
Sur l’extérieur de l’enveloppe , on indiquoit légèrement les bras et les mains ; mais
les pieds étoient bien marqués (t ), les orteils peints en rouge et les ongles en blanc. La
forme de sandale qui est tracée sous la momie, n’est autre chose qu’une indication
qui correspond aux pieds figurés par-dessus. Sur le bord, ou lecontour inférieur, qui
forme-comme l’épaisseur de la semelle, sont ordinairement des dessins de rosaces et
d’ornemens qui ressemblent à ce qu’on appelle grecques ou étrusques.
Au-dessous du cou, l’on peignoit un collier enrichi de fleurs et de compar-
timens. Parmi une vingtaine de fragmens de peintures que j’ai rapportés des catacombes,
il y -a un de ces colliers presque entier, orné d’un joli dessin de lotus
bleu ( Nymphæ/i ccerulea), bien reconnoissable à sa couleur, à la forme de son
calice et à celle des feuilles. Entre deux fleurs épanouies, est un jeune bouton, et
l’ensemble forme une couronne très-élégante. Quant à l’agrément et à la vivacité
des couleurs, les planches peuvent en donner une idée (2).
A la partie supérieure de ces boîtes, étoient des masques en bois ou en torchis :
ceux de la dernière espèce ont cela de remarquable, que le noyau est d’une terre
grossière, mêlée quelquefois de paille, et que le dessus est cependant bien conformé
et revêtu de couleurs solides, appliquées sur un stuc. Les parties du visage
y .sont aussi bien modelées que dans la sculpture en bois ou en pierre dure; quant
à la couleur, elle est ou rouge ou verte. Les masques en bois sont en sycomore,
également peints de différentes couleurs. On ne trouve pas toujours à ces masques
le même caractère de physionomie ; j’en ai rapporté un qui a le profil droit , le front
très-haut, les oreilles disproportionnées, et qui d’ailleurs est sculpté d’un grand
style (3). On trouvera , dans la collection des antiques réunies à la fin du cinquième
volume des planches d’Antiquités, plusieurs masques de momies en terre
et en bois.
Le reste de la boîte, c’est-à-dire, le tronc, les cuisses et les jambes, étoit orné d’une
foule de sujets dans le goût Égyptien, mais avec des singularités qui les distinguent
des figures ordinaires consacrées dans les temples. L ’emblème leplus.répété de tous,
c’est le scarabée ailé, roulant sa boule devant lui (4) ; et cet emblème convenoit bien
à l’ornement des momies,s’il est vrai qu’il soit en effet celui de la régénération.
On verra bientôt pourquoi les Égyptiens en ont fait si souvent usage. Le vautour,
avec ses ailes étendues, est encore une image fréquemment répétée.
Quatre figures principales se remarquent entre toutes les autres ; ce sont de petites
images de momies avec différens masques ; elles reviennent toujours ensemble, dans
le même ordre et dans plusieurs attitudes : ces masques sont ceux que l’on voit sur
les vases désignés improprement par le nom de canopes. Une figure humaine est la
première ; les suivantes sont le cynocéphale, le chacal et 1 epervier : tel est l’ordre
où elles sont toujours quand elles se suivent, soit sous les lits des momies, soit partout
ailleurs (5). Quand elles se regardent, le cynocéphale est en face de la figure
humaine, et lepervier vis-à-vis du chacal (6). Le singe, le chacal et l’épervier
(1) Xoyez lnplan ch ejp, f i g . j , elln p lan ch ejp ,fig . 8 , (4) Voyezla planche y8 ,fig . i , 2 e t p , A . vol. I I . .
A . vol. I I . (S). Voyez la planche jp , fig ■ * e t j , A . vol. I I .
