
le résultat d’une destruction préméditée que l'effet de la vétusté. On diroit que la
pierre a été exposée à 1 action du feu ; elle a une teinte noirâtre, qui provient
sans doute de l'action long-temps continuée de la chaleur du soleil. De petites
parcelles se sont successivement détachées de la masse, et il en résulte que les surfaces
qui avoient, dans leur état primitif, un poli parfait, sont maintenant toutes
remplies d’aspérités.
Le colosse du nord M a été rompu dans le milieu. La partie supérieure, depuis
la jointure des bras jusqu au-dessus de la tête, a été rebâtie par assises. La partie inférieure,
comprenant les bras qui sont étendus sur les genoux, les jambes et le tronc
de la statue, est d un seul bloc de pierre, de même nature que celle dont est formé
■en entier le colosse du sud. Le grès employé dans la reconstruction de la partie
supérieure est semblable à celui qui a été extrait des nombreuses carrières situées
sur le bord du Nil, pour bâtir les palais et les temples. Il est disposé par assises au
nombre de cinq : la première commence au-dessus du coude, et comprend toute
1 épaisseur de 1 avant-bras ; la deuxième se termine à peu près au milieu du bras, la
troisième aux aisselles, la quatrième aux clavicules, et la cinquième comprend la
tête et le cou, qui sont d’un seul morceau de pierre. Les quatre premières assises
sont formées de trois et quatre blocs, que leurs joints ouverts, et en partie brisés,
laissent facilement distinguer.
L u n et 1 autre colosses ont éprouvé, par l’action du climat et par le laps du
temps, des dégradations notables; on y remarque des fentes profondes, qui nous
ont paru provenir du poids énorme de ces masses, et qui sont peut-être aussi le
résultat de l’action alternative de l’humidité de la nuit et de l’excessive chaleur
du jour.
Ces statues ne sont point daplomb (2). L ’eflèt du tassement inégal des fondations
a été de.les faire pencher l’une vers l’autre, et en arrière, de telle sorte que
leurs piédestaux ont, en deux sens différens, une inclinaison qui les éloigne du
plan horizontal.
. Telles sont les observations générales auxquelles donnent lieu ces statues colossales,
que nous allons maintenant décrire, l’une après l’autre, d’une manière plus
particulière, ayant le soin d en indiquer les dimensions principales.
L e colosse du sud est placé sur un piédestal de forme rectangulaire, dont une
portion seulement s’élève maintenant au-dessus du sol; le reste est enfoui sous les
dépôts du Nil, comme nous nous en sommes assurés. Ce piédestal a cinq mètres
vingt centièmes (3) de large, et une longueur double. L ’inégalité du terrain, jointe
à l’inclinaison du plan supérieur du piédestal, fait qu’on ne trouve point par-tout
la même hauteur au-dessus du sol. Sur les côtés, elle varie d’un mètre quarante-
six centièmes à un mètre soixante-dix-neuf centièmes (4). Tout autour, et dans la
partie supérieure, règne une ligne de grands hiéroglyphes, qui a cinquante centimètres
de hauteur. Ces hiéroglyphes sont exécutés avec une perfection qui ne laisse
(1) Voyez planche 20, ordonnée 2, A . vol. I I .
(z) Voyez planche 2 2 , fig . 4 , A . vol. I I .
IX] Seize pieds.
(4) Quatre pieds six lignes à cinq pieds six lignes.
Voyez planche 2 2 , fig. t , 2 et 4 , A . vol. I I .
rien à désirer; les plus petits détails sont exprimés avec exactitude et vérité, et l’on
distingue jusqu’aux plumes des ailes des oiseaux qui y sont représentés. On regrette
que le temps ait détruit une partie de ces beaux hiéroglyphes. Des traces du séjour
des eaux sont mar quées sur le piédestal ; celles de la plus grande inondation sont
à cinquante-quatre centimètres ( 1 ) du milieu de l’arête de la face antérieure. Par
l’effet du tassement dont nous avons parlé, l’extrémité de l’arête de la face nord,
du côté de l’est, est de trente centimètres au-dessus de l’extrémité ouest de la
même arête ; cette face nord fait, avec la verticale, un angle d’un degré trente
minutes. Le piédestal dans toute sa hauteur, et sa fonne dans la partie inférieure,
ne nous sont point connus, parce qu’il est caché sous les dépôts du Nil ; la seule
analogie nous porte à croire qu’il ressemble entièrement à celui du colosse du
nord, que nous avons mis à découvert par des fouilles.
Sur le piédestal s’élève la statue, qui est toute d’un seul morceau de pierre ; le
trône sur lequel elle est assise, a quatre mètres soixante-dix-neuf centièmes (2) de
hauteur, et une largeur de quatre mètres soixante centièmes (3) : les deux côtés sont
décorés de sculptures représentant un enlacement de lotus, que deux femmes, la
tête couronnée de fleurs et de boutons de cette plante, paroissent occupées à
enrouler autour d’une tige principale. Au-dessus de ce tableau, sont des hiéroglyphes
qui en expliquent probablement le sujet; ils sont très-beaux, et sont exécutés avec
une rare perfection. Le dossier du trône s’élève d’abord à la hauteur de plus de six
mètres et demi, en conservant, jusqu’au-dessous du coude du colosse, la largeur
qu’il a dans la partie inférieure ; réduit alors à deux mètres (4), il atteint jusqu’à
l’extrémité de la coiffure de la figure. Les jambes de la statue ont six mètres, depuis
la plante des pieds jusqu’à la partie supérieure du genou ; elles sont mutilées,
et l’extrémité des pieds est même entièrement détruite. Les pieds n’ont pas dû
avoir moins de trois mètres et un cinquième (y) de longueur. En avant du trône,
de chaque côté des jambes du colosse, et dans l’intervalle qui les sépare, sont
trois statues de ronde-bosse ; elles sont debout et très-mutilées. Celles qui sont placées
de chaque côté des jambes, ont près de cinq mètres (6), depuis la plante des
pieds jusqu’au sommet de la tête ; ce sont deux figures de femmes ■ (7) : elles
ont le corps enveloppé dans une longue robe, qui tient les deux jambes serrées
l’une contre l’autre; les deux bras sont pendans, et, dans l’une des mains, elles
tiennent la croix à anse, attribut ordinaire des divinités ; leur tête est ornée de
la dépouille du vautour. On remarque, dans la coiffure, plusieurs rangées de
grandes plumes, au-dessus desquelles 011 a figuré les plus petites plumes des* ailes
des oiseaux. La collerette est richement ornée de dentelures et de perles. La tête
est surmontée d’un boisseau conique, dont le contour est orné de sculptures représentant
des nboeus mitrés. La troisième figure, qui est entre les jambes, est tellement
mutilée, qu’il est difficile de la distinguer au premier abord ; elle n’est pas plus
grande que nature.
(1) Un pied huit pouces. Voyez planche 2 2 , fig. 4 , (4) Six pieds deux pouces.
A . vol. I I . (5) Neuf pieds dix pouces.
(2) Quatorze pieds neuf pouces, (6) Quinze pieds quatre pouces.
(3) Quatorze pieds un pouce. (7) Voyez planche 2 2 , fig. 1 et 2 , A . vol. I I .