verticaux qui conduisent a des appartenions inférieurs, présentent i’aspect d’un
lieu destiné à des initiations et à des célébrations de mystères.
Dans ie voisinage de certte syrïnge,. on voit une longue suite de petits monceaux
de débris en pierre calcaire, placés à égale distance, et disposés sur deux
rangées. C'étoit une allée de sphinx, qui conduisoit d’abord à des constructions
maintenant 1 uinees, et, tout près de la montagne, a un édifice qui paroît attester
en même temps les efforts et l’impuissance des Égyptiens dans la’ construction
des voûtes.
Enfin, si 1 on reprend 1e chemin tracé sur la limite du désert, on aperçoit à
droite les fragmens de deux statues en granit noir, et l’on arrive bientôt à Qournah,
dont le palais offre 1 exemple d un portique formé d’un seul rang de colonnes, qui
a quelque rapport avec les édifices des Grées ; il a plutôt l’air de n’avoir point
été achevé que de tomber en ruine, et cependant le temps lui a imprimé unq,
couleur de vétusté plus prononcée que celle <Ies monument que nous venons de
parcourir . il est aussi execute avec moins de perfection ; il paroît avoir été une
habitation royale. L élévation et 1 étendue des salles, la manière dont les jours sont
disposés, tout y est différent de ce que l’on voit dans les temples. En avant de
cet édifice, sont des monticules de décombres sur lesquels s’élevoiertt probablement
autrefois les maisons particulières. Un bois de palmiers s’étend de l’extrémité des
ruines de Qournah jusqu aux bords du N il, et termine très-agréablement de ce côté
la belle plaine de Thèbes.
A la distance de sept à huit cents mètres (i) de Qournah, toujours en descendant
le fleuve, au pied de la montagne, et dans un enfoncement carré, qui a été pratiqué
de main d’homme, on trouve un grand nombre d’ouvertures creusées dans
Je roc. On y voit de doubles et de triples galeries, et des chambres qui servoient
de sépultures; elles sont quelquefois fréquentées par les habitans de Qournah, qui
en font un lieu de refuge. C’est là que l’illustre et infatigable général Desaix, poursuivant
avec ardeur, jusque dans les parties les plus élevées de l’Égypte, lesMamlouks
vaincus et dispersés, fut assailli à coups de pierres par les sauvages habitans de ces
sombres demeures. Livré à son amour pour les arts, Desaix setoit distrait un
moment de ses,nobles et courageux desseins, en allant parcourir les curiosités renfermées
dans l’ancienne capitale qu’il venoit de conquérir; il en admiroitles édifices
somptueux, les vastes portiques et les statues colossales. Que de conquérans avant
lui avoient passé sur ce sol classique avec des dispositions bien différentes ! Excités
par la haine et par la vengeance, ils navoient songé qu’à porter le ravage et la
destruction dans tous ces monumens que Desaix eût voulu fendre à leur premier
état et à leur antique splendeur !
Nous venons de jeter un coup-d oeil rapide sur les belles ruines qui sont du côté
de la Libye; traversons maintenant le Nil, et parcourons la rivë droite de ce
fleuve, où des merveilles non moins étonnantes nous attendent encore. Dirigeons
d’abord notre course vers Louqsor. Quoi de plus riche et de plus varié que la
scene qui se présente a nos regards! Des îles toutes brillantes de végétation et
(i) Trots cent cinquante à quatre cents toises.
de verdure ; un beau fleuve roulant avec rapiditéses eaux fécondantes, animé par le
mouvement de barques à grandes voiles triangulaires, qui transportent dans toute
l’Égypte les produits de cette fertile contrée; des fellah plongés dans le Nil, et
traînant à la nage des filets remplis "de pastèques; le ton jaune et tranquille des
premiers plans,sur lesquels s’élève une noble architecture; de larges ombres portées
par des masses colossales; des constructions Arabes, qui se lient d’une manière
si pittoresque avec les plus magnifiques ruines; plus loin, une plaine couverte
de palmiers et de verdure, et à l’horizon, la chaîne Arabique, telle est la foible
esquisse de l’un des plus beaux spectacles dont l’homme puisse jouir.
Pour arriver à l’entrée principale du palais de Louqsor, il faut pénétrer dans le
village à travers des rues étroites et remplies de décombres. Ce que l’on voit donne
l’idée de la plus affreuse misère et rappelle le souvenir de la plus grande opulence.
En effet, à côté de chétives cahutes se montrent tout-à-la-fois deux superbes
obélisques d’un seul morceau de granit de vingt-quatre à vingt-cinq mètres ( i)
d’élévation ; derrière ces obélisques, deux statues colossales assises, de onze mètres (2)
de proportion ; puis un pylône de seize mètres (3) de hauteur. Toutes ces masses
colossales sont inégales entre elles et irrégulièrement disposées : mais on ne s’en
aperçoit point d’abord ; on est trop préoccupé de cette ordonnance architecturale
tout-à-fait grandiose. Il n’est aucun de ces monumens qui, s’il étoit isolé, ne
commandât l’admiration, et ils semblent réunis ici pour produire sur le spectateur
l’impression la plus profonde. Les obélisques offrent à l’oeil étonné des hiéroglyphes
sculptés avec autant de finesse et de soin que la plus belle pierre gravée. On
remarque dans les statues la sévérité et la tranquillité de leur pose. Le pylône est
couvert de sculptures représentant des combats sur des chars, des passages de
fleuves et des prises de forteresses.
L ’intérieur du monument de Louqsor entretient dans i’ame du spectateur le
sentiment d’une admiration toujours croissante. En effet, cet intérieur offre à la
vue plus de deux cents colonnes de différentes proportions, dont la majeure partie
subsiste encore en entier; les diamètres des plus grosses ont jusqu’à trois mètres et
un tiers (4). Tous ces édifices sont environnés de décombres qui s’élèvent de beaucoup
au-dessus du niveau général de la plaine.
Au sud-est de Louqsor, à peu près à une demi-heure de marche et à la hauteur
d’el-Bayâdyeh, on voit une grande enceinte qui a beaucoup d’analogie avec le cirque
que nous avons observé près de Medynet-abou.
En sortant du village de Louqsor par la rue qui est en face de l’entrée principale
du palais, on arrive bientôt à l’extrémité de la butte factice sur laquelle s’élève tout
ce quartier de Thèbes ; et si l’on se dirige vers le nord, on se trouve au milieu
d’un chemin bien frayé, où, de part et d’autre, existent, à des intervalles assez
rapprochés, des débris de piédestaux et des restes de sphinx. Plus on approche de
Karnak, plus ces fragmens se multiplient ; et à Karnak même, on trouve des sphinx
entiers à corps de lion et à tête de femme. Ainsi, depuis Louqsor jusqu’à Karnak,
(1) Soixante-douze à soixante-quinze pieds. (3) Cinquante pieds.
(2) Trente-quatre pieds. (4) Dix pieds.