Ces différens lits de Ja pierre n'offrent pas des joints fort sensibles dans les
escarpemens des carrières où lés surfaces sont bien dressées; mais ils sont bien
prononcés dans toutes les parties non travaillées, comme on peut en juger par le
petit nombre de dessins qui représentent ces rochers. Si, dans les édifices, quelques
blocs sont coupés obliquement par rapport au sens des couches, c’est, comme je
lai indiqué, une exception à la règle commune, et qui vient probablement de ce
que ces pierres auront été taillées une seconde fois.
J ajouterai une reanarque propre à confirmer ce qui vient d’être dit sur l’emploi
des coins; les Egyptiens en faisoient aussi usage lorsqu’il s’agissoit de partager un
bloc en deux parties. Plusieurs pierres présentent encore les entailles destinées
à les recevoir ; elles sont rangées dans une même ligne qui traverse la pierre, et
ont environ deux pouces de longueur sur un de largeur. J ’en ai compté six ou sept
dans une étendue d’un mètre.
Il est à regretter que les Égyptiens, qui ont si souvent représenté les divers travaux
des arts dans les bas-reliefs et dans les peintures qui décorent les grottes
voisines, n’aient jamais songé à peindre les procédés de l’exploitation : ces représentations
nous auroient évité une grande partie des détails dans lesquels nous
avons été forcés d’entrer.
5. IVDes
Exploitations souterraines et des Grottes qui sont aux environs de Gebel
Seise le h.
I n d é p e n d a m m e n t de ces carrières à ciel découvert, il e n est d’autres, bien
moins considérables à la vérité, taillées e n forme de grottes, et décorées, soit
à 1 entrée, soit dans leur intérieur, avec la même magnificence que les grottes consacrées
aux sépultures. Les Égyptiens ont ainsi tiré parti de leurs exploitations pour
former à peu de frais des monumens religieux. On en rençontre-principalement sur
la rive gauche du Nil.
Quelquefois l’entrée de ces grottes figure celle d’un temple, et en porte les
ornemens caractéristiques : les globes ailés, accompagnés de serpens à cou renflé,
sont placés au-dessus de la corniche de la porte. De longues bandes de figures
hiéroglyphiques décorent aussi, comme dans les temples, les autres parties de la
façade.
Quoique ces portiques soient taillés dans la masse du rocher, ainsi que les
colonnes, leurs chapiteaux et leurs entablemens, les divisions naturelles des lits de
la pierre, qui figurent des assises, leur donnent l’aspect d’une construction.
L ’intérieur des grottes présente une suite de chambres assez vastes, et quelquefois
décorées de bas-reliefs. Les portes de communication qui répondent à la porte
d’entrée, sont ornées, comme elle, de globes ailés accompagnés dé serpens, et
leurs corniches sont garnies des mêmes moulures.
La planche q p , dessinee par M. Balzac, peut servir à donner une idée des portiques
dont nous parlons : mais les ouvertures que l’on voit dans cette planche,
ET DE S ENVI R O N S . C H A P . IV. 2 ->
ne conduisent pas dans des grottes; elles sont pratiquées dans une masse de
roches séparée de la montagne et percée à jour.
Non loin de là s élève une espèce de pilier carré, surmonté d’un large chapiteau
comprime, grossièrement taillé, et offrant à-peu-près la forme d’un champignon.
Cette forme bizarre attire l’attention. Plusieurs voyageurs ont voulu y reconnoître
une de ces colonnes auxquelles se trouvoit jadis attachée la chaîne de fer qui tra-
versoit le fleuve. Ce n’est autre chose qu’un pilier laissé lors de l’exploitation de
cette portion de la montagne, dans la vue de servir de témoin de son état ancien.
Sous ce rapport, c’est encore un monument intéressant, parce qu’il indique que,
malgré l’immensité des exploitations dont nous retrouvons les traces, il peut y
en avoir beaucoup d’autres dont 011 ne peut plus juger aujourd’hui : car combien
de portions de montagne ont pu être ainsi enlevées, sans qu’on ait eu la précaution
de laisser de pareils témoins ! Derrière cet endroit même, une large voie ouverte
au travers de la montagne offre une nouvelle preuve de la vérité de cette conjecture.
Un de ces portiques dont nous venons de parler, est percé de cinq ouvertures
toutes semblables pour les dimensions; mais celle du milieu seulement est ornée
de caractères hiéroglyphiques. Ces cinq portes servent d’entrée à une chambre
ou plutôt à une espèce de galerie parallèle à la façade. Sa longueur, dans ce sens :
est de seize à dix-sept mètres, sur trois seulement de profondeur. Vers le milieu,
et en face de la porte décorée d’hiéroglyphes, une porte intérieure conduit dans
une grande chambre, au fond de laquelle sont sculptées sept figures debout et
presque en ronde-bosse. Plusieurs grottes voisines offrent aussi quelques figures
semblables, mais en nombre différent.
Ces figuies sont, en général, travaillées fort grossièrement, et ont encore été
mutilées par les anciens cenobites qui ont habité ces grottes. Néanmoins c’est
une chose fort remarquable dans les sculptures Égyptiennes, où le relief est ordinairement
très-bas. Nous n’avons rien vu de semblable ailleurs, si ce n’est dans
d anciennes grottes ruinées, à el-Kâb et à Syout. Nous renvoyons aux planches
de ces deux endroits, pour se faire une idée de ce genre de sculpture.
Certaines grottes offrent quelques figures assises, ordinairement au nombre de
deux ou trois, et des deux sexes : on distingue les hommes à leur barbe étroite
et alongée, terminée carrément, ainsi qu’à leur coiffure, dont les extrémités descendent
sur leurs épaules, tandis que celles de la coiffure des femmes descendent
sur leur poitrine et cachent une partie de leur sein. Dans la plupart des groupes,
une des figures, ordinairement celle de la femme, tient d’une main une fleur de
lotus épanouie, et de l’autre elle embrasse la figure assise à côté d’elle. Il est bien
vraisemblable quon a voulu représenter deux époux. La fleur de lotus épanouie,
assez commune dans les grottes sépulcrales, et l’emblème de ce dernier trajet
quon fait en quittant la vie, semble indiquer que ces représentations sont celles
des individus enterrés dans ces grottes.
Un voyageur moderne, recommandable par son exactitude (1), a fait ici une
(1) M. Denon.