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Enfin nous citerons une petite frise occupant le haut de la salle qui est la
deuxième après le second portique. Il est facile de reconnoître combien cette frise
est heureusement ajustée (i) ; encore manque-t-il dans le dessin plusieurs colonnes
d’hiéroglyphes qui rendoient plus égaux les intervalles des figures. C ’est dans la
même salle et sur ie listel de la corniche qui couronne la porte de gauche, que
l’on voit une inscription Grecque du temps de Ptolémée Philométor, gravée avec
beaucoup de soin; elle a été laite au nom des troupes stationnées à Ombos, pour
témoigner leur reconnoissance envers les dieux de l’Egypte (2).
La corniche antérieure du temple renferme le globe ailé qui se voit par-tout;
mais ce globe est répété deux fois, parce que, comme nous l’avons dit, la distribution
de l'édifice est double. Chacun des deux globes correspond à l’une des
deux entrées. Sous le portique, on trouve deux portes correspondantes, ornées de
la même manière, et dont la décoration nous explique la séparation du temple
en deux parties. En effet, si l’on coupe verticalement par le milieu i’ùne de ces
hommages a une tête d'épervier; et dans la partie de gauche, que le dieu a une
tête de crocodile : c’est une règle qui a été suivie dans tout le temple, autant qu’on
en juge parce qui reste debout (4). On a copié complètement une des scènes où
Osiris porte la tête du crocodile (y) ; l'étude de ce bas-relief avec tous ses hiéroglyphes
sera utile aux savans qui font des recherches sur la langue sacrée.
Le globe ailé qui couronne également les scènes où se trouve l’épervier, ‘ et
celles où figure le crocodile, fait voir qu’ils se rapportent l’un et l’autre à la même
divinité, et que tous deux sont l’emblème d’un attribut particulier d’Osiris. L'éper-
vier est, comme on le sait, le symbole du soleil, et le crocodile doit se rapporter
à 1 inondation, dont il étoit le symbole pour les habitans d’Ombos." En
effet, les eaux du Nil n’arrivoient jadis à Ombos que par un canal, ainsi que
nous l’avons déjà dit d’après les auteurs anciens (6) : le fleuve, couloit alors beaucoup
plus à l’ouest. Dès qu’il franchissoit ses bords pour se répandre sur les terres
et pénétrer dans les canaux intérieurs, alors les crocodiles, jusque-là bornés aux
rives du fleuve, pouvoient suivre les eaux dans leur marche, et arriver jusqu’aux
villes méditerranées. C ’est ainsi que le peuple d’Ombos pouvoit regarder le crocodile
comme le signe et la mesure du débordement : c’en est assez pour concevoir
comment on a donné une tête de crocodile au dieu symbole du fleuve.
Qu on nous permette ici d examiner en peu de mots ce que rapportent les
anciens auteurs, sur le culte attribué aux habitans d’Ombos. C ’est une opinion
reçue d après Élien, et sur-tout d après Juvénal, qu’on y rendoit les honneurs divins
au crocodile. Le poète, emporté par sa verve satirique, et sans égard aux lieux et
phiques recueillies dans le temple présentent des re- (4) Voyez p l. 4 4 , fig. y.
marques intéressantes qui seront exposées ailleurs. V<tyr/L (5) Voyez p l. 4 3 , fig. /p.
l’explication des planches d’Ombos; etc. (6) Strab. Giogr. lib. x vn .Æ Iian . dcnal. anim. lib. X,
(t) Voyez p l. 4 4 , fig. y.- c. z i . M. de Pauw a supposé ce fait sans preuve, et la
(2) 'Voye% le Mémoire de M, Jornard sur les inscrlp- position actuelle des ruines sur la rive du fleuve semble-
tions recueillies en Égypte; roit d’abord le démentir ; mais l’examen attentif des
13) Voyez pl. 4 p , fig, 20. localités confirme le témoignage des anciens.
aux
aux temps, a représenté les gens de Tentyra et ceux d’Ombos comme des peuples
voisins qui, à l’occasion de ce culte, se livraient de temps immémorial une
guerre à mort; il a même voulu consacrer à la postérité les détails atroces de
cette prétendue guerre, afin d’inspirer de l’indignation pour un culte aussi
étrange que celui d’un reptile anthropophage.
