Comme on ne retrouve plus que des débris qui, par leur dureté, étoient le pins
capables de résister à «la 'destruction, il est à croire que les édifices qui ne subsistent
plus, étoient construits, pour la plupart, en pierre calcaire. Il faut bien que l’emploi
de cette espèce .de pierre ait été très-fréquent à Thèbes ; car, autrement, où
auraient passé les immenses matériaux tirés des hypogées, dont on ne voit plus
de vestiges autour de ces étonnantes et nombreuses excavations!" Une remarque
que nous avons faite sur les lieux, c’est que les constructions encore existantes sur
l’emplacement des villes anciennes ne sont point en rapport avec les carrières
exploitées, et cela est plus particulièrement vrai des carrières de pierre calcaire :
ainsi nous sommes forcés de reconnoître qu’il a existé beaucoup de monumens
en pierre calcaire, dont il ne subsiste plus de traces. Mais ici nous retrouvons, sur
les lieux mêmes, de quoi justifier nos conjectures. En effet, à quelque distance du
vaste emplacement que nous avons indiqué, et au milieu d’ùne enceinte en briques
crues, on trouve les matériaux d’un édifice (i) qui a été incontestablement construit
en pierre calcaire. On les a exploités pour en faire dé la chaux; ce qui n’est pas
douteux, puisque l’on voit encore les débris des fours qui ont servi à calciner la
pierre. Il a été facile de constater la cause de la destruction de cet édifice, parce
quêtant élevé sur le rocher qui forme le pied de la chaîne Libyque, il est à l’abri
des inondations et des dépôts du fleuve. Mais le grand édifice dont fexistence
nous est en quelque sorte démontrée, étoit au contraire bâti au milieu de la plaine,
où rien ne pouvoitle garantir des dépôts du fleuve, dont le minimum est, comme nous
l’avons dit, de deux mètres quatrè-vingt-neuf centièmes, depuis l’érection des colosses
de la plaine : on peut même admettre que la hauteur de ces dépôts est de quatre à
cinq mètres ; car il n’est point probable qu’à cette époque on se^oit contenté de tenir
la partie inférieure des piédestaux au niveau seulement des eaux de l’inondation. Les
Egyptiens observoient trop bien,comme nous etriavons apporté des preuves, ce
qui avoit rapport au Nil et à toutes les circonstances de l’épanchement de ses eaux
sur le sol de l’Egypte, pour ignorer que ces monumens n’auroient point tardé à
être inondés : ils n’ont pas dû, en conséquence, les élever de moins d’un mètre
et demi à deux mètres au-dessus des plus hautes eaux. Que de vestiges et de débris
de constructions peuvent être cachés maintenant dans une hauteur de cinq mènes
de limon ! Ceux des matériaux calcaires qui étoient employés dans le grand édifice
dont nous avons parlé, et ce qui est resté de leur exploitation pour les transformer
en chaux, tout est actuellement enseveli sous les dépôts du fleuve. Si
les fragmens de statues qui existent en si grand nombre sont encore apparens, c’est
que les colosses auront été renversés plus tard de dessus leurs, piédestaux : mais,
dans quelques siècles, ils seront entièrement dérobés aux yeux des voyageurs qui
nous suivront dans la recherche des monumens de l’antique Égypte.
(i) Voye^. ie plan topographique, planche ig , A . vol. II .
§. IV .
Identité du Colosse du nord et de la Statue de Memnon, ainsi que de
l ’É difice dont l ’existence vient d ’être constatée, et du P a la is ou Temple
dans lequel les anciens Auteurs rapportent qu étoit renfermé le Colosse
de Memnon.
N o s conjectures sur le grand édifice dont nous sommes conduits a admettre
l’existence, se changeront en certitude, si nous démontrons maintenant que les
témoignages de 1 antiquité les autorisent. Les passages des anciens auteurs, dont
nous allons faire le rapprochement pour établir l’identité du colosse du nOrd
et de la statue de Memnon, ont aussi rapport à l’édifice dont nous avons parlé
dans le précédent paragraphe : nous ne pouvons donc mieux faire que de traiter
ces deux objets à-la-fois.
Les nombreuses inscriptions Grecques et Latines ( i) qui sont gravées sur le
piédestal et sur les jambes du colosse' du nord, presque toutes en l’honneur de
Memnon, autorisent suffisamment à croire que cette statue est bien celle de
Memnon, celle au moins qui a été désignée par cette dénomination sous le
gouvernement des Romains eh Égypte. Les témoignages de Strabon et de Pau-
sanias (z), auteurs très-recommandablès, viennent encore à l’appui de cette
opinion ; et d’ailleurs, il serdit vraiment absurde d’admettre qu’une autre statue
eût rendu des sons , et que le fait eût été constaté sur le colosse du nord. S i, à
cet égarcl, il s’est'élevé des doutes parmi les modernes ; si, dans les différentes
dissertations (3) qui ont été écrites sur la statue de Memnon, on s est laissé aller
à reconnoître la représentation de ce personnage dans une autre statue colossale
que nous avons décrite au tombeau dOsymandyas (4) ; si enfin Ion a , sur
des raisons assez foibles, telles que de simples étymologies de noms, confondu
les personnages de Memnon et d Osymandyas, ainsi que leurs statues, il fauj, en
attribuer la cause au peu d’exactitude des voyageurs modernes, à leurs conjectures ;
mal fondées, et au silence absolu de la plupart d’entre eux sur les objets qui pouvoieiit
éclairer la question.
Le P. Sicard est le seul qui ait indiqué d’une manière‘ bien précise l’existence
de trois statues colossales, mais sans avoir su les distinguer et sansies avoir
désignées convenablement. «Il y a , dit-il (y), a Thèbes, des choses que Ion peut
» dire être uniques dans le monde ; savoir, les sépulcres des rois de Thèbes et trois
» statues colossales. Les deux premières, dont a tant parlé Strabon, sont remplies
» d’une vingtaine d’inscriptions, soit Grecques, soit Latines. La troisième est la
» statue du roi Memnon, qui, selon la tradition des anciens, rendoit un son
» au lever du soleil. «
( !) Voyct le recueil de toutes ces inscriptions, à la glès, insérée dans l’édition des'Voyages de Norden,
fin de .cette section, pag. 106 et stiiv. tom. I I , pag. ifp .
(2) >“ témoignages de ces auteurs, cités ci- (45 la descr.pt,on du tombeau dOsymandyas,