être celui d’un lion et la tête celle d’un sanglier : il est élevé sur un autel. Dans
les manuscrits sur papyrus, la tête du monstre est la même que l’on voit ici, sinon
que la gueule est tout-a-fàit beauté, et que le corps a des mamelles pendantes et
des formes qui paroissent se rapprocher de celles d’une truie. Au-devant du monstre,
est une Heur de lotus sur laquelle sont quatre petites statues enveloppées comme
des momies, dont la première a une tête humaine, la seconde une tête de cynocéphale,
la troisième une tête de chacal, et la quatrième une tête depervier. Ce sont
les quatre figures que l’on retrouve constamment dans les tombeaux, soit ajustées sur
des statues en gaine comme ic i, soit formant des couvercles de ces vases appelés
canopes, tels que nous en avons recueilli nous-mêmès dans les hypogées (i). Dans
quelques-uns des manuscrits sur papyrus, l’offrande dont nous venons de parler
est absolument la même; dans d’autres, elle ne se compose que de plusieurs fleurs
de lotus placées sur un autel. Après les quatre petites statues, on voit ici un quadrupède
dont la tête, séparée du tronc, paroît tomber dans un vase qui est tout
près de là, et dont le corps est percé d’une flèche ; ses formes se rapprochent de
celles du cheval. Enfin, à l’extrémité du tableau, Osiris est assis sur un trône, et
porte dans ses mains la crosse et le fléau, attributs de la divinité.
L ’identité parfaite du tableau que nous venons de décrire, avec ceux des manuscrits
sur papyrus, indiquerait suffisamment un sujet funèbre, si d’ailleurs route
la scène qui y est représentée ne le désignoit d’une manière peu équivoque. Cette
sculpture est évidemment relative au jugement des morts dans les enfers. On
sait, d’après les témoignages de l’antiquité, qu’Isis, et sur-tout Osiris, regardé par
les Egyptiens comme le principe fécondant, comme l’ame de l’univers, nctoient
pas seulement des divinités célestes ; mais qu’envisagés sous de nouveaux rapports,
ils étoient considérés comme des divinités infernales (2), préposées à la
punition des coupables et à la récompense des justes dans l’autre vie. Dans le
tableau que nous venons de décrire, le mort est conduit par Isis devant le souverain
juge. C’est avec la balance que se fait la pesée de ses bonnes èt de ses mauvaises
actions, dont le dieu Thot écrit le résultat en présence d’Osiris. Ce quadrupède
percé d’une flèche est peut-être l’animal d’où sort lame du mort qui est en
présence du juge redoutable. En effet, on sait que les Égyptiens croyoient à la
métempsycose. 11 est constant, d’après le rapprochement de tous les témoignages
de 1 antiquité, quils pensoient que l’ame est immortelle (3), et qu’elle restoit
unie aux corps aussi Jctng-temps que ceux-ci pouvoient se conserver, d’où est
venu sans doute Je soin extreme que l’on apportoit aux embaumemens. Rien
n annonce que les Égyptiens crussent à la résurrection des corps ; mais il paroît
incontestable qu ils croyoient a la migration des ames. Cette doctrine établissoit que
l’ame, après être restée unie à la matière, tant que celle-ci n’étoit point tombée
en corruption et pouvoit lui servir d’habitation, revenoit des enfers pour animer
de nouveaux corps. Après avoir passé successivement dans toutes les espèces
(1) On peut en voir la configuration, pl. 8 , , f g . 7 , (3) Voyej le savant ouvrage de Zoëga, ayant pour
S , 9 , I0i 1 1 ' i 2 , *3 > ! ‘i er /y, A . vol. I I . tïtr e,JDe origine et usu obeliscorum, sect, IV-, cap. I , §. 16 ,
(-1 Voyez les "citations n.” ‘ 1 et I I , png. ,7 ,. pag. 294 a 5eq.
C H A P I T R E IX. S E C T IO N IV. I
danimaux terrestres, aquatiques, volatiles, elle rentrait dans un corps humain (i)t
Toutes ces transmigrations se faisoient dans l’espace de trois mille ans. Rien ,
dit Zocga (2), n indique si les Égyptiens pensoient qu’elles fussent limitées, ou si
elles dévoient se reproduire à 1 infini. Cependant il paraîtrait, suivant les Grecs,
qui avoient adopté les opinions Égyptiennes sur la métempsycose, en les modifiant
toutefois selon leurs croyances religieuses, qu’après trois migrations, les ames qui
avoient ete trouvées justes, devoient vivre éternellement heureuses avec Osiris et
ne plus occuper de nouveaux corps (3).
