
désagréablement. On peut se rappeler ce que nous avons dit, dans le §. II, du
fiel effet de ce portique ; et la planche dans laquelle on a supposé cet édifice tout
•neuf, avec les peintures dans tout leur éclat, en donne une image très-complète (i).
Aujourd’hui, il n’y a guère de dégradations notables que dans une seule colonne;
et pour voir ce portique presque aussi brillant que la gravure le représente, il
serait suffisant d en chasser la poussière et de le déblayer des terres et des décombres
qui ont été amoncelés, sur-tout dans la partie droite en entrant, où le sol est élevé
de plus d’un mètre au-dessus du sol véritable.
• Les couleurs, comme on peut le remarquer, sont au nombre de quatre, le
•jaune, le vert, le bleu, et le rouge plus ou moins foncé : à quoi l’on peut ajouter
le blanc; car le blanc nest pas celui de la pierre, et on l’a mis au pinceau.
Il se presentoit une remarque a faire : c’étoit de savoir si les mêmes objets, les
memes signes hiéroglyphiques, étoient toujours peints des mêmes couleurs ; ce qui
aurait pu aider, dans certains cas, à mieux déterminer la nature de ces objets et
de ces signes. On a deux preuves du contraire : les croix à anse que les divinités
tiennent à la main, sont toutes vertes dans le portique du grand temple, et dans
une autre partie du même temple elles sont toutes bleues. La même remarque
a été faite sur cette espèce de feuille qui est sur la tête d’Isis, et que l’on trouve
repetee un si grand nombre de fois dans les hiéroglyphes de tous les temples.
Mais il ne faudroit pas conclure de là qu’il ny avoit aucun ordre dans la distribution
des peintures : le génie des Égyptiens n’a voit, comme on le sait, rien de
capricieux ; il tendoit à réduire tout en règle, et à consacrer des usages ; et l’étude
que nous avons faite de toutes les autres parties des arts de ce peuple, où cet
esprit de règle et de formule est si manifeste, ne permet pas de penser que les
peintures sacrées aient été seules livrées à l’arbitraire: il faut, d’ailleurs, remarquer
tjue, dans les peintures qui représentent des scènes familières et les usages de la vie
civile, les couleurs sont toujours parfaitement appropriées aux objets. Enfin nos
deux bas-reliefs coloriés présentent déjà quelques faits qui sont propres à faire
croire que les couleurs y ont été placées suivant de certaines lois. Parmi les figures
principales, il ny a que celles à tête d’animal qui soient bleues, toutes les autres
sont rouges; et cette dernière couleur, sans être celle des Égyptiens, étoit cependant,
de toutes les couleurs qu’ils employoient, celle qui en approchoit le plus.
De meme dans les hiéroglyphes, à l’exception d’une petite figure d'homme à tête
dépervier qui est bleue, toutes les autres figures humaines, et toutes les parties
détachées, comme les têtes et les bras, sont constamment rouges. Les boeufs
sont aussi tous de cette couleur; tous les oiseaux sont bleus; tous les vases sont
verts, ainsi que toutes les portions de cercle, qui paroissent être elles-mêmes des
vases en forme de coupe : à quoi nous ajouterons que dans tous les temples, dans
toutes les peintures, la ligne brisée en zigzag, qui, comme nous le verrons plus
tard, est la représentation de l’eau, n’a jamais été vue que bleue ou verte. De
toutes ces diverses remarques il résulte, à notre sens, que si les couleurs paroissent
(■I) Voyez la planche 18.
d’abord distribuées arbitrairement, c’est qu’on n’a point encore réuni un assez
grand nombre d’observations sur cette matière, et qu’un jour on trouvera que
cette partie des arts Égyptiens étoit, comme tout le reste, soumise à des règles
invariables.
J ’ajouterai encore quelques mots au sujet de ces deux bas-reliefs. On voit
dans l’un Osirisàtête de belier, accompagné d’Isis; dans l’autre, deux figures d’Isis,
dont l’une a une tête de lionne. Les prêtres présentent à ces divinités un vase d’où
sort une flamme rouge ; et l’on voit sur le bord du vase, deux grains de l’encens
que l’on y brûle. On doit remarquer les plumes composant un habillement dont
Isis est souvent vêtue ; on doit remarquer encore la richesse des sièges, le socle
sur lequel ils sont élevés, où l’on voit un animal chimérique, espèce de griffon
dont la forme étoit consacrée, et que l’on retrouve en plusieurs endroits.
Quant à la bande étoilée qui borde la partie supérieure de chaque scène , je
crois qu’on a voulu représenter par-là, soit la voûte du c ie l, soit seulement le
plafond du temple où la cérémonie qui fait le sujet du tableau, est supposée
avoir eu lieu. Et en effet, les plafonds des temples sont très-souvent décorés
d’étoiles blanches, dont le milieu est rouge, et qui sont semées sur un plafond
bleu (i). Ces étoiles quelquefois, couvrent tout le plafond, et en forment alors
l’unique décoration; d’autres fois, comme on le voit dans le bas-relief (fig . i ,
p l. 10 ) , elles sont jointes à d’autres figures, et font partie de l’emblème. Ce bas-
relief, qui a été copié parmi ceux qui ornent le plafond du portique, est d’une
grande singularité par l’enroulement, on peut dire monstrueux, des trois figures
qui le composent. On a quelques raisons de croire qu’il a rapport à l’astronomie :
d abord, parce que les sculptures astronomiques sont toujours environnées de
semblables figures ; ensuite, parce qu’il renferme un grand nombre d’étoiles; enfin,
parce quil est sculpté sous un plafond, emplacement qui paroît avoir été consacré
plus particulièrement aux sculptures relatives à l’astronomie. Nous nous
arrêterons au petit tableau (fig . y , pl. 10 ), parce qu’il peut donner lieu à un rapprochement
analogue à celui que nous avons fait dans le paragraphe précédent.
La table que Ion voit ici portée par des prêtres à longues robes, a beaucoup de
rapport avec celle que 1 Éternel commanda à Moïse de faire, immédiatement
après 1 arche. Cette table, qui avoit pour principal objet de recevoir des bassins,
des plats, des coupes et des tasses pour les libations , ainsi que les pains consacrés,
devoit avoir un rebord près duquel seroient les anneaux où passeraient les barres
qui serviraient a la porter. Ces particularités se rencontrent ici, aux anneaux près;
mais ce qu il y a de plus curieux et de plus piquant dans cette comparaison entre
les deux tables, c est que les proportions de l’une, données dans l’Exode, correspondent
à celles de l’autre, c’est-à-dire, à celles de la gravure que nous avons
sous les yeux.
Nous ne quitterons pas le portique sans parler d’un autre bas-relief qui a été
copie avec tous les hiéroglyphes qui en font partie : c’est la représentation d’une
(i) Comme, le plus souvent, cette bande ornée d’étoiles être, lorsqu’on rencontre cette forme dans les hiéroglyphes,
a la forme qu on lui voit ic i, nous avons pensé que peut- elle y exprime le ciel ou quelque chose qui y est relatif.