derrière lu i, les enregistre sur un rouleau de papyrus qu’il tient d’une main, tandis
que de l’autre il trace des caractères avec un roseau ( i ). Les mains coupées sont
au nombre de trente-huit. Sur la robe de l’écrivain, on voit encadrés, dans une
croix fleurie, des caractères Qobtes, retraçant probablement le nom de quelques-uns
de ces .moines Chrétiens qui ont transformé en couvens et en églises les temples
et les palais de l’ancienne Égypte. On y lit aussi le monogramme du Christ.
Au-dessous de ces prisonniers, il yen avoit une aufte rangée, qui n’a pu être
dessinée, par les raisons que nous en avons données. On a recueilli seulement la
partie la plus curieuse : elle représente des parties génitales et des mains coupées-
probablement aux ennemis morts sur le champ de bataille. C’est la seule fois que
nous ayons trouvé, sur les murs des palais, de ces sortes de mutilations. Il n’est guère
vraisemblable que les anciens Égyptiens les exécutassent sur les ennemis vivans
tombés en leur pouvoir. La scène qui se trouve ici représentée, porte au moins
à le croire, puisque les mains coupées ne sont pas celles des prisonniers que l’on
amène devant le vainqueur. Rien, parmi les sculptures que nous avons vues sur les
monumens, ne porte à attribuer aux anciens Égyptiens un acte d’atrocité et de barbarie
que des auteurs graves (2) paroissent cependant leur avoir imputé. On retrouve
encore aujourd’hui, chez les peuples de l’Orient, les traces de l’antique usage où
1 on étoit de mutiler les corps des ennemis morts au combat, dans l’habitude où sont
les sujets de la Porte Ottomane d’envoyer à Constantinople les têtes des ennemis
tués sur le champ de bataille.
La seconde rangée de prisonniers ne diffère en rien de la première, si ce n’est
pourtant que les captifs, toujours conduits par un Égyptien, au lieu d’y être distribués
trois par trois, ne le sont que deux par deux. Viennent ensuite immédiatement
celui qui enregistre et celui qui compte les mains, dont le nombre est ici
de vingt-cinq. Dans la dernière rangée, les prisonniers sont conduits de nouveau
trois par trois : ils ont les mains et les bras liés dans des positions plus ou moins .
gênantes ; et les mains coupées dont on fait le compte, ne sont qu’au nombre de vingt.
Toutes ces figures sculptées sont revêtues de couleurs vives et brillantes, qui
ont été copiées avec un soin scrupuleux par notre collègue M. Redouté. Les chairs
sont peintes d’une couleur rouge foncée. Les vêtemens des Égyptiens sont d’une
étoffe rayée alternativement de blanc et d’un rouge très-léger : les cordons qui
nouent la jupe au-dessus des reins, sont peints en bleu. On peut remarquer que les
arcs des Égyptiens sont peints en vert : faut-il en conclure qu’ils étoient de cuivre
mêlé probablement à d’autres métaux, pour lui donner de l’élasticité!
Ces prisonniers, ces parties génitales et ces mains coupées, sont autant de trophées
que l’on vient déposer aux pieds du vainqueur. Ce héros est le même que
celui que nous remarquerons dans beaucoup d’autres scènes que nous avons encore
à décrire. Il est assis sur son char et tourné dans un sens opposé à la marche de
ses chevaux ; il tient de la main gauche un arc et les rênes, qu’il semble laisser
(1) On se sert encore actuellement, en Egypte, de de son Histoire. Voye^ aussi ce que nous disons à ce
roseaux pour écrire. sujet, dans la description du tombeau d’Osyniàndyas,
(2) Diodore de Sicile. Voye? la section il du livre l .cr section i l l de ce chapitre.
flotter : toute son attention paroît fixée sur les trophées de ses victoires. Les
chevaux, qui viennent de s’arrêter, sont encore tout haletans; deux soldats,
armés darcs et de carquois, se sont emparés des rênes, près de la bride, et sont
occupes a caresser ces coursiers et à calmer leur fougue impétueuse. D’autres
personnages s’empressent à essuyer leurs jambes. On voit soigner de la même
manière, aujourd’hui, les chevaux des grands d’Égypte, après des cérémonies pompeuses
ou des exercices militaires. A peine ces derniers ont-ils quitté leurs coursiers,
que les nombreux sâys (1) qui les entourent, s’en emparent, les caressent et les
essuient. Les porte-enseignes et les étendards qui sont placés derrière le héros, et
dont il est toujours environné, sont la marque caractéristique de sa puissance. Le
vainqueur est vêtu d’une robe longue et d’une espèce de manteau très-bouffant. Vers
le bas de la robe, on a dessiné bien postérieurement un bouclier sur lequel sont gravés
des caractères Qobtes. On est tenté de croire que c’est le nom d’un guerrier, d’un
homme passionné pour la gloire, qui, électrisé par les hauts faits retracés sur tous
les murs du palais, aura voulu passer à la postérité, avec le héros qui y est par-tout
représenté: mais on est tout étonné, en le lisant, de n’y trouver que le nom d’un de
ces pieux cénobites qui habitèrent les monumens de l’Égypte, dans les temps de la
plus grande ferveur du christianisme. On y lit aussi le monogramme du Christ. La
croix Qobte, que l’on voit au-dessous de cette inscription, est en quelque sorte le
cachet de celui qui a inscrit ici son nom.
Aux couleurs que l’on remarque sur le char, il est facile de juger que les roues,
le timon et les montans principaux de la caisse, sont construits en cuivre. Elle
est solidement établie sur l’essieu; des montans en métal la retiennent même au
timon, et la solidité est encore augmentée par une espèce de traverse qui se termine
en fleurs de lotus. Il est remarquable que l’essieu est placé à l’extrémité du char, et
non pas au milieu. Il est probable que la caisse étoit formée entièrement de feuilles
de métal, qui sont ici peintes en bleu foncé. Le lion élancé qui est en avant de
cette caisse, n’est sans doute pas seulement un simple ornement ; c’est encore un
emblème qui désigne le courage et la force du héros. Aux deux extrémités du
char, sont des carquois remplis de flèches.
Les chevaux sont recouverts, dans toute l’étendue du corps et jusqu’au sommet
de la tête, d une draperie qui les enveloppe de toutes parts, en laissant néanmoins
les jambes dans la plus grande liberté. Cette housse s’attachoit par des courroies
au-dessous du ventre ; elle est bordée d’une broderie qui répondoit à la richesse
del étoffe. Au sommet de la tête des chevaux, s’élèvent de riches panaches : une
large courroie qui passe par-dessus le cou, semble destinée à retenir la housse;
elle se termine par une plaque circulaire, de couleur jaune, dont il n’est point
facile de concevoir l’usage, à moins de supposer qu’elle étoit destinée à cacher les
noeuds de la courroie. Une plaque pareille se voit aussi sur les côtés, où elle est sans
doute destinée à recevoir le noeud du lien qui maintient la housse sur le corps du
cheval. Les rênes passent dans des anneaux fixés sur la draperie, et vont aboutir au
mors. La bride se compose de' courroies attachées par-dessus la tête du cheval. A la
(1) On appelle sâys, en Egypte, les gens particulièrement occupés du soin des chevaux.
A . D . F -
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