréquente dans les monumens au-dessus
de Thèbes; je ne l’ai pas vue au-dessous de Tuphium. Cette remarque confirme
l’opinion historique qui place dans la Thébaïde le siège principal du culte rendu
à ce lézard.
Cependant l’innocence de nos occupations, la douceur de nos procédés, et
quelques libéralités, avoient ramené la confiance des habitans ; ils nous offrirent
un déjeûner de lait caillé, nous conduisirent eux-mêmes à leur mosquée et nous
invitèrent à y entrer : c’est un édifice extrêmement simple, dont l’intérieur, comme
celui de la plupart des mosquées que nous avons vues en Egypte, ressemble beaucoup
à un cloître. Les colonnes qui en forment le pourtour sont grêles et mal
arrondies; les chapiteaux sont dans le style Arabe et d’un travail grossier : quelques
colonnes ont un chapiteau en place de piédestal. Cette barbarie contraste
d’une manière frappante avec les restes Égyptiens que nous venions d’examiner,
et dont le travail est parfait. Les colonnes de la mosquée sont de grès tendre, à
(1) Voyez,planche 9 7 , le plan de ces ruines.
A. D. Chup. Vin. C