Plusieuis histoiiens de 1 antiquité, parmi lesquels on doit plus particulièrement
compter Diodore de Sicile (4), ont avancé que les Grecs ont calqué sur les cérémonies
funebres des Égyptiens toute leur fable de l’enfer. Si cette opinion pouvoit
encore éprouver quelques contradictions, l’inspection du tableau que nous avons
sous les yeux les ferait toutes disparaître. Comment, en effet, ne pointreconnoître.
dans 1 Osiris que l’on voit ici, le type original de ce Minos que les Grecs (y) nous
montrent remplissant, armé d un sceptre d’or, les fonctions de juge dans le séjour
des morts ! Les poètes Latins (6) ont attribué à ce même Minos la souveraineté dans
leur enfer ; mais ils lui ont donné pour assesseurs deux autres juges, Éaque (.7) et
Rhadamanthe. Ce monstre qui précède Osiris, n’auroit-il pas pu fournir la première,
idée du Cerbère défendant l’entrée des sombres lieux ! Et quand Homère nous
montre Mercure introduisant les ames dans les enfers (8), comment n’en point
reconnoître le type original dans ce Thot, ce Mercure Égyptien, qui paroît enregistrer,
sous les yeux d Osiris, le résultat de la pesée qui se fait des bonnes et des
mauvaises actions du mort ! Si l’on veut pousser plus loin ces rapprochemens, il faut
avoir recours aux sculptures peintes des grottes A’Elethym, où sont représentées
avec détail toutes les cérémonies funèbres (9), dont on ne voit ic i, pour ainsi dire,
que la dernière scène : on y trouvera l’origine du nocher Charon, de sa barque
fatale et des fleuves de l’enfer.
Ce jugement des morts, que les Égyptiens, d’après leurs doctrines religieuses,
supposoient institué par les dieux dans les enfers, les lois l’avoient réellement établi
en Égypte. Chez ce peuple, si 1 on en croit Diodore de Sicile, le discernement du
(1) Voyez la citation n.” I V , à la fin de cette section
pag. t7 .2.
(2) Voyez l’ouvrage de Zoëga qui a pour titre
origine et usu obeliscorum, pag. 296.
(3) Z.oëga cite la première des Olympiques de Pindare,
qui renferme toute cette doctrine. Voye^ son ouvrage
cité ci-dessus, pag. 297 et 298.
(4) Diod. Sic. hist. Iib. 1 , pag. 10 7 , ed. Amste-
ni, an. 1746.
De
lodar
B t|7Ti Mmatt ¡Jo v, A10V ayhciov viov,
X p v otov OKMir'lpov t^o i-TO, S i p u a v o rm n tu k o s ty ,
"H'UAYOV oi S ip n ¿fxf} J/kclc ¿veuem,
HptYOl littOTtf 71 JCo ft ’XiV/öf J& .
Ibi autem Minocin vidi, Jovis illustrem filium»
Aureum sceptrum habentem ,ju s dicentem mortuis,
Sedentem : Uli verd circa ipsum causas dicebant regem,
¿'identes et partim Staates per late patentem Pltiwuis dom um.
Homer. Od yss . Üb. X I, y . j 6'.
(6) Nec vero ha sine sorte data, sine jttdice, sedes.
Quasitor Minos urnam move: : i/le silent uni
Conciliumque voc.it, vitasque et crimina discit.
Virgil. Æneid. lib. v i , v.
Cnosius hac Rhadamanthus habet durissima regna;
Castìgatque, auditque dolos, suligitque fateri
Qua quis apud saperos .furto la ta tus inani,
Distulit in scram commissa piacula mortem.
Ibid. v. f6 6 .
(7) Virgile ne fait point mention d’Eaque.
(8) Ip/tüç Jt KümijV/oî"
A ttya* /Mtvntpcûv A ' pàCÎ'oy putt « %potv ■
KctAur, ¿guarnir, th r ày^pat opj/uctm dtAytt
f i r tvç 0 twtt xffl ù'OrvâovTaç iytiptt.
Mercurius autem animas Cyllenius evocabat
Virorum procorum : habebat autem virgam in manibus
Pulchram, auream, quii homi nam oculos mu/cet
Quorum vu/t, quosdam contra etiam dormientes suscitât.
Hoiner. Odyss. lib .x x iv
(9) Voyez la p la n c h e7 0 , A . vo l. /.