
idées systématiques: elles n’étoient que spécieuses, avant que l’on connût bien les
monumens de l’Egypte ; aujourd’hui elles seroient insoutenables.
On peut déduire des conséquences plus justes du grand nombre des hypogées.
Quand on fait attention que la plupart sont des conduits resserrés en largeur, on
conclut qu’il étoit impossible d’y faire travailler à-la-fois beaucoup d’ouvriers pour
l’extraction de la pierre ; mêmes difficultés pour les peintres et les sculpteurs. Que
de siècles n’a-t-il donc pas fallu pour exécuter tous ces ouvrages et les amener au
degré de fini qu’on y admire! Tant de catacombes prouvent encore combien a
été nombreuse la population de la capitale, et combien de générations ont vu
Thèbes florissante, avant d’aller remplir ce grand magasin de mortalité. Quant au
nombre total de tous ces hypogées, il nous est impossible de le fixer, même à
peu près, moins encore à cause de leur multiplicité, que parce qu’une partie est
cachée à la vue; en outre, les communications intérieures d’un hypogée à l’autre
ne peuvent être bien connues. Soit que les Égyptiens aient fermé eux-mêmes les
orifices des grottes, soit que les Arabes les aient encombrés, soit enfin que cet
encombrement soit l’ouvrage des sables, il est aisé de voir que les voyageurs ne
pourront jamais compter les hypogées.
La description des monumens souterrains prendra, par ce motif, une couleur
différente de celle des temples et des palais. Accoutumé à un ordre rigoureux dans
la description des édifices, le lecteur ne peut s’attendre à trouver ici la même
suite, la même marche. I f est même impossible de le conduire dans l’intérieur
des catacombes à l’aide des plans, comme on l’a conduit jusqu’ici dans toutes les
distributions d’un temple ; on n’en a point levé les plans, si ce n’est celui d’un
hypogée remarquable par son étendue, et ceux des tombeaux des rois, qui sont
d’une si grande magnificence (1). D ’ailleurs, parmi ces souterrains, les uns sont
d’une extrême simplicité ; les autres sont composés de lignes courbes et rentrantes
à la manière des hélices, et ils ne se prêteroient pas à une projection : on
s’efforcera de suppléer à cette lacune par la clarté du discours, et en remplaçant
par l’ordre des sujets l’ordre qui manque aux lieux qu’on veut décrire (2). Après
avoir parlé du sol et de l’état actuel des hypogées , on fera connoître leur dispor
sition, le système dans lequel on les a décorés, et les objets qu’on y trouve, tels que
les momies d’hommes ou d’animaux, les volumes écrits sur papyrus, et les autres
antiques dignes d’intérêt. On terminera cette description par quelques recherches
et par des remarques tirées du fond du sujet. Le lecteur curieux de rapproche-
mens pourra consulter les descriptions des.temples souterrains de l’Inde à Élora,
Éléphanta et Salsette, des catacombes Étrusques de Tarqumia, de celles de Rome
et de Naples, et même ce qu’on a écrit sur les carrières des environs de Maestricht,
sans oublier les profondes excavations des bords de la Loire, au-delà de Tours;
(1) Voyez, pour le grand hypogée, la planche 3 3 , A . gravure. Les peintures« les bas-reliefs qui décorent les
vol. I I , et pour les tombeaux des rois, les planches7 7 a 92, hypogées, remplissent les/?/. 4 4 , 45, 4 6 et 4 7 , A . vol. I I ;
même volume. les momies humaines et les momies d’animaux sont re-
(2) Voyez la table à la fin de cet écrit. Les trente-trois présentées dans les pl. 4 8 , 49 , 30, 5 1 , y2 , 53, 54 etyy /•
planches relatives à cette description sont divisées dans les antiques et les enveloppes des momies peintes, dans
le même ordre qu’e lle, ou du moins que la seconde-partie, les pl. 3 6 ,5 7 , $8 , 39 et 7 6 ; et les manuscrits sur papyrus,
qui traite de l'art, la seule qui soit du ressort de la dans les seize planches numérotées de 60 à 75. ,
mais
mais nulle part il ne trouvera plus d analogie avec les ouvrages des Égyptiens que
dans les catacombes des. Étrusques, et cela ne doit pas étonner ceux qui ont comparé
les arts des deux peuples. Tous ces grands travaux souterrains peuvent, sous
un rapport, être mis en parallèle avec les hypogées d’Égypte, mais nullement sous
le point de vue de la décoration et de la richesse des peintures.
§. 1 1 1 .
De la nature du Sol où les Hypogées ont été creusés.
L a montagne Libyque, ou chaîne occidentale, est escarpée à Thèbes, tandis
que, dans le reste de la vallée, du moins au nord de cette ville, c’est, au contraire
la chaîne Arabique où le roc est perpendiculaire. Ici la montagne de l’ouest est
composée de grands mamelons de couleur blanchâtre, élevés de cent mètres
environ [trois cents pieds] ( 1 ) : l’espèce de la pierre est calcaire; le grain est
fin, égal, d’une médiocre dureté, et, en plusieurs lieux, il est même fort tendre.
Quand les Thebains ont creusé dans leurs rochers la première carrière, ils ont
du s apercevoir de I uniformité des lits. Ils ne pouvoient trouver une pierre plus
propre a leurs desseins ; et lorsqu’il s’est rencontré quelque inégalité ou quelque
matière dure, ils ont usé d’un procédé industrieux, que je décrirai plus loin (2).
Ainsi la nature de la montagne étoit favorable pour l’excavation, pour le travail
du ciseau, et pour la sculpture des reliefs les plus délicats. Cependant il s’y
trouvoit aussi des pétrifications de coquillages, telles que les bélemnites et les
cornes d’Ammon, qui ont dû apporter de fréquentes difficultés au travail des
sculpteurs.
Comme la cassure ordinaire de cette pierre est anguleuse et de la forme appelée
conchoide par les minéralogistes, il est resté autour des grottes un grand nombre
d’éclats de pierre plus ou moins coupans, provenant de l’exploitation, et ces éclats
rendent le chemin rocailleux et pénible.
On remarque de temps en temps, aux plafonds des hypogées, des stalactites et
des morceaux de sel fibreux contourné comme des anneaux (3), et de couleur
argentine, qui, à mesure qu’il se forme, trouve une issue dans des fissures imperceptibles.
Ce sel augmente de plus en plus de volume par de nouvelles couches
cristallines, et parvient à écarter les lits de la pierre. Il en est résulté que ces
plafonds se sont peu à peu dépolis, et, dans quelques endroits, absolument déformés,
ou même sont tombés-par éclats. On ne doit pas insister ici sur la
présence du sel marin dans les hypogées ; c’est un fait qui tient à la salure générale
du sol de 1 Égypte, et qui, par conséquent, ne doit être expliqué que par une cause
également générale.
La haute température des catacombes de Thèbes est encore une circonstance
intéressante de leur état physique : cette observation a d’autant plus d’importance,
( 0 Voyez la planche $ J , A . vol. I I . (3) Ces morceaux ont plusieurs centimètres de Ion-
(-) Voyez ci-après, p a g .j2 j, et la planche 47 , A vol. I I . gueur [de six à quinze lignes].