
au solstice d’été ; et la constellation du zodiaque dans laquelle entre alors le
soleil, étoit regardée par les anciens Égyptiens comme la compagne et le signe
du phénomène ; c’.étoit elle qui annonçoit et qui sembloit produire l’inondation.
On aperçoit maintenant quelle est l’origine de l’emblème qui nous occupe. A une
certaine époque, le lion céleste étoit solsticial ; c’étoit alors cette constellation qui
paroissort .être la cause du débordement et verser l ’eau des purifications; et ce fut
le lion que fon représenta dans les temples, versant effectivement l’eau lustrale.
C ’està cette époque, suivant nous, qu’il faut rapporter la construction du temple de
l’ouest et celle de l’édifice ruiné, dans lesquels se trouve notre emblème; mais cette
époque ne donne pas une date précise, parce qu’elle est comprise entre des limites
fort éloignées 1 une de l’autre, le lion ayant occupé le solstice pendant deux mille
cent soixante-trois ans.
Le rapprochement qui précède, confirmé par les monumens astronomiques
de lÉgypte, peut donc jeter quelque jour sur l’époque de la construction des
édifices où le lion est représenté comme la source des eaux salutaires. Il est
très-vraisemblable que l’érection de ces temples eut lieu dans le temps où le lion
étoit encore solsticial, et où l’affluence des eaux se manifestoit aussi sous cette
constellation. On peut conjecturer, d’après cela, que l’époque dont il s’agit n’est
pas éloignée de celle où le solstice d’été passa du lion dans le cancer; ce qui arriva
vers lan 2yoo avant l’ère vulgaire (i). Au reste, d’autres considérations, tirées de
1 institution primitive du zodiaque, permettent encore de rapprocher de nous
l’époque probable de ces constructions.
Le grand temple est lui-même bien antérieur au temple de l’ouest ; et quoiqu’il
en résulte déjà pour le premier une antiquité très-reculée, il y a des preuves certaines
dune antiquité bien plus reculée encore, puisque plusieurs des pierres qui entrent
dans la construction de ce même grand temple, sont des débris de quelque construction
antérieure. Ce fait, que nous nous sommes contentés d’énoncer dans le
§• II, mérite detre exposé avec plus de développemens.
Une des colonnes du portique est dégradée d’une manière notable ( v o y e z le
S- V). Quelques-uns de nous, lorsqu’ils en examinoient la construction, aperçurent
, sur les faces des pierres cachées dans l’intérieur de la colonne, des
hiéroglyphes sculptes et meme encore colories. La première idée qui se présenta
en effet, fut que ces pierres provenoient de quelques- édifices plus anciens : mais
comme il resultoit immédiatement de cette opinion une conséquence très-importante
à 1 égard des questions d’antiquité, nous ne voulûmes pas l’adopter sans examen.
Ne pouvoit-on pas croire que les Égyptiens, si prodigues d’emblèmes religieux,
en avoient trace sur les laces cachées des pierres, eux qui en sculptoient
jusque dans l’intérieur des sarcophages, destinés à ne jamais être ouverts ! Mais, en
examinant avec tout le soin possible l’intérieur de cette colonne et les pierres qui
en étoient tombées, nous ne vîmes que des hiéroglyphes tronqués ou renversés,
des figures coupées par le milieu, aucune suite, aucun rapport de grandeur entre les
(i) Consultez le Mémoire de M. Fourier sur les mmation précise de l’époque à laquelle le solstice d’été
monumens astronomiques, pour ce qui regarde la déter- avoit atteint la constellation du lion.
différens fragmens. Il y avoit des pierres qui portoient ces hiéroglyphes sur leur
ikce horizontale, d’autres sur leur face verticale, où ils étoient souvent couchés
ou renversés entièrement ; quelques pierres aussi ne portoient point de sculptures.
Il fallut bien demeurer convaincu que cette colonne avoit été construite de débris
qui, antérieurement, avoient appartenu à d’autres édifices; et, depuis, cette
idée s’est trouvée .entièrement confirmée en répétant les mêmes remarques dans
d’autres lieux.
Sans prétendre assigner l’âge de ces monumens antérieurs, nous ferons deux
observations. La première, c’est que les Égyptiens, si religieux, si respectueux
pour tout ce qui étoit ancien , ne devoient pas se déterminer légèrement à
détruire un temple : il falloit sans doute pour cela qu’il fût bien dégradé, qu’il
menaçât de s’écrouler bientôt, ou que même il se fût en effet écroulé. Or, si
les monumens que nous voyons aujourd’hui, et dont les plus modernes ont au
moins deux ou trois mille ans d’antiquité, sont cependant encore si intacts, et, pour
ainsi dire, si neufs, combien ne faut-il pas supposer de siècles à ceux qui tomboient
en ruine lorsque l’on a construit le grand temple, le plus ancien édifice de l’îleî La
seconde observation, par laquelle nous terminerons, c’est que les sculptures des
débris qui composent la colonne, sont aussi parfaitement exécutées que celles des
monumens plus modernes ; e t, autant que l’on peut en juger par un petit nombre
de figures, c’est le même système de décoration, la même pureté de ciseau, ce sont
aussi les memes couleurs. Il faut donc concevoir , à l’époque où ces monumens
antérieurs ont été élevés, les arts déjà parvenus au degré de perfection qu’ils n’ont
guere passe depuis chez les Égyptiens; ce qui suppose que cette nation avoit été
reunie et que sa civilisation avoit commencé long-temps avant cette époque.
C est ainsi que, par une suite d’inductions, que nous sommes loin de regarder
comme des preuves, mais qui du moins ont l’avantage de se présenter naturellement,
on est déjà conduit à concevoir chez les Égyptiens une antiquité que
d’autres faits et des preuves d’un autre ordre porteront jusqu’à l’évidence.