(2) Voyez la planche yp , f ig . 7 , A . vol. I I . (6) Voyez ibid. fig. 2 , et h planchep y , au-dessus de la
(3) Voyez \z planche p 6 ,fig , 10 et 1 1 , A . vol. I I . col. y y , A . vol, I I .
figurent
figurent aussi dans leur entier, et non comme de simples masques, tantôt couchés,
tantôt debout (1). Outre ces figures,on voit encore,dans lespeintures de momies, le
masque du boeuf et celui du belier. Or on a vu que tous cqs différens animaux se
trouvent embaumes dans les catacombes ; ces deux faits ont certainement de la
liaison entre eux.
De toutes les couleurs qu’on trouve dans ces peintures, la couleur verte est la
seule qui ait éprouvé de i altération ; on peut la confondre quelquefois avec le bleu ;
j attribue cet effet à ia disparition du jaune qui entroit dans sa composition. Le
bleu étant certainement métallique, soit qu’on le regarde comme fabriqué avec le
cobalt, ainsi que 1 analyse chimique l’a fait penser, soit qu’on l’attribue au cuivre (2),
a dû résister plus long-temps qu’un jaune végétal. Au reste, les Égyptiens ont aussi
employé une espece de jaune tres-solide et éclatante. Ce qu’il y a de plus étonnant,
c est la conservation du blanc après tant de siècles. Celui qui découvriroit la composition
de ce blanc, rendrait aux arts un service essentiel. Je dois encore mentionner
ici un rouge très-foncé et très-brillant, que l’on a tâché d’imiter par ia
gravure (3) ; il est appliqué sur un carton aussi dur que du bois, épais de huit à dix
millimétrés [ trois lignes et demie]. Peut-être l’éclat de cette nuance provient-il d’une
épaisse couche de vernis ou de gomme que l’on a passée par-dessus.
Toutes ces figures d animaux sont fort négligemment dessinées, mais avec une
facilite qui annonce une main très-exercée, obligée de faire rapidement (4 ), Cette
même manière se reconnoît dans les petits hiéroglyphes qui accompagnent les
peintures; les signes sont faits avec peu de soin, et les animaux seuls peuvent se
distinguer. C est toujours de 1 écriture en hiéroglyphes que les peintres ont fait usage :
cependant j ai rapporté un petit fragment dé toile peinte qui renferme aussi de
I écriture alphabétique (5); dans ce fragment curieux, la scène est renfermée par un
trait circulaire, forme très-rare dans les encadremens.
La hardiesse du trait peut se remarquer encore dans une de ces toiles peintes,
qui représente une momie sur son lit (6). Le meuble est décoré de la tête et des
pieds du lion ; un personnage qui paroît dans l’action de l’embaumer, debout
devant le lit, ayant une main élevée et l’autre sur la poitrine de ia momie, est
dessiné avec cette touche qui est propre aux caricatures bien faites. On a déjà
parlé ailleurs de l’élégance des lits Égyptiens.
Les divers sarcophages ou coffres de momies que nous venons de passer en
revue, nous apprennent que les Égyptiens peignoient sur le bois et sur la toile recouverts
d un enduit tres-fin et bien collé. D’un autre côté, l’exanien des murailles
des hypogées nous a fait voir qu’ils peignoient également sur ia pierfe. Telle e3t
certainement 1 origine de l’art, quoique bien grossière à la vérité. Le premier
pas de tous, qui a précédé ia peinture sur la pierre, sur le bois et sur la toile,
a encore été fait par les Égyptiens, lorsqu’ils ont appliqué des couleurs dans les
(1) Voyez Inplanche ¡S-, fig .3 , 6, 8, 10 , A . vol. I I . (3) Voyez la planche¡8 , f ig .p , A . vol. I I .
(z) M. Colict-Descostils regarde le cuivre comme ia (4) Voyez ibid. fig. g et p .
base du bleu Égyptien. Quelques personnes pensent (5) Voyez ibid, fig. 8.
aussi que le fer entroit dans la préparation de cette (6) Voyezla planche ¡ p , fig. j , A . vol. I I .
couleur.
A . D .