Les.bas-reliefs historiques, loin d’annoncer ia perfection de fart, paroissentau
contraire n’en déceler que l’enfance. Cependant on peut dire, à la louange des
artistes Égyptiens, qu’il est impossible de mettre plus de mouvement qu’ils n’ont
fait dans ces sortes de compositions. On a vraiment peine à concevoir comment
se trouvent réunis dans le même édifice des statues qui supposent l’étude perfectionnée
de la sculpture en ronde-bosse, et des bas-reliefs dont l’exécution n’atteste,
pour ainsi dire, que la barbarie de l’art. Un pareil résultat ne peut s’expliquer que
par la contrainte où étoient retenus les artistes Egyptiens dans l’exécution des bas-
reliefs religieux ; contrainte qui a toujours été telle, que les ressources leur ont
manqué lorsqu’ils ont voulu se livrer à leur imagination et composer avec liberté,
comme il est arrivé dans les batailles que nous avons décrites.
S E CONDE PARTIE.
Identité du Monument qu i vient d ’être décrit, et du Tombeau d ‘Osymandyas.
L e s constructions que nous venons de décrire, ont trop d’analogie avec un
des édifices de Thèbes dbnt Diodore de Sicile nous a transmis la description sous
ia dénomination de tombeau d ’Osymandyas, pour que nous ne nous occupions pas
de comparer ces deux monumens et d’en démontrer l’identité.
Diodore vient de parler des tombeaux des rois et d’en indiquer le nombre. 11
dit ensuite ( i ) : « Ce que j’avance est confirmé non-seulement par le témoignage
» des prêtres de l’Égypte, qui le racontent d’après leurs livres, mais encore par
» beaucoup de Grecs qui ont visité Thèbes sous Ptolémée-Lagus, et qui ont écrit
» l’histoire d’Egypte, du nombre desquels est Hécatée. »
Ce préambule fait assez connoître que les faits que Diodore va rapporter, ne
sont point le résultat de ses propres observations. On peut douter en effet, avec
raison, que cet historien ait parcouru la haute Egypte. Quoi qu’il en soit, ses
écrits portent un caractère d’authenticité d’autant plus grand, qu’ils sont puisés à des
sources plûs anciennes, et dans les ouvrages d’auteurs et de voyageurs qui avoient
vu, à une époque très-éloignée, les monumens dont il parle. Hécatée est antérieur
à Hérodote, qui estlui-même un des plus anciens historiens dont les ouvrages nous
sont parvenus. On peut conjecturer que le premier a visité l’Egypte peu de temps
après la conquête de ce pays par Cambyse. Alors les temples et les palais n’avoient
point subi les altérations et les changemens qu’ils ont éprouvés depuis cette époque.
Ils avoient été, à la vérité, pillés par les Perses; beaucoup de statues avoient été
brisées et renversées : mais tous les élémens de ces édifices subsistoient encore, le
souvenir en étoit récent, et l’on pouvoit, pour ainsi dire, se les représenter dans
leur état primitif D’ailleurs,. si l’on s’en rapporte au jugement de Denys d’Hali-
carnasse sur les historiens du temps d’Hécatée, il paroît que ceux-ci se bornoient,
dans leurs écrits, à publier les mémoires particuliers qui étoient conservés dans les
temples : ils n’y fàisoient aucun changement; Il pourroit donc se faire qu’Hécatée
• ( 0 Voyeçla citation n.° i , pag. 156.
eût seulement traduit dans sa langue une description Égyptienne du tombeau
d’Osymandyas, conservée dans les archives de Thèbes. Ainsi, en admettant,
ce qui, nous l’avouons, est très - hypothétique, que les récits de cet historien
cité par Diodore nous aient été transmis sans altération, nous tiendrions des
Égyptiens eux-mêmes la description d’un de leurs plus magnifiques monumens.
Voici cette description telle que Diodore la donne (i) ;
« Ils [les Grecs dont il vient d’être question] rapportent que le tombeau du roi
» connu sous le nom d'Osymandyas existe à dix stades des premiers tombeaux où
» sont déposés les corps des jeunes vierges consacrées au culte de Jupiter. A l’entrée
» de ce monument, est un pylône bati de pierres de diverses couleurs ; sa longueur
» est de deux plèthres, et sa hauteur de quarante-cinq coudées. En s’avançant, on
» trouve un péristyle carré, construit tout en pierres, dont chaque côté a quatre
» plèthres. Au-devant des colonnes, il y a des figures monolithes de seize coudées
» de haut, sculptées suivant l’ancienne manière. Le plafond est formé de pierres
» monolithes de deux orgyies, qui en embrassent toute la largeur : il est parsemé
» d’étoiles sur un fond bleu. A la suite de ce péristyle, est un nouveau passage, ainsi
» qu’un autre pylône entièrement semblable à celui dont on vient de parler, mais
» orné de toutes sortes de sculptures plus parfaites. Près de l’entrée, on voit
» trois statues taillées dans un seul morceau de pierre de Syène. L ’une d’elles,
» qui représente le roi, est assise ; elle est la plus grande de toutes celles que ren-
» ferme l’Egypte ; la mesure de son pied surpasse sept coudées. Les deux autres
» sont auprès de ses genoux, l’une à droite et l’autre à gauche ; elles représentent
» la fille et la mère du roi, et sont de dimensions beaucoup moindres que la statue
» principale. Cet ouvrage n’est pas seulement recommandable par sa grandeur, mais
» il est encore digne d’admiration sous le rapport de l’art qui s’y fait remarquer, et il
» est précieux par la nature de la pierre, qui, dans une si grande masse, ne laisse
» apercevoir aucune fissure ni aucune tache. On y a gravé cette inscription ;
J E S U I S O S Y M A N D Y A S , R O I D E S R O I S .
S I Q U E L Q U ' U N V E U T S A V O I R Q U E L J E S U I S E T OÙ J E R E P O S E ,
Q U ’ I L D É T R U I S E Q U E L Q U E S - U N S D E M E S O U V R A G E S .
» Près de cette stMue, il en existe une autre qui représente la mère d’Osymandyas;
.» elle est monolithe, et a vingt coudées de hauteur ; elle porte sur sa tête trois cou-
» ronnes, pour montrer qu’elle a été fille, femme et mère de roi. Après le pylône,
» on trouve un péristyle plus admirable que le premier, dans lequel on voit toutes
.» sortes de sculptures en bas-relief, représentant la guerre faite par le roi aux
» révoltés de la Bactriane, contre lesquels il marcha avec quatre cent mille
» hommes d’infanterie et vingt mille chevaux.' Toute cette armée étoit divisée
» en quatre corps, commandés chacun par un des fils du roi.
» Sur le premier mur, on voit le roi faisant le siège d’une forteresse entourée
» des eaux d’un fleuve : il combat quelques troupes ennemigs qui se sont avan-
» cées, ayant à côté de lui un lion terrible qui le défend avec ardeur. Parmi ceux
(1) Voye^ la citation n.w \\>pag. rjâ.
A . D . S a