
de Thèbes, par la contradiction apparente des faits qu’ils avancent. Nous allons
tâcher de répandre quelque lumière sur cette question.
Diodore de Sicile ( i) donne à la ville de Thèbes un circuit de cent quarante
stades. Nous avons eu déjà beaucoup d’occasions (a) de faire remarquer que ses
récits sont tirés des annales des prêtres de l’Égypte, ou des écrits de voyageurs
plus anciens que lui, qui paroissent avoir puisé à la même source. Ainsi il n’y a
point de doute qu’il ne fasse mention de stades Égyptiens qui doivent être évalués
à cent mètres, d’après les raisons que nous en avons apportées. 11 résulte
de là que le circuit donné par Diodore à la ville de Thèbes seroit de quatorze
mille mètres (3). Cette mesure convient très-bien au contour d’une ligne qui enve-
lopperoit Karnak, Louqsor, Medynet-abou, le Memnonmm, le tombeau d’Osy-
mandyas, ou palais de Memnon, et Qournah, sans y comprendre Med-a’moud et
l'hippodrome de Medynet-abou, qui n’étoient probablement que des dépendances
de la ville. Mesuré effectivement sur le plan général de Thèbes (4 ), ce contour est
plus grand que quatorze et moindre que quinze mille mètres, en y comprenant la
largeur du fleuve : mais on sent bien qu’après tous les ravages dont Thèbes à été
le théâtre depuis tant de siècles, il est difficile maintenant d’en retrouver les
limites; et, dans letat actuel des choses, le résultat auquel nous parvenons,
approche trop près de la vérité, pour que nous ne le considérions pas comme
entièrement exact.
Strabon (y) rapporte que, de son temps, on retrouvoit des vestiges de la grandeur
de Thèbes dans une étendue en longueur [tî /«•«««] d’environ quatre-vingts stades.
On sait que le stade dont Strabon fait le plus fréquemment usage, est celui qui est
contenu deux cent cinquante-deux mille fois dans la circonférence de la terre, et
qui, d’après les dernières évaluations faites en France, est de cent cinquante-huit
mètres soixante-treize centièmes (6). Les quatre-vingts stades forment donc une longueur
de douze mille six cent quatre-vingt-dix-huit mètres (7). C’est en effet la,
à peu près, l’étendue qu’occupent, le long des bords du fleuve, toutes les ruines
que l’on peut considérer comme appartenant à Thèbes, depuis Med-a moud jusqu’au
petit temple situé au sud de l’hippodrome de Medynet-abou (8) ; car, bien
que ces deux points extrêmes ne soient pas compris dans l’enceinte proprement dite,
cependant il est hors de doute qu’ils étoient des dépendances de la ville.
Étienne de Byzance (9) rapporte, d’après Caton, qu’avant que la ville de Dios-
polis, appelée Hécatompyle, eût été ruinée par lesPerses, elle avoit quatre cents stades
de longueur [n> /ƻs].
(1) V o y e z la citation n.° v , p a g . 4 4 1 .
(2) Voye^ principalement la description du tombçau
d’Osymandyas, s e c t . I l J d e c e c h a p i t r e .
' (3) Sept mille cent quatre-vingt-trois toises: un peu plus
de trois lieues et demie de deux mille toises.
(4) Voyez là p la n c h e 1 , A . v o l . I I .
(5) Yoytf, ïa citation n.° VI, p a g . 4 4 / .
(6) Quatre-vingt-une toises deux pieds sept pouces
huit lignes.
(7) Six mille cinq cent quinze toises: trois lieues et un
cinquième à peu prés.
(8) Voyez pl. 1 , A . vol. I I . Il est difficile de vérifier cette
mesure avec une exactitude mathématique, l’auteur ne
fixant pas avec précision les points entre lesquels la distance
est comptée. Strabon, en indiquant quatre-vingts
stades environ, ne paroît point avoir voulu donner une
mesure rigoureuse. D ’ailleurs, comme nous l’avons déjà
fait observer, l’ incertitude actuelle des limites de Thèbes
s'opposerait toujours à une vérification d’une exactitude
parfaite.
