
cependant quelques-uns des hiéroglyphes qui-devoient la décorer : on les voit
dans la partie qui est au-delà du temple, où iis sont disposés sur deux rangées
horizontales.
Les deux galeries n’étant pas plus achevées que le pylône, on doit présumer que
tout cet ensemble d’édifices a été entrepris à la même époque, mais postérieurement
à la construction du reste du palais. C’est un propylée tout entier qui lui a été ajquté.
Nous avons déjà remarqué plus d’une fois , et nous aurons occasion de l’observer
encore, que le système suivi dans l’ajustement des plans Égyptiens consistoit, pour
ainsi dire, à engager les uns dans les autres les propylées, les péristyles, les salles
hypostyles, les sanctuaires et les appartemens particuliers, dont les formes et la distribution,
en quelque sorte consacrées, avoient été réglées d’après des convenances
générales, subordonnées aux usages, aux moeurs et au climat. On augmentoit ou
l’on dimmuoit le npmbre de ces constructions, selon l’importance que l’on se pro-
posoit de donner au monument tout entier. C’est ce que Strabon a très-bien indiqué,
et sur quoi nous insisterons bientôt avec plus de détail (i).
Au milieu de la cour, on trouve les restes d’une avenue formée de deux files
de six colonnes de dimensions colossales, dont il ne subsiste plus que l’avant-
dernière dans la rangée du sud; toutes les autres sont renversées : mais, dans leur
chute, l’ordre des assises n’a point été dérangé; il sembleroit qu’elles ont été sapées
dans leurs fondemens. Cependant, si la destruction de quelques-unes peut être attribuée
à l’effort des hommes, il paroît certain aussi que la cause de la chute de quelques
autres est due à des circonstances locales. On remarque en effet qu’à la base il
s’est formé des cristallisations salines qui ont détruit et rongé les pierres à tel point,
que les colonnes, n’étant plus soutenues, ont dû céder aux efforts de la pesanteur.
Ces cristallisations sont favorisées par l’humidité provenant de l’infiltration des
eaux à travers les décombres : car le sol du palais, qui a certainement été élevé
au-dessus de l’inondation, lui est maintenant bien inférieur, puisqu’il est même
au-dessous du niveau général de la plaine environnante; d’où il résulte que les
eaux se répandroientdans le palais, si les montagnes de décombres qui l’entourent,
ne le défendoient de leur approche. On conçoit sans peine qu’une telle disposition
est très-propre à favoriser les infiltrations ; et c’est certainement là une des
causes qui influeront déplus en plus sur la destruction du palais, dans un pays où
d’ailleurs le climat tend si puissamment à conserver les monumens.
Le diamètre des colonnes est de deux mètres quatre-vingt-douze centièmes (2) ;
leur espacement, de l’ouest à l’est, est un peu moindre : mais la largeur de l’avenue
qu’elles forment surpasse treize mètres soixante-quatre centièmes (3). La colonne
qui reste encore debout, donne une idée complète de celles qui n’existent plus, ou
qui gisent au loin renversées : elle a vingt-un mètres (4) de hauteur totale, en y
comprenant la base, le chapiteau et le dé ; elle est formée d’un très-grand nombre d’assises
ou tambours, qui ont à peu près six cent vingt-trois millimètres (5) d’épaisseur.
(1) Voyr^ ci-après la troisième partie de cette sectionj (3) Quarante-deux pieds.
pog. z8y. (4) Soixante-deux à soixante-trois pieds.
(2) Neuf pieds. (5) Un pied dix à onze pouces.
Le fût de la colonne contient vingt-trois assises, le chapiteau cinq, et le dé trois.
La construction du chapiteau mérite d’être remarquée : sa dernière assise, qui,
d’après le galbe de ce membre d’architecture, en embrasse presque toute la saillie,
est composée de vingt-six pierres, dont les joints verticaux tendent au centre de
la colonne ; le dé posé sur leurs parties supérieures les retient dans la position
qu’elles doivent conserver. Ce fait, que nous n’avons observé nulle autre part,
doit d’autant plus étonner, que les Égyptiens ne nous ont point accoutumés a
voir dans leurs constructions l’emploi de menus matériaux : c est une négligence
échappée à leur goût, qui les portoit toujours à assurer l’indestructibilité de leurs
monumens par la grandeur des masses. ^
Les monceaux de décombres accumulés à une grande haufeur autour des constructions
voisines ne s’étendent pas jusqu’à la colonne, qui est presque entièrement
dégagée, et dont on voit même la base en partie : on a donc pu en recueillir
avec facilité toutes les sculptures. Elle est décorée par anneaux composés
de croix à anse, et de bâtons auguraux à tête de lévrier diversement combinés
avec d’autres figures. Ces ornemens sont séparés par des bandes circulaires de
grands hiéroglyphes. A peu près au tiers de la colonne, on a sculpté des tableaux
accompagnés d’hiéroglyphes, et représentant des offrandes a des divinités Égyptiennes.
L ’apophyge de la colonne est décorée de ces triangles placés les uns dans
les autres, qui sont, comme nous l’avons déjà fait remarquer, une imitation de la
partie inférieure des plantes. Le haut du fût est orné de cinq liens horizontaux
destinés à retenir le bouquet de fleurs et de boutons de lotus qui compose la décoration
du chapiteau, dont la forme est celle d’une fleur de lotus épanouie : c’est une
campane dont la plus grande largeur est de cinq mètres (i); ce qui lui donne un
contour de .plus de quinze mètres (2). Le dé qui est placé au-dessus du chapiteau,
est décoré d’hiéroglyphes sur toutes ses faces. La colonne ainsi isolée rappelle bien
plus sensiblement encore que dans l’intérieur des monumens, la tige du lotus dont
elle est une imitation parfaite, e.t elle offre une nouvelle preuve, ajoutée a tant
d’autres, que l'architecture Égyptienne est indigène. Tous les faits que nous avons
déjà observés, et tous ceux sur lesquels nous aurons encore occasion d arrêter 1 attention
des lecteurs, tendent à prouver que les différentes parties dont cette architecture
se compose, sont une imitation des arbres et des plantes qui croissent sur les bords
du Nil. Ce sont des circonstances sur lesquelles nous insistons à dessein, pour détruire
l’opipion de ceux qui seroient portés à croire que les Égyptiens ont imité
l’architecture de quelques autres peuples (3).
11 est assez probable que les deux files de colonnes qui existoient autrefois, nont
jamais dû être destinées qu’à former une avenue. On ne voit pas trop, en effet,
comment elles pourraient se lier au système des constructions qui les précèdent et
qui les suivent. Il n’est guère possible de supposer non plus que cette avenue ait jamais
été couverte. En effet, il n’auroit pas fallu moins que des pierres de seize mètres et
demi de long et d’une épaisseur proportionnée; et quelque gigantesques que soient
(,) Quinze pieds. (3) Cette thèse sera développée avec le plus grand
(2) Quarante-cinq pieds. détail dans notre Mémoire général sur-l'architecture.