
Ce temple est bâti de grès, comme le premier; toutes les parties subsistantes
sont couvertes de sculptures, mais fort endommagées, et l’on n’a pu en recueillir
d assez bien conservées pour faire juger de quelle nature étoient les sujets de ces
tableaux.
.On a lieu d’être surpris en voyant dans la même île, et aussi près l’un de l’autre,
deux monumens tout semblables, tous deux également petits; tandis qu’on trouve
constamment ailleurs un petit temple à côté d’un plus grand. Avoient-ils tous
deux le même objet ! existoit-ij à Éléphantine un grand temple qui aura disparu !
enfin, où est celui qui étoit célèbre dans l’antiquité, sous le nom de Temple de
Cneph ou Cmiphis! Sans vouloir nier ni assurer que le temple du sud fût consacré
à Cneph, je me bornerai à rappeler ici les constructions que l’on trouve
parmi les ruines de la ville, ainsi que ces gros blocs et sur-tout cette grande
porte en granit, qui ont dû assurément appartenir à des édifices plus grands et
plus somptueux que celui que j’ai décrit; je citerai aussi Aristide le rhéteur, qui
a voyagé sur les lieux, et qui rapporte qu’à Éléphantine, temples, hommes et
obélisques, tout étoit sans ombre à midi. Que-sont devenus ces obélisques! on
n’en voit pas même de débris à la surface du sol. Combien il est à regretter qu’on
nait pu faire des fouilles suivies dans ces ruines !
§. IV .
D u M u r de quai d’Eléphantine.
L ’ î l e d’Ëléphantine, formée par les attérissemens du Nil, avoit besoin d’être
protégée contre la force d un courant impétueux, par-tout où le rocher n’existoit
pas, principalement du côté du sud-est qui regarde Syène : c’est ce qu’on a fait
en bâtissant un quai ou mur de revêtement en grès, qui s’appuie sur tous les quartiers
de granit sortant ça et là du fleuve. Ce quai a environ quinze mètres (i) de
hauteur au-dessus des basses eaux ; la partie continue la plus considérable a cent
cinquante à deux cents mètres de développement. On a dû exécuter cet ouvrage
dans les temps les plus anciens, sans quoi l’île n’eût pas acquis et conservé le
développement quelle a aujourdhui. Les variations du cours du Nil, dues à la
différence des inondations annuelles, produisent dans son lit des îlots de sable
et de limon qui s’agrandissent d’année en année, et atteignent même quelquefois
a la grandeur d Éléphantine : mais ces îles sont de peu de durée, parce que rien ne
les défend contre les remous du fleuve; elles se minent peu-à-peu et disparoissent,
pour reparoître un peu plus loin sous une autre forme, et subir ensuite le même
sort. Célèbre dès 1 antiquité la plus haute, Éléphantine a donc dû être en partie
enceinte de murailles à une époque très-reculée. Ces murailles ont sans doute été
réparées bien des fois depuis cette époque ; et le quai que nous retrouvons
aujourd’hui, ne peut être considéré comme étant absolument l’ouvrage des
(i) Quarante-cinq à cinquante pieds.
anciens Égyptiens : mais il est probable qu’on a toujours construit sur les mêmes
fondemens et dans les mêmes directions.
Parmi ces portions de quai appuyées de part et d’autre sur le roc, et dans la
partie où le bras du Nil est le plus étroit, le plus rapide et le plus profond (i),
il en est qui présentent une remarque assez curieuse ; leur forme est concave du
côté du fleuve, et convexe du côté de l’intérieur de l’île , tellement qu’on peut
les regarder comme des espèces de voûtes destinées à résister à la poussée horizontale
des terres. Quelqu’élevé que soit le terrain dans cette partie de l’île, ce
quai en a soutenu la pression sans s’ébranler. Déjà l’on a décrit à Philæ un quai
bâti de la même manière (a), et l’on a fait remarquer que l’Ëgypte est le seul
pays où l’on ait employé des constructions de cette espèce. L ’expérience d’un
aussi grand nombre de siècles est sans doute la meilleure preuve de la bonté du
principe, et nous pouvons de là prendre une assez haute idée du savoir des constructeurs
Égyptiens.
Quant à la construction en elle-même, c’est-à-dire le choix et l’emploi des
matériaux, il paroît qu’on y avoit apporté beaucoup de soin, puisque les murs
ont résisté à une masse d’eau aussi considérable, à des tourbillons aussi rapides,
enfin à l’alternative de sécheresse et d’humidité plus sensible que par-tout ailleurs
dans ce climat, sur-tout en un point où les eaux s’élevoient à vingt-huit coudées,
selon Aristide (3), c’est-à-dire, à environ treize mètres (4).
Dans cette portion du quai, il y a derrière le mur un escalier adossé, descendant
au Nil et composé d’environ cinquante marches; à son extrémité inférieure, est
ouverte une porte qu’on ne voit plus aujourd’hui que dans les basses eaux. Au
sommet, l’escalier continue en faisant un coude à angle droit, et se portant
vers le point le plus haut de l’ancienne ville, dans la direction même du temple
et de la porte de granit. Cette partie comprend environ quarante marches divisées
par un grand palier, et finit par une petite salle où l’on voit des sculptures
accompagnées d hiéroglyphes ; entre autres, une figure qui arrose des lotus.
Sur la paroi de l’escalier qui regarde le Nil, sont tracées des échelles graduées
qui servoient à mesurer les accroissemens du fleuve. L ’un de nos collègues
expose, dans un Mémoire spécial, toutes les observations relatives à cet escalier
Nilometrique, et les résultats qu’il en a tirés pour la connoissance de la coudée
Égyptienne (j) ; je négligerai donc ici les détails, et je me bornerai à rendre
compte succinctement de l’état actuel des lieux.
La plus grande partié de l’escalier, qui est pratiquée dans les terres, est bâtie
sur une ligne courbe, tournée vers le midi : mais il ne paroît pas que cette disposition
ait ici le meme objet que dans les murs de quai dont j’ai parlé plus haut ; ce
sont les irrégularités du rocher de granit sur lequel on a fondé , qui ont déterminé
cette direction.
(1) Voyez pl. j r , au point G. Iui-même. Voye% mon Mémoire sur le système métrique
W ïffiBS le chapitre I . - , f . n i . des anciens Égyptiens.
r^\ 'm ^"Sypô0* Oxon. 1722, p. p6r, (5) Voye^Xt Mémoire sur le Niiomètre d’Éiéphantine
(4) Quarante pieds. Je n'examine pas ici le fait en par M. Girard.