(9) Voyez la citation n.° v u , à la fin de cette Dissertation
, p a g . 4 4 / .
Eustathe, dans ses Commentaires sur Denys le Périégète (r), dit que la ville
occupoit un espace de quatre cent vingt stades, sans déterminer si cette étendue
doit être considérée comme une longueur ou un contour.
D’Anville (2), pour concilier à-la-fois ces quatre autorités, qui semblent si peu
d’accord, propose de substituer, dans Diodore, au mot celui de unw
et au mot dans la citation de Caton, celui de.-meiGototi. Par ces transpositions,
qui, suivant le géographe Français, seroient nécessaires pour rétablir les textes
altérés, les cent quarante stades de Diodore, considérés comme le diamètre d’une
circonférence, étant triplés, donneroient un circuit de quatre cent vingt stades,
qui coïnciderait exactement avec la mesure d’Eustathe, et qui ne différeroit que dé
vingt stades de celle de Caton. Cette explication est ingénieuse, sans doute; mais
elle n’est guère probable. Comment supposer, en effet, qu’une altération de texte;
de la nature de celle qu’il faut admettre, ait pu avoir lieu dans trois écrivains
différens! Quant à nous, nous conviendrons de la difficulté de concilier ces quatre
autorités : mais il nous suffit d’avoir montré que les témoignages de Diodore de
Sicile et de Strabon n’impliquent point contradiction, et que même ils sont vérifiés
par les restes encore subsistans de la splendeur de Thèbes ; car il s’agit ici des
deux plus anciens écrivains qui parlent de l’ancienne capitale de l’Égypte, qu’ils
avoient vue, ou dont ils font mention d’après des voyageurs et des historiens qui
l’avoient aussi visitée. Ceux-là seuls peuvent donner des notions exactes sur les
lieux dont il nous importe de reconnoître letat dans la plus haute antiquité. Nous
ne voyons pas comment on pourroit faire accorder Caton et Eustathe avec
Strabon et Diodore, en admettant même une évaluation différente pour les stades
qu’ils emploient; car le plus petit de tous ceux dont on ait fait usage dans l’antiquité,
est le stade Égyptien de cent mètres. Évalués d’après ce module, les quatre
cents stades de Caton et les quatre cent vingt stades d’Eustathe donneroient quarante
à quarante-deux mille mètres [près de onze lieues de deux mille toisesl; ce
qui excède de beaucoup le contour effectif des ruines de Thèbes, et passe tomes
les bornes de la vraisemblance. C’est cependant là l’opinion à laquelle s’est arrêté
d Anville, et qui a été vivement combattue par M. de Pauw (3).
Nous manquerions le but que nous nous sommes proposé, de bien faire con-
noître 1 étendue de la ville de Thèbes, si nous négligions de la comparer, non-
seulement aux capitales qui lui ont succédé en Égypte, mais encore à quelques-
unes des villes de 1 Europe les plus renommées par leur étendue.
Memphis avoit, au rapport de Diodore (4), un contour de cent cinquante stades;
ce qui fait quinze mille mètres. Il n’est plus possible maintenant de vérifier cette
mesure; car cette ville est, de toutes les capitales de l’Égypte, celle qui a Je plus
éprouvé les ravages des hommes et du temps. Les débris de ses temples, de ses
palais et de tous ses édifices publics, ont servi aux embellissemens d’Alexandrie et
‘ A ) rcye^la citation n.» v n r , à la fin de cette Dis- (3) Recherches philosophiques sur les Égyptiens et les
sertation, pag. Chinois, tom. I I , p a g . ; ; a suiv.
(2) I V t les Mémoires sur'l’Égypte ancienne et nto- (4) Vo,K la citation n.» i x , à l a fin de cette Disser-
aeme, pag. 201. . . j lW Ü P jfg