2 6 8 D E S C R I P T I O N G É N É R A L E DE THÈ B E S .
Derrière ie sanctuaire est une autre salie, qui n’est pas moins enfouie que celle
dont nous venons de parler. Les décombres s’élèvent jusqu’au sommet de la porte,
dont on n’aperçoit plus que la corniche et la frise : cette dernière est décorée d’un
disque représentant.le croissant de la lune. De chaque côté, sont huit divinités
portant en avant leurs mains élevées, et dans I attitude de 1 adoration ; leurs tetes sont
surmontées de coiffures variées. Ce bas-relief représente certainement la celebiation
d’une néoménie. La corniche est décorée d’un vautour dont les ailes sont déployées
et qui tient dans ses serres deux espèces de lames recourbees a leurs extrémités. Bien
que la porte soit enfouie, nous avons pu cependant pénétrer dans 1 intérieur de la
pièce où elle conduit, et reconnoître que son plafond repose sur quatre colonnes ( i )
dont les chapiteaux ont la forme de boutons de lotus tronqués. Le mm de fond
est percé d’une porte dont on n’aperçoit plus également que la corniche, et qui
conduisoit à de petites pièces obscures., semblables a celles que 1 on voit a 1 est et a
l’ouest.
L ’encombrement de l’édifice donne la facilité de monter sur les terrasses ; et lorsqu’on
y arrive, on est frappé du grand nombre de pieds et de sandales qui y sont
sculptés (2) et à côté desquels sont des inscriptions, les unes en hiéroglyphes, les
autres en écriture cursive tout-à-fait analogue a 1 inscription intermédiaire de la
pierre de Rosette. Quelques-unes d’entre elles paroissent être un mélange d’hiéroglyphes
et de caractères alphabétiques. On seroit porte aussi a y reconnoître 1 écriture
Phénicienne; et, au premier aspect, on trouve même quelque analogie entre les
caractères Arabes et ces diverses écritures. Les pieds ou les sandales sont toujours
gravés deux à deux et de grandeur naturelle, en sorte qu il semble qu on a suivi, pour
les dessiner, le contour exact des pieds de la personne qui a voulu constater sa présence
dans ces lieux. D’après la disposition des pieds et celle des caractères hiéroglyphiques,
on pourra peut-être hasarder quelques conjectures vraisemblables sur le
système d’écriture des anciens Égyptiens. Il en resuite par exemple assez clairement
qu’ils écrivoient de droite à gauche. Il est tres-probable qui! faut voir ici, comme
nous l’avons déjà insinué ailleurs, le résultat de pèlerinages (3) dont 1 antique édifice
que nous décrivons étoit 1 objet ; mais c est en vain que les pelerins ont voulu
transmettre leurs noms et leur acte pieux à la postérité; le langage des anciens
Égyptiens n’est plus entendu, et la clef en est peut-être perdue sans retour.
Nous avons déjà indiqué une circonstance très-digne d’attention dans la construction
du grand temple du sud, c est qu il est bati en partie avec des matériaux
provenant d’édifices plus anciens, et offrant des sculptures aussi bien exécutées
que celles dont il est actuellement orné. C’est un fait très-remarquable; et nous
y revenons à dessein, parce qu’il prouve l’antiquité des arts chez les Égyptiens.
Que de siècles ont dû s’écouler avant que des monumens élevés par ces hommes
si religieux observateurs du culte établi fussent venus a un point de dégradation
tel qu’on ait été dans la nécessité de les détruire ! et de combien de siècles il faut
(1) Voyez la planche ¡4 .,fig. 2 , en h , A . nul. I I I . (3) Voye^ ce que nous avons dit à ce sujet dans la
(2) Voyez la planche y , fig. r , 2 , g , 4 , 5 e t 6 , A . description de Medynet-abou, section I . " d e ce chapitre,
vol. I I I . VaS- J '■
remonter encore dans les temps antérieurs, pour que ces arts se soient perfectionnés
au point de produire des édifices d’un effet aussi imposant et aussi majestueux que
celui qui nous occupe ! Platon ( i ), qui vivoit quatre cents ans avant l’ère vulgaire,
assure que la peinture étoit exercée en Égypte depuis dix mille ans ; qu’il restoit
encore des ouvrages de cette haute antiquité, parfaitement semblables à ceux que
les Égyptiens faisoient de son temps. Ne seroit-il pas curieux de pouvoir vérifier
aujourd’hui le témoignage du disciple de Socrate! Le grand temple du sud ne seroit-
il pas celui qui a donné matière aux observations de Platon, celui que les prêtres
Égyptiens lui auront montré pour lui prouver la haute antiquité dont ils se glori-
fioient! En effet, il n’y a peut-être pas, dans toute l’Égypte, d’édifice qui ait une
apparence de vétusté plus prononcée que le grand temple du sud. Le caractère
mâle et sévère de son architecture semble naturellement en placer l’époque à ces
temps primitifs où les arts ont commencé à être cultivés en Égypte. Les rapproche-
mens que nous avons indiqués, en parlant de l’allée des beliers, sont bien de
nature à confirmer encore les conséquences vers lesquelles on se trouve naturellement
entraîné au sujet de l’antiquité de tous ces vieux monumens.
A r t i c l e I V .
Du petit Temple situé au sud du Palais.
T o u t contre le temple que nous venons de décrire, il en existe un autre bien
moins considérable, dont les sculptures plus soignées, et non entièrement terminées,
annoncent un édifice plus récent. On est tout-à-fait confirmé dans cette
opinion, lorsque l’on considère que le sol du petit temple est plus élevé que celui
du grand, de deux mètres quatre-vingt-douze centièmes (2); ce qui résulte des nivel-
lemens. En effet, nous avons démontré ailleurs que le sol de l’Égypte s’élève (3.)
successivement, et que cet accroissement, presque insensible chaque année, devient
susceptible d’appréciation au bout de quelques siècles. Il seroit donc possible,
d’après la différence de niveau du pavé des deux temples, d’indiquer leur antiquité
relative, si l’on connoissoit avec exactitude la quantité de l’exhaussement du sol, par
siècle, pour un lieu donné; mais, cette quantité pouvant varier en mille manières,
suivant les circonstances et les localités, il ne sera jamais possible d’atteindre qu’à
des limites probables, lorsqu’il s’agira de quelques cas particuliers. Toutefois, si
l’on admet que l’exhaussement moyen du sol de l’Égypte soit de cent trente-deux
millimètres par siècle, comme l’avance M. Girard dans son Mémoire (4) sur le
nilomètre d’Éléphantine, il en résultera que le petit temple du sud est au moins
de deux mille ans plus récent que le grand.
L ’entrée du petit édifice que nous allons décrire, est exposée à l’ouest. II est
exactement orienté comme le palais de Karnak. De part et d’autre de la porte,
(1) Voyez la citation n.° I ,'pag. 299. (4) Voye^le Mémoire de M. Girard sur le nilomètrede
(2) Neuf pieds. l’île d’EIépliantine,^?«»-. //, dans le toineJ." des Mémoires
(3) Voye^ la description des colosses de la plaine de relatifs aux antiquités.
Thèbes, sect. 1 1 de ce chapitre, pag. 89 et suivi