usage d’aucune machine, et c’est probablement ce que l’on a voulu dire en faisant
mention d’un si grand nombre d’hommes. En effet, le poids d’un obélisque de
quatre-vingt-douze pieds de hauteur sur sept de largeur moyenne, comme le
grand obélisque de Karnak, est denviron un million de livres, partage entre vingt
mille hommes, le poids seroit pour chacun d’environ cinquante livres, ce qui excède
encore l’effort qu’un homme peut long-temps continuer : et combien de forces
perdues, d’ailleurs, quand l’application en est immédiate ! A l’aide de machines,
le nombre des ouvriers peut être réduit à volonté, et cela n a d autre limite que le
temps que l’on veut employer; un calcul fort simple montre quun seul homme
avec des machines convenables, s’il employoit ses forces sans aucune perte, pour-
roit élever un tel obélisque d’environ un mètre [trois pieds] au-dessus de terre,
dans l’espace d’un seul jour.
Entre ces deux limites, l’application immédiate de la force des hommes, et
l’emploi d’une telle machine, on conçoit une infinité de termes moyens qui permettent
de concilier les difïerens degrés de commodité et de célérité que 1 on
pouvoit desirer dans le transport d’un obélisque. La difficulté principale, en faisant
usage d’une machine, est de prendre, dans certains cas, un point d appui assez
solide. Au surplus, ces sortes de travaux ne nous paroissent aussi considérables
que parce qu’ils sont tout-à-fait inusités chez nous; ils ne supposent pas, comme
on l’a dit tant de fois, une plus grande industrie ni plus d’habileté dans les mécaniques
chez les Égyptiens, que chez les nations modernes : il n’en est aucune
qui n’inventât facilement les machines nécessaires à une telle opération. Les
Romains, autrefois , ont Élit parcourir un plus grand trajet à ces mêmes obélisques
, et ont eu plus de difficultés à surmonter encore que les Egyptiens. Les
peuples modernes ont transporté des fardeaux beaucoup plus considérables. Le
piédestal de la statue de Pierre-le-Grand pesoit 2,300,000 livres.
On sent qu’il n’y a qu’un petit nombre d’instans où il faille supporter tout le
poids de l’obélisque, c’est lorsqu’il s’agit de le monter à un niveau plus élevé; une
force bien inférieure suffit pour le conduire sur un terrain horizontal. Mais d ailleurs
presque tout le trajet se fkisoit par eau. Pline rapporte que 1 architecte Satyrus
avoit imaginé de creuser un canal qui alloit du Nil à la carrière : deux grands
navires, attachés par le côté et remplis de pierres, étoient conduits sous 1 obélisque,
dont les deux extrémités reposoient sur les deux rives du canal ; alors on jetoit le
lest, dont le poids surpassoit de beaucoup celui dé l’obélisque. Les navires déchargés
soulevoient le monument, et on le transportoit ainsi jusquà 1 endroit où
il devoit être placé; un autre bout du canal conduisoit du Nil jusquà cette place.
On employa dans la suite un procédé analogue pour transporter les obélisques à
Rome. C ’est Auguste qui y fit transporter le premier, le second y fut apporté
sous Caligula : les vaisseaux qui servirent à ce transport, avoient ete construits
exprès, et c’étoient, de l’aveu de Pline, les plus considérables que les Romains
eussent vus jusqu’alors.
Enumération des principaux Monumens en syênit ou granit Oriental
qui se sont conservés jusqu'aujourd'hui en Egypte.
J ’ai cru cette énumération utile pour donner une idée plus précise des travaux
des anciens en ce genre, en présentant, pour ainsi dire, sous un même coup-d oeil,
tous les monumens de cette nature qui sont parvenus jusqu’à nous. Elle pourra
servir aussi à rectifier les erreurs où sont tombés quelquefois à cet égard les
voyageurs.
Les monumens en granit Oriental que l’on retrouve encore en Égypte, sont
de trois sortes:
1.° Les monumens d’architecture;
2.° Les monolithes de dimensions colossales, qui, par leur masse, semblent
appartenir au sol où ils sont placés, tels que les obélisques, les statues et les
colonnes de grandes dimensions, les sanctuaires, les sarcophages, &c .;
3.0 Enfin, les différens ouvrages d’un volume médiocre, qui, susceptibles
detre déplacés aisément, ne doivent être indiqués que collectivement.
L’île de Philæ ne renferme aucune construction en syénit; mais on y voit plusieurs
monolithes intéressans :
1.° Trois petits sanctuaires ou espèces de cages qui paroissent avoir été destinées
à renfermer l’épervier sacré : la pierre est d’un rose pâle et à très-grands
cristaux; c’est la deuxième variété que nous avons indiquée.
2.° Deux lions dans l’attitude donnée ordinairement aux sphinx, en syénit
rouge.
3.0 Devant le pylône qui forme l’entrée du grand temple, on voit un monolithe
considérable en syénit rose, de forme cubique, et creusé dans son intérieur.
4-° Enfin, des débris de monumens assez variés, parmi lesquels on distingue
les fragmens de deux obélisques : ces derniers appartiennent à la variété rouge
et noire à grands cristaux et à contexturc porphyritique.
A Syène, on ne trouve que les monumens déjà cités dans la Description de
ses carrières, et quelques colonnes déplacées, qui évidemment ne sont point
l’ouvrage des Égyptiens. On voit les restes d’anciens tombeaux creusés dans des
rochers de syénit rouge et noir.
Éléphantine offre une porte de vingt pieds d’élévation , composée de sept
blocs de syénit rose; une statue colossale et les débris d’une autre.
A Ombos, on trouve une petite porte de syénit dans une des murailles d’enceinte.
Edfoû et Esné, que l’on rencontre en continuant de descendre le cours du
Nil, n’offrent aucun monument intéressant en syénit.
Hermonthis, aujourd’hui Ermcnt, renferme un grand nombre de colonnes
de cette matière, travaillées par les Grecs et les Romains, puis employées dans
la suite par les Chrétiens du moyen âge aux édifices de leur culte.