Inter fin i timos vêtus atque an tiqua s i multas,
Immortale odium, et nunquarn sana bile vulnus,
Ardet a d hue, Ombos et Tentyra (i).
Mais que penser de cette déclamation poétique, lorsque l’on sait que ces deux
villes sont séparées par un intervalle de cinquante lieues! Déjà d’habiles critiques
ont relevé cette erreur grossière ; on l’a même rejetée sur les copistes (2). Quoi qu’il
en soit, il suffit d’avoir un peu étudié la religion Égyptienne dans les auteurs qui
l’ont mieux connue, tels queDiodore de Sicile, Hérodote, Plutarque, Porphyre,
Jàmblique , pour être convaincu que Juvénal s’est livré à l’exagération, et que,
même à le supposer témoin des horreurs qu’il décrit, il ne fkudroit pas du siècle
où il a vécu conclure pour les temps antérieurs où l’Egypte et sa religion étoient
florissantes. Il ne paroît pas que les. écrivains Romains, si l’on excepte Cicéron
et Sénèque, aient eu des idées justes sur l’esprit de cette religion toute emblématique
, et presque toute fondée sur la connoissance des phénomènes naturels.
Une des principales connoissances que les collèges d’Egypte avoient acquises et
perfectionnées, étoit celle des habitudes des animaux du Nil, et en général des
animaux propres à l’Egypte. Us savoient qiie le crocodile, quoiqu’amphibie, ne
s’enfonce jamais beaucoup dans les terres, si ce n’est à l’époque des hautes eaux.
Cette observation, déjà faite par M. de Pauw, me semble expliquer très-bien
pourquoi le crocodile étoit \ emblème de l ’eau potable (3).
Par cette seule connoissance de la signification symbolique du crocodile, on
devoit voir ce qu’il faut entendre du culte des Ombites et de celui des autres
nomes où les mêmes pratiques étoient en usage. Ce sont les figures gravées sur les
temples, qui, à n’en pas douter, ont fait dire aux Grecs et aux Romains que le
crocodile étoit un dieu adoré en Égypte. Quant aux guerres civiles dont les
auteurs font mention, il est assez raisonnable de les attribuer, comme a fait
le critique déjà nommé plus haut, soit à des vues d’intérêt, soit à quelques
prééminences ou à des avantages de commerce que des villes voisines ont pu se
(1) Juvénal, sat. XV.
(2) M. Villoteau a fait à ce sujet des recherches curieuses,
dont il nous a permis de mettre ici le résultat
sous les yeux du lecteur. Dans les meilleures et les plus
anciennes éditions de Juvénal, on trouve Combos, et
non pas' Ombos, que les derniers éditeurs ont introduit
dans le texte. Ce mot de Combos vient lui-même de
celui de Coptos, altère par les copistes, qui ont écrit
négligemment les deux lettres p et t. Ce qui prouve
ce fait, c est qu il existe à la Bibliothèque impériale un
manuscrit très-ancien, où , au lieu de Combos, on lit
Copos avec une barre sur 1 o et près du p : il est possible
que ce trait d abréviation ait été originairement placé
A . D .
sur le p lui-même; ce qui eût indiqué, comme on sait,
le t joint au p . Au reste, dans presque tous les manuscrits,
ce nom commence par un c.
(3) C ’est Eusèbe qui nous l’apprend dans un chapitre
très-curieux, où il expose plusieurs symboles Egyptiens.
Voici la version Latine du passage : Iidem aliquando solan
hominis cujusdam navigium crocodilo impositum conscen-
dentis symbolo représentant : cic navigium quidetn, insti-
tutum in liumida mollique regione motum significai; croco-
dilus verbj aquam illam ad bibendum facilem [ -ttLti/aov
per quam sol feratur. Euseb. Præp, evang. Paris. 1628,
lib. i l i , c. X I , p. i i j . Voyez aussi Clément d’Alexandrie,
Strom. Paris. 1566, lib. V, p. 6jz. ■
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