souvent égrener par le frottement de l’ongle ; cette dureté du moins est très-
uniforme dans chaque hloc. 11 en est de même de la résistance à la rupture; elle
est foiblc, mais par-tout égale. Ces pierres ne renferment ni cavités ni soufflures; et
la continuité des masses est rarement interrompue par ces accidens que l’on nomme
pailles ou par des fissures internes : avantages précieux pour l’architecture Égyptienne,
où les voûtes étoient inconnues, et où les pierres qui forment les plafonds
et les architraves, ont souvent sept à huit mètres de longueur (i). Il faut avouer
aussi que, sous ce rapport, les Égyptiens ont apporté beaucoup d’attention et
de recherches dans le choix des couches qu’ils ont exploitées.
Depuis Esné jusque vers Edfoû , le grès est généralement plus tendre que dans
la partie moyenne et dans la partie méridionale. Les couches supérieures sont ordinairement
les plus friables : aussi elles ont été arrachées sans soin, et il est visible
quen (es enlevant on n’a eu d’autre objet que de dégager les couches inférieures,
dont la pierre plus solide étoit plus propre aux usages de l’architecture. Les premières
ont été brisées uniquement à l’aide de coins ; car aucun de leurs débris,
non plus que leur section dans la partie supérieure de la montagne, ne portent les
traces d’outil qui recouvrent, au contraire, la partie inférieure des escarpemens.
Aucun vestige de constructions anciennes n’a pu faire soupçonner que les maisons
particulières fussent construites en pierre ; les ruines des anciennes villes
n offrent par-tout que des débris de poteries, des fragmens de briques crues, et des
amas de poussière ; d’où il faut conclure que les matériaux tirés des carrières de
Selseleh ainsi que des autres carrières de grès des environs ont été employés en
totalité à des édifices publics. On est loin de connoître toutes les carrières de la
Thébaïde ; cependant les aperçus sur la quantité des exploitations portent à croire
quil a existé jadis un nombre de monumens bien supérieur à celui dont on retrouve
aujourd’hui les ruines.
Il nest pas difficile de deviner comment ont disparu les monumens construits
en pierre calcaire, puisque par-tout on voit des fours à chaux sur leurs ruines, et
que depuis nombre de siècles ces monumens sont exploités comme autant de
carrières : mais le grès n’a pu être employé aux mêmes usages ; les habitans actuels
de l’Egypte n’en tirent aucun parti ; ils ne dégradent point les édifices qui en sont
formés; et quand on songe, outre cela, que les mêmes blocs ont été employés
successivement dans divers monumens, on a lieu de s’étonner que la quantité
des matériaux extraits des carrières l’emporte autant sur la quantité de ceux dont
on voit aujourd’hui l’emploi.
Faut-il attribuer cette différence à l’immense antiquité de l’usage de construire
en grès î C ’est-là une de ses causes sans doute : mais je crois qu’il y en a d’autres
encore peu connues aujourd’hui; et de ce nombre je mettrai la coutume où étoient
les Grecs et lesRomains de tirer de l’Éthiopie (c’est-à-dire, de la haute Thébaïde)
le sable qu’employoient les scieurs de pierre, et celui avec lequel les sculpteurs
polissoient leurs ouvrages. Suivant Pline, il en partoit du port d’Alexandrie des
vaisseaux entièrement charges. Ce sable devoit être un détritus de grès. Les temples,
(i) Vingt à vingt-cinq pieds.
les palais de la Thébaïde, construits d’une pierre facile à se désagréger, auront
donc pu etre convertis en sable, comme les monumens de l’Égypte moyenne l’ont
été en chaux. Il y a plusieurs exemples, en effet, de monumens Égyptiens détruits
jusquà rase terre, dont la pierre étoit extrêmement friable.
On a vanté dans les monumens de l’architecture Égyptienne le poli de leurs
surfaces, et on la comparé quelquefois à celui du marbre. Il y a là au moins un
peu de prévention : ces espèces de grès ne sont nullement susceptibles d’un poli'
parfait, et l’examen des monumens ne m’a jamais rien présenté de contraire à ce
que j’avance ici ; bien loin de là, malgré le soin que l’on à mis à dresser et à unir
les surfaces, elles ont conservé presque par-tout un aspect grenu, et sont très-
âpres au toucher.
Les bas-reliefs et les sculptures qui recouvrent toutes les parties des temples,
ont été, avec plus de raison, un sujet de surprise et d’admiration pour tous les
voyageurs, moins pour la perfection du travail que pour son immensité, qui
effectivement passe toute croyance. On a fait valoir comme une difficulté de
plus la nature de la matière : on l’a représentée comme rebelle aux travaux de la
sculpture, ce qui sembleroit assez naturel, à ne considérer que sa nature siliceuse
et son tissu grossier. Cependant la conjecture ne se trouve pas juste ; un peu de
réflexion fera sentir qu ayant une cohérence très-uhiforme dans toutes ses parties,
en même temps peu de dureté, et par-là, au lieu de s’éclater, s’égrenant facilement
sous le tranchant de l’outil, elle offroit, au contraire, des facilités infinies
pour l’exécution prompte et commode dés détails délicats, des hiéroglyphes et des
autres sculptures symboliques. Une fois les figures tracées, l’ouvrier le moins
habile pouvoir enlever rapidement la matière qui les environnoit, les dégrossir
et leur donner le foible relief prescrit par l’usage, sans courir aucun risque de les
endommager. Pour men convaincre, j’ai eu recours à l’expérience; j’ai essayé
d imiter sur ces grès divers hiéroglyphes en grattant seulement la pierre à l'aide
d un fer tranchant, et j ai toujours été surpris de la facilité, de la promptitude avec
laquelle cette matière cède à l’effort de l’outil, se laise entamer en tout sens, et
reçoit les formes qu’on veut lui donner.
Je ne craindrai pas d’assurer que le temps et la dépense employés par les Égyptiens
pour revêtir de sculpture tous les édifices de l’Égypte, auroient suffi à peine
pour en couvrir la cinquième partie, s’ils eussent été construits en marbre comme
ceux de la Grèce.
Ces considérations, sans doute, autant que les facilités de l’exploitation et de
la coupe des pierres, auront décidé les Égyptiens à préférer cette matière à toute
autre, a employer non-seulement dans toute l’étendue où régnent les montagnes
de gres, mais encore pour des monumens distans de plus de cinquante lieues (i).
Ce que je viens d’exposer trouveroit à plusieurs égards sa confirmation dans
1 examen des sculptures comparées avec les duretés diverses des espèces de grès
employées dans les monumens (2).
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