iautre est encore debout, mais ii est cassé par le haut. Cependant, en lui supposant
la proportion commune aux autres obélisques, il devoit avoir environ sept
mètres (i) de hauteur. C ’est le plus petit de tous les obélisques que nous ayons
vus dans la haute Egypte. Il est de grès (2), et c’est le seul qui soit de cette
matière. Il est sans hiéroglyphes, et c est encore le seul que nous ayons vu ainsi ;
a quoi 1 on peut ajouter qu il est élevé sur une très-haute base , tandis que les
autres sont posés presque au niveau du sol qui les environne. Toutes ces différences
doivent faire supposer que l’objet des deux obélisques situés à l’extrémité
de 1 île n étoit pas le même que celui des autres monumens semblables ; et si l’on
remarque encore qu on les a mis à des distances fort inégales de l’édifice du midi,
afin quils fussent tous les deux au-dessus du mur de quai, l’on se convaincra qu’ils
ont été principalement élevés pour la décoration extérieure, à laquelle il est manifeste
que la régularité intérieure a été sacrifiée. On conçoit, en effet, que l’île de
Philæ étant, en quelque sorte, l’entrée de l’Égypte du côté de la Nubie, on a
pu vouloir en embellir 1 aspect aux yeux de ceux qui arrivoient des parties supérieures
du Nil. L enceinte du midi elle - même paroît avoir été disposée dans le
meme dessein ; car il est à remarquer qu’elle n’a aucune liaison que Ion puisse
retrouver aujourdhui avec les édifices qui l’environnent: seulement son axe principal
répond au milieu du grand pylône ; et tandis que tous les autres édifices
se présentent obliquement, elle seule offre à ceux qui descendent le fleuve, un
aspect régulier, que les deux obélisques rendoient encore plus remarquable.
Tout auprès de cette enceinte est l’origine d’une longue colonnade formant
galerie, et qui borde la rive occidentale du fleuve ; les deux extrémités en sont
abattues, et il est impossible de dire où devoit être celle du nord. Quant à celle
du midi, il paroît qu’elle arrivoit jusqu’au mur qui termine l’île; mur qui est
encore debout, et dans lequel est une ouverture qui permettoit aux personnes
placées sous la colonnade d apercevoir au loin les barques naviguant sur le fleuve.
Trente-une colonnes de la galerie sont encore debout, et l’on en trouve une
trente-deuxième qui n’est détruite qu’à moitié, en sorte que cette galerie présente
encore une longueur de 9 ^ .3 (3). Plusieurs de ces colonnes sont près de s’écrouler;
les pierres qui les composent, sont toutes disjointes et déplacées. Ces dégradations
doivent etre attribuées à la chute des pierres, toujours très-volumineuses,
qui forment les architraves et les plafonds; lorsqu’elles viennent à être rompues par
quelque cause que ce soit, elles tombent, et frappant obliquement les colonnes,
en dérangent les pierres, ou les renversent quelquefois.
/ Vers le mi)ieu dc Ia longueur de la galerie, deux des colonnes sont plus espacées
que les autres : des pieds-droits s’élevoient contre ces colonnes, et formoient
entre elles une porte ; ce qui fait naturellement supposer que l’on ne passoit pas
entre toutes les autres colonnes, et qu’il y avoit à cette galerie des murs d’entre-
colonnement, comme on en voit à tous les portiques, à toutes les colonnades
extérieures.
(i) Vingt-deux pieds. voyageurs que cet obélisque étoit de marbre blanc.
( i l 1.a couleur de ce gres a fait croire à quelques (3) Environ quarante-buit toises.
Les colonnes, ainsi que le mur du fond de la galerie, sont entièrement couvertes
de sculptures, dont quelques-unes portent encore des couleurs. Ce mur, qui
forme le fond de la galerie j est le mur même du quai : sa fondation, ayant été établie
sur les rochers, n’a pu être faite en ligne droite, et l’on ne s’est pas mis en
peine de dissimuler ce défaut d’alignement dans la partie supérieure' du mur; ce qui
cependant eût été, à ce qu’il semble, assez facile. Il en résulte que le mur de la
galerie est sinueux, et que la galerie elle-même n’a point, dans toute sa longueur,
une largeur uniforme. Cette négligence a quelque chose de choquant pour un
Européen; mais cet exemple, et quelques autres de même espèce, ne sont pas
suffisans pour conclure que les idées de symétrie et de régularité n’étoient pas,
chez les Egyptiens, ce qu’elles sont parmi nous. Lorsque la plupart de nos grands
édifices renferment des irrégularités, devons-nous hésiter à croire que celles que
présentent quelques monumens Égyptiens, aient été causées par des circonstances
particulières qu’il a été impossible de vaincre !
Le mur est percé de plusieurs fenêtres, qui ne pouvoient avoir d’autre objet que
de laisser apercevoir le fleuve et la rive opposée à celle de l’île. Ces fenêtres sont
petites, disposées irrégulièrement, et n’entrent pour rien dans la décoration : cependant,
leur épaisseur étant sculptée comme le reste de la galerie (1), il faut admettre
quelles ont été faites en même temps que l’édifice, et non pas percées après coup.
La colonnade qui fait face à celle dont nous venons de parler, est à-peu-près
dans Je même état : il ne reste plus que l’architrave ; la corniche manque entièrement
, et peut-etre même n’a-t-elle jamais été posée. Dans le mur du fond sont
trois portes qui doivent avoir conduit dans quelques chambres ; mais il n’en reste
plus aucun vestige. Cette galerie se prolongeoit sans doute vers le nord; et il
paroît qu une petite salie carrée qui subsiste encore dans cette direction, y avoit
son entrée. Quant à 1 extrémité sud de la colonnade, elle ne s’est jamais étendue
au-delà du point où on la voit aujourd’hui ; car elle est encore terminée par un
mur élevé qui reçoit la dernière architrave. La colonne placée dans le prolongement
du mur qui forme le fond de la galerie , et quelques autres constructions qui
1 environnent, sont insuffisantes pour donner des indices sur l’usage ou même seulement
sur la forme des édifices auxquels elles ont appartenu.
Il me paroît également impossible de trouver les motifs qui ont pu déterminer la
position irrégulière de cette seconde colonnade. Il se peut qu’à l’époque où elle fut
construite, des bâtimens qui maintenant n’existent plus, mais qui alors étoient debout,
et peut-être trop respectés pour qu’on osât' les détruire, aient empêché de lui
donner une autre direction; et quoique ce manque de symétrie dans la position des
deux colonnades semble indiquer quelles n’ont pas été construites à-la-fois, cependant
toutes les autres inductions portent à croire le contraire. Les deux colonnades
sont élevées sur les mêmes proportions., détruites à-peu-près au même degré,
et ont été laissées par leurs constructeurs dans le même état d’inachèvement.
La hauteur des colonnes est de ym. 1 , leur diamètre est de om.8 environ. Les
chapiteaux ont tous la même hauteur et à-peu-près la même forme; mais les
(1) Extrait du Journal de voyage de M. Villoteau.