l’auteur auroit eu l'intention de composer la distance de Thèbes à la mer, de
celle de quatre mille huit cent soixante stades, résultant de l’évaluation des neuf
journées de navigation comptées pour le trajet d Héliopolis a Thèbes, et de la
distance d’Héliopolis à la mer, déterminée précédemment à quinze cents stades.
Nous ne croyons pas qu’on puisse interpréter ainsi le texte d’Hérodote, dont
l’examen approfondi nous semble annoncer seulement 1 intention de faire une
sorte de récapitulation des stades qui entrent dans les principales dimensions de
l’Égypte, mais non pas d’indiquer une addition de mesures partielles pour en
former une mesure totale. Nous sommes d’autant mieux fondés à nous en tenir
à cette opinion, que, d’après l’interprétation que nous avons donnée du texte
d’Hérodote, la coïncidence des mesures anciennes et des mesures modernes est
plus frappante.
Avant de quitter cette discussion, nous ferons observer qu Hérodote a fait de
la journée de navigation une évaluation qui paraîtra certainement trop foible à ceux
qui ont parcouru l’Égypte : en effet, il ne la porte qu’à cinq cent quarante stades ou
cinquante-quatre mille mètres (i). En suivant les contours du fleuve sur la caite
d’Égypte, on trouve que la distance d’Héliopolis a Thebes est de sixcent quatie-vingt
mille mètres environ, ou six mille huit cents stades; ce qui ferait, pour la journée
de navigation, sept cent cinquante-cinq stades, ou soixante-quinze mille mètres.
Cette évaluation n’est certainement pas trop forte ; car nous avons éprouvé nous-
mêmes que, dans la saison favorable, on parcourt jusquà dix myriamètres (2) par
jour : mais il s’agit ici d’un terme moyen, qui présente toujours un certain vague.
Aussi ne croyons-nous pas devoir faire usage de cette mesure de quatre mille
huit cent soixante stades pour retrouver la position de Thebes, qui d ailleurs
est fixée avec une exactitude parfaite, par les rapprochemens que nous avons
faits précédemment.
Il résulte donc de ce qui précède, que le témoignage d’Hérodote donne le
droit de conclure que l’emplacement occupé par les ruines de Karftak, Louqsor,
Medynet-abou et Qournah, est bien celui de Thèbes.
Strabon (3), sans donner la distance absolue de Thèbes à quelque point connu,
détermine cependant bien la position de cette première capitale de 1 Egypte par
l’ordre dans lequel il nomme les différentes villes qui bordent 1 une et 1 autre rive
du fleuve. Il place Abydus au-dessus de Ptolemdis. Après Abydus viennent Diospolis
parva, aujourd’hui Hoû, ensuite Tcntyra, Coptos, Apollinopolis parva, et enfin la
ville de Thèbes, connue, au temps de Strabon, sous le nom de Diospolis magna.
La position de Thèbes, relativement aux villes voisines, est ici trop bien indiquée
pour qu’on puisse s’y méprendre; et l’ordre dans lequel se suivent Kous, qui renferme
quelques vestiges d’antiquité, et Karnak, qui montre d immenses débris, est
bien le même que celui & Apollinopolis parva et de Diospolis magna.
Diodore de Sicile ne détermine point la position géographique de Thèbes; mais
les divers rapprochemens déjà faits ne permettent pas de douter que ce quil
(1) Environ quatorze lieues de deux mille toises.
(2) Environ vingt-cinq lieues de deux mille toises.
(3) la citation n.° IV> à la fin de cette Dissertation
, pag. 440,
rapporte de cette ville célèbre ne convienne aux ruines de Karnak, Louqsor,
Medynet-abou et Qournah (i).
Ptolémée (2) place le nome de Thèbes et sa métropole, la grande cité de
Jupiter ou Diospolis, sous le 62.° degré de longitude, compté du méridien de l’île
de Fer, et le 2y.c degré 30 minutes’ de latitude. On sait quelle source d’erreurs
renferme la détermination des points fixés par Ptolémée, à cause de la fausse évaluation
qu il a faite du degré de lorfgitude, en le fixant à cinq cents stades, au lieu de
sept cents qu il auroit dû lui conserver. On peut consulter à ce sujet les savans
ouvrages de M. Gossellin (3). Il ne nous est donc pas possible de conclure rien
de précis 4e la comparaison des longitudes données par Ptolémée, et de celles
qui ont été déterminées par les observations les plus récentes ; mais on peut remarquer
que la latitude de 250 30' assignée à Diospolis par Ptolémée ne diffère
que de douze minutes de la latitude observée à Karnak par M. Nouet. D’ailleurs,
l’ordre dans lequel Ptolémée cite les villes qui se trouvent dans lès régions élevées
de l’Egypte, s’accorde parfaitement avec les ruines que l’on y voit encore; et leur
identité ne peut laisser aucune incertitude, si l’on reconnoît dans les villages
modernes d’Erment et de Kous les restes des antiques cités d’Hermonthis et d’Apollinopolis
parva.
L'Itinéraire d’Antonin (4) donne la distance de Contra-Lato à Thèbes. Nous la
rapporterions ici, et nous ferions voir qu’elle diffère peu de celle que l’on prendrait
sur la grande carte d’Égypte, s’il ne nous paroissoit plus convenable de déterminer
la position de Contra-Lato, en partant de celle de Thèbes une fois bien établie.
S. Clément d’Alexandrie, Étienne de Byzance, Eusèbe, Ammien-Marcellin,'
parlent de la ville de Thèbes sans donner aucun détail sur sa position géographique :
ils semblent s’être bornés à ce qu’en ont dit les écrivains qui les ont précédés. Mais
nous avons rapproché assez d’autorités pour justifier l’opinion que nous avons
avancée, et qui se présentera d’elle-même à tous les voyageurs, que les antiquités
renfermées dans Karnak, Louqsor, Medynet-abou, le Memnonium et Qournah,
sont les restes de la splendeur de Thèbes : cherchons maintenant quelle a pu
être l’étendue de cette ville célèbre.
| II.
D e l ’Etendue de Thèbes, et de la nature de ses Constructions,
L es écrivains de l’antiquité nous laissent dans quelque incertitude sur l’étendue
(1) Voyez la description de Karnak* sect. V l l i de ce en évaluant, comme le fait M* Gossellin, le pas Romain
chapitre, pag. z8i. , à im,48i [4 ds>5<>i ], ou, ce qui est la même chose, le
(2) Ptolem. Ceogr, lib. iv ,p a g . 10 8 , edit. Francofurt. mille Romain de huit stades Olympiques, ou de six
1605. cents au degré, à 1,481' mètres [760*, 107 ]. Si I’on me-
(3) Yoye^ la Géographie des Grecs analysée, et les sure sur la grande carte d’Egypte la distance qui se trouve
Observations préliminaires et générales qui sont en tête entre la position de Contra-Lato, en face d’Esné, et les
de la nouvelle traduction de Strabon, par M. Gossellin. ruines de Karnak) en suivant les contours du fleuve, on
(4) L ’Itinéraire d’Antonin marque de Contra-Lato à trouve, à peu de chose près, la même distance de 59240
Thèbes quarante mille pas; ce qui donne 59240 mètres, mètres.