•et de leurs boucliers, à les distinguer des Égyptiens. Ces derniers, partie à pied,
partie montés sur des chars, sont conduits par leur roi et divisés en corps d’armée,
à la tête desquels on voit des héros de stature colossale. Ils renversent tout ce
qu’ils rencontrent sur leur passage; ils foulent aux pieds les morts et les blessés.
Trois ou quatre carquois renferment les traits qu’ils lancent de tous côtés. Des
ennemis qui en sont atteints, sont étendus sur leurs chars et emportés par leurs
chevaux blessés eux-mêmes et furieux. Beaucoup d’entre eux veulent repasser le
fleuve et s’y noient. Sur l’une et l’autre rive, par-tout où s’étend la mêlée, on voit
des guerriers se précipiter dans le fleuve, ou y être culbutés par les ennemis. -Les
uns, en nageant, çherchent à se sauver; les autres, morts, sont emportés par le
courant. Les vainqueurs se jettent à la.nage et poursuivent les vaincus. Quelques-
uns des assiégés s’efforcent de parler aux assiégeans; du moins on le croiroit en
voyant à la bouche de l’un d’eux des hiéroglyphes, qui sont les seuls qu’on ait
figurés dans toute cette mêlée. Les assiégés se tiennent en file en avant du fort,
comme pour soutenir le choc : ils sont armés de piques, et le premier a un poignard.
On voit aussi une multitude sans armes, qui semble venue là pour être
témoin de l’action. Quelques-uns renoncent au spectacle et fuient à toutes jambes.
A gauche du spectateur et vers l’extrémité de la muraille, dans un groupe d’Égyp-
tiens, sont des cavaliers renversés de dessus leurs chevaux qui se cabrent,. Les harnois
de ces chevaux ne paroissent pas avoir beaucoup de rapport avec ceux dont les
Arabes et les Égyptiens font usage aujourd’hui. Dans la mêlée, on distingue une
grande quantité .de boucliers en forme de disques échancrés sur les côtés ; ce
sont, comme nous l’avons déjà fait remarquer, ceux des guerriers ennemis des
Égyptiens.
Plus bas que le fleuve, et sur toute la largeur du mur, est une armée d’hommes
à pied avec des boucliers en forme de disques échancrés ; elle est soutenue par
des chars qui s’avancent sur deux de front et paroissent en protéger les flancs.
Le combat que nous venons de décrire, est un des plus distincts et des plus
curieux que nous ayons vus sur les monumens de Thèbes : les détails sont nombreux,
sans être trop surchargés; l’action principale peut être facilement saisie; et
l’on reconnoit, au premier coup-d’oeil, que les assiégés, pour éloigner l’ennemi
de leur forteresse, ont lancé, à travers son armée, des chars qu’ils font soutenir
par des troupes à pied.
On ne citera point comme des modèles d’exécution ces bas-reliefs, où toutes
les règles de la perspectivé et du dessin sont continuellement violées ; mais leur
composition est naïve et pleine de chaleur et d’expression. L ’action générale est
bien exprimée, et tous les épisodes particuliers excitent vivement la curiosité du
spectateur. Les Égyptiens sont les seuls qui aient confié à la sculpture d’aussi
grands sujets relatifs à l’histoire. Peut-être un jour nos artistes, en cherchant à
les imiter et en faisant à leurs procédés d’heureuses modifications, trouveront-ils
le moyen de représenter de grandes compositions historiques sur les parois des
murs de nos monumens,.que l’on voit toujours lisses ou revêtues d’omemens
qui ne rappellent rien à l’esprit. La sculpture pourroit alors rivaliser, pour ainsi
r
dire, avec la peinture, et obtiendroit incontestablement sur elle l’avantage de
transmettre à la postérité les faits de l’histoire sur le marbre et sur la pierre, qui,
bien plus que la toile et les couleurs, résistent atix injures du temps.
Nous ne quitterons point ce sujet sans faire remarquer l’élégance de la construction
des chars Égyptiens, et combien ils l’emportent sur les chars si vantés des
peuples de la Grèce, que l’on imite encore aujourd’hui dans nos fêtes et nos jeux
publics. La planche 3 2 ( 1 ) en offre de quatre espèces. Ils présentent, dans leurs
décorations, des différences qui devoient sans doute caractériser les personnages
plus ou moins distingués auxquels ils étoient destinés. Les plus simples n’offrent
qu’une caisse d’une coupe élégante, aux côtés de laquelle sont suspendus des carquois.
Les plus beaux chars, ceux qui appartenoient probablement aux chefs des
guerriers, aux rois, ont leur caisse entourée de ces mêmes carquois, mais en plus
grand nombre et plus ornés : on y voit aussi des lions qui sont dans l’action de
s’élancer sur leur proie, et qui, sans doute, doivent être considérés ici comme des
emblèmes de la force et du. courage des héros. La légèreté de la construction de
ces caisses (2) nous porte à croire qu’elles étoient en métal. Elles sont arrondies,
et présentent à peu près la même coupe que quelques-unes des voitures dont
nous nous servons actuellement; à cette différence près, que le devant se termine
verticalement, et que la caisse est ouverte par derrière. Quelquefois le milieu de la
caisse, mais le plus souvent son extrémité postérieure, reposent immédiatement
sur l’essieu, qui est de métal. Les extrémités de l’essieu sont percées de trous destinés
à recevoir des chevillettes dont l’objet est d’empêcher l’écartement des roues.
Celles-ci ont ordinairement de quatre à six rais, dont la petite épaisseur est encore
pour nous une raison de croire qu’ils étoient de métal, ainsi que les jantes.
Les roues devoient avoir une certaine largeur que le défaut de perspective empêche
de voir dans la sculpture, et qui étoit nécessaire pour éviter qu’elles n’en-
•fonçassent trop dans le terrain sur lequel elles devoient rouler. A l’extrémité du
timon du char, on voit le joug (3) terminé par des espèces d’anneaux qui ser-
voient à l’attacher aux harnois. La planche 3 2 présente un petit chariot couvert (/f).
qui, semblable aux fourgons dont on se sert dans nos armées, étoit probablement
destiné à recevoir des munitions de bouche. Une traverse qui se trouve près du
timon, et la forme de l’extrémité du timon lui-même, semblent indiquer que ces
sortes de voitures étoient tirées à bras d’hommes.
Le mur de fond du péristyle est en partie ruiné. La portion la mieux conservée
est celle qui se voit à gauche (5). On y remarque encore beaucoup de sculptures,
parmi lesquelles on distingue une figure coiffée d’un bonnet symbolique, et accroupie
sur les talons ; elle est posée sur une espèce de vase, en présence de trois personnages
assis, dont la barbe réunie en une seule tresse est un peu recourbée en avant.
Elle semble recevoir de la première un bâton que l’on voit toujours à la main des
personnages à tête d’ibis, représentant le Thot ou le Mercure des Égyptiens. A la
( 1) Voyez cette planche,./!, vol. I I ,fig , r , 2 , 3 , 4 et y. (4) Voyez la planche 3 2 , A . vol. I I , fig. 2.
(2) Voycz- fo p l.3 2 , A . vol. I I , fig. 1 , 2 , 3 , 4. et y. (5) Voyez la planche 2 7 , A . vol. I I t et l'explication
(3) Voyez la planche 3 2 , A . vol. I I , fig. 1. de cette planche.
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