La plus abondante est en cristaux de forme rhomboïdale , souvent plongés, et
tronqués sur les angles, d’une belle couleur rose tirant sur l’incarnat et quelquefois
sur le rouge de brique. Ces cristaux forment depuis les deux tiers jusqu’aux cinq
sixièmes de la masse : les plus grands ont presque les dimensions d’une des phalanges
du doigt; les autres, beaucoup plus petits, sont disposés entre ceux-ci de manière à
en remplir les intervalles; ils sont, en général, d’un rose plus pâle et quelquefois d’un
blanc mat. Les uns et les autres paroissent formés de petits rhombes posés symétriquement
par couches souvent cassées en forme d’escaliers. Chaque cristal est
coupé dans sa longueur en deux parties par une ligne très-déliée. II est remarquable
qu’une des moitiés semble presque toujours rnatte et raboteuse, tandis que l’autre
est lisse, brillante, et même un peu nacrée. Cette matière, assez dure pour rayer
le verre et pour donner des étincelles par le choc de l’acier, porte le'nom de
feldspath.
La seconde substance, en forme d’écailles noires , .quelquefois dorées, quelquefois
verdâtres, est le mica, matière feuilletée sur sa tranche, mais, siir le plat
des lames, lisse et d’un brillant métallique : elle se montre quelquefois en hexagones
réguliers; mais le plus souvent la formé de ses écailles est indéterminée. Elle semble
ordinairement semée au hasard , parce qu’elle suit des lignes sinueuses, souvent
interrompues. Elle est très-facile à rayer, flexible, et même un peu élastique.
Entre le feldspath et le mica, sont épars des grains de quartz ou de cristal de
roche, matière assez connue, dure, vitreuse, que sa transparence fait ici paroître
grise. Sa forme, en apparence peu régulière, laisse pourtant distinguer à l’observateur
attentif la coupe ou la cassure, plus ou moins oblique, d’une double
pyramide hexaèdre. Cette matière .est la moins abondante des trois.
Telle est la composition ordinaire de la principale roche de Syène, dont sont
formés les obélisques, les colosses et le plus grand nombre des monolithes Egyptiens.
On y voit encore, mais accidentellement, une substance noire, dure et
lamelleuse, l’amphibole de Haüy (hornblende des Allemands). Le mica prend
quelquefois, ici, l’aSpect de cette matière, et à tel point, qu’il a trompé plusieurs
fois l’oeil des minéralogistes les plus exercés (i).
Les variétés de cette roche et ses accidens sont sans nombre : la couleur rose,
due au feldspath est très-sujette à varier ; elle se fonce, se dégrade, ou se nuance
de jaune et d’orangé. Outre les petites lames de feldspâth blanc disséminées c ntre
les cristaux rose, on en voit quelquefois encore de verdâtres, ou d’un jaune de
miel. Malgré ces légères différences, on peut dire cependant que le granit Oriental
a quelque chose de constant, un aspect particulier qui ne permet guère de le
confondre avec les granits d’aucune autre contrée. Nous indiquerons plus bas ses
principales variétés, en faisant connoître les monumens qui en sont formés.
(i) Mais on le distingue facilement à Tarde d’une rarement, quelques grenats bruns, de la grosseur d’un
pointe d’acier, soit à la manière dont il së raye, soit pois, ternes et ayant très-distinctement les formes de
parce qu’il s’effeuille et se lève en écailles minces, dodécaèdres à plans rhombes.
luisantes et flexibles ; enfin on y trouve aussi, mais bien
Ti
Dénominations anciennes.
L es anciens ont donné quelquefois à cette roche le nom de pierre Thèbdiqne,
comme nous l’ayons constaté en voyant les lieux et les monumens désignés dans
leurs écrits; mais cette dénomination, assez vague, a été appliquée à plusieurs
autres roches tirées, comme celle-ci, de la Thébaïde.
Pline nous apprend qu’elle avoit porté le nom un peu plus précis de pyropoecilon,
pierre variée de feu, sans doute à cause de cette multitude de taches rose dont la
nuance se rapproche ¡assez de celle de la flamme. Pline donne le pyropoecilon
comme étant identique avec la pierre.Thébaïque : et Thebaicum quem pyropoecilon
appellavimus (i). A l’époque où.il écrivoit, cette roche étoit plus particulièrement
connue sous le nom de syénit ou de marntor syeniten, et l’écrivain Romain
nous dit expressément que c’étoit là cette pierre dont'les rois avoient fait, comme
à l’envi l’uq de l’autre, ces immenses monolithes appelés obélisques. Circa Syenem
verb Thebatdis syenites, quem antè pyropoecilon vocabant. Trabes ex eo fecere reges
quodam certamine, obelise os vocantes (2).
Il ne peut donc rester de doute sur l’identité du granit Oriental avec le pyropoecilon
et le syenites des anciens. M. Werner lui a restitué récemment ce nom
de syenites ; mais, trompé par quelque accident, il en donne une description qui
n’est pas exacte, et lui associe des ro'ches tout-à-fait différentes, soit pour la
contexture, soit pour la composition, soit pour le gisement (3)
Ainsi, en suivant l’indication de M. Werner, et laissant à la roche de Syène le
nom de syénit employé par Pline, je dois avertir qu’il ne faut pas confondre avec
elle les autres syénites dont parlent les naturalistes Allemands, parce quelle appartient
à un système de montagnes tout-à-fait différent. I
S. IIGisement
du Syénit.
E n remontant la vallée d’Egypte et suivant le cours du Nil, on ne commence
à rencontrer cette roche qu’à une demi-lieue au nord de Syène ; elle se prolonge
jusque beaucoup au sud de la cataracte et de l’île de Philae, formant, au milieu du
terrain primitif, une espèce de banc hérissé d’inégalités entre lesquelles le fleuve se
trouve encaissé. Non-seulement les sommets granitiques bordent ses deux rivages,
mais son lit en est encore tout semé; et leurs sommités, qui sont fort aiguës,
(1) Plin. H'ist. nat, lib. xxxvi , cap. 8.
(a) Idem, ibid.
(3) Le syénit de Pline, ou le pyropoecilon, est, comme
nous venons de le .voir, une véritable roche granitique,
composée essentiellement de feldspath, quartz et mica.
L ’amphibole et les grenats n’y sont qu’accidentels; par
conséquent, on doit la rapporter, à cette seconde formation
de granits que les minéralogistes Allemands distinguent
de la première, qui est un peu plus ancienne,
dont les produits sont inférieurs aux précédens par leur
position, qui ont une cristallisation plus nette encore ,
et dans lesquels on ne trouve jamais ni grenats ni amphibole.
Il est vraiment important de distinguer dans le
langage ces deux époques de la formation des granits,
et c’est ce qui me détermine à appliquer à ceux de la
seconde le nom de syénit. Voyez la Description miné-
ralogique de la Thébaïde, et le Discours sur la représentation
des minéraux par la gravure.