
 
		que  deux bas-reliefs  sculptés, tous les autres panneaux formés  par les murs  d’entre-  
 colonnement  sont polis.  II n’y en a  qu’un seul qui soit resté piqué ;  les  travaux  ont  
 été  abandonnés  avant  qu’il  ait  été  mis  au  même  degré  d’avancement  que  tous  
 les  autres. 
 Les fondations de plusieurs édifices ruinés jusqu’à  leur base  ayant été examinées,  
 on a  vu  qu’elles consistoient  en  des  murs un peu plus épais que ceux  qu’elles  sont-  
 destinées  à  soutenir,  et  reposant  immédiatement  sur  le  rocher.  La solidité  de ce  
 fondement a beaucoup contribué,  sans doute, à prolonger la durée des édifices de  
 Philæ,  et leur assure encore une longue  existence. 
 Tous- les  faits  que nous  venons  d’exposer,  se  rapportent  à  la  construction proprement  
 dite;  les  soins  que  l’on  y  avoit  apportés,  entièrement  perdus  pour  la  
 vue,  ne  contribuoient  qua  la  solidité  et nullement  à  la  beauté  des  édifices  : mais  
 il  y  a  une  autre  exécution,  que  l’on  peut  appeler  extérieure  ou  apparente,  qui  
 frappe  tous  les  yeux ,  et  dont  il nous  reste à parler. 
 Cette  exécution  est,  on  peut  le  dire,  admirable  dans  le  plus  grand  nombre  
 des monumens Egyptiens :  il est impossible de  trouver des surlaces mieux dressées,  
 des  colonnes  mieux  arrondies,  des  arêtes  plus  vives,  des  courbes  plus  pures  et  
 plus continues. Mais,  où  cette  perfection du  ciseau  se montre  encore davantage,  
 cest  dans  les  sculptures  :  les feuillages  des  chapiteaux,  les ornemens  les  plus délicats  
 ,  les parties les plus petites,  sont  taillés avec une rare pureté.  L ’exécution  des  
 figures  n est pas moins remarquable ;  si  le  contour  en est roide et défectueux,  les  
 formes  des  reliefs  sont  au  contraire pleines  de  souplesse.  Comme  ces  reliefs  sont  
 extrêmement peu saillans,  les  détails des figures  sont  aussi  très-peu exprimés ;  elles  
 semblent enveloppées  d’un  voile qui  laisse deviner les formes,  et l’oeil  est  singulièrement  
 charme  du  travail  doux  et  moelleux  qui  règne  dans  tous les mouvemens.-  
 Ce qui ajoute encore au mérite d’une pareille exécution,  c’est la nature de la pierre  
 quil  a  fallu  mettre  en  oeuvre,  et  qui,  comme  nous  l’avons déjà  dit,  est  un  grès  
 à-peu-près  pareil  à  celui  de  Fontainebleau,  matière  qui exigeoit  des  instrumens  
 excellens  et  des  mains  très-exercées. 
 Cette  perfection  du  travail  se  rencontre  en  divers  degrés  dans  les  édifices  de  
 Philæ  :  elle  est remarquable dans le grand temple, dans  celui de l’ouest,  et sur-tout  
 dans l'édifice  de  l’est.  Peut-être  la  grànde lumière  qui l’éclaire ,  la blancheur de la  
 pierre et la finesse de son grain, contribuent-elles aussi à la supériorité apparente de  
 l’exécution.  Cet  édifice  doit  se  rapporter  au  siècle  où brilloit  l’art en Égypte ;  le  
 soin  meme  que  1 on  a  pris  de  choisir les  matériaux,  ne  peut appartenir  qu’à une  
 pareille  époque. 
 Mais  comment, avec  tant  de  perfection dans le  travail  du ciseau,  tant d’immobilité  
 dans  les  poses,  tant  d ignorance  de  la  perspective !  car  les  figures  de  cet  
 édifice  ne  sont  point  différentes  de  celles des  autres  temples,  et  les  unes  et  les  
 autres semblent  avoir  ete tracées d après les mêmes modèles.  Pour  expliquer  cette  
 contradiction,  la  même  idée  se  présente  à  tous  les  esprits.  Les  législateurs Égyptiens, 
   qui  redoutoient  toute  espece  d innovations,  et particulièrement  celles  qui  
 pouvoient avoir des rapports avec la religion,  arrêtèrent eux-mêmes les progrès  de 
 3í¡tS=£ 
 l’art,  én  consacrant,  dès les premiers pas,  des  formes  et  des  attitudes  dont  il  ne  
 fut  plus  possible  de  s’écarter  dans  la  suite.  Comme  les  figures  des  dieux  et  des  
 hommes  étoient  ce  qu’il  y  avoit  de  plus  remarquable  et  de  plus  important,  les  
 formes  adoptées  dans  l’enfance  de  l’art  en  frirent  aussi  maintenues  plus  invariablement  
 :  de  là  ces figures humaines  dont  les  épaules  sont  de  face,  la  tête  et  le  
 reste  du  corps  de  trois  quarts  et  de profil ;  de là  aussi le  petit  nombre  d’attitudes  
 différentes  admises  dans  les  représentations  sacrées.  Cependant  il  devoit  nécessairement  
 résulter quelque  perfection  de  la pratique  de tant  de  siècles  ;  mais  elle  
 ne  consistoit  que  dans  la  manière  d’exécuter  les  formes  prescrites. 
 Cette  explication  me  paroît  le Seul moyen de  concevoir  l’état  de  la  sculpture  
 des  bas-reliefs  chez  un  peuple  qui  avoit  fitit  de  grands progrès  dans  la  statuaire.  
 Ce qui vient  encore à l’appui,  c’est que  l’on  avoit aussi bien mieux  imité  les objets  
 accessoires,  et  tout  ce qui  avoit  un  rapport  moins  direct  avec  la  religion.  Les  
 figures d animaux sont, en  général,  d un dessin tres-vrai.  Les sculpteurs Égyptiens  
 ont  sur-tout  parfaitement  saisi,  en  figurant  un  animai,  le  trait  principal  qui  le  
 caractérise.  La  suite  de  cet  ouvrage  montrera  aussi  qu’ils  ont  su  varier  de mille  
 manières les attitudes des figures humaines,  lorsqu’il ne s’agissoit plus de sculptures  
 sacrées. 
 Les  réglés invariables introduites dans les sculptures des temples  avoient  dû  devenir  
 un moyen de les multiplier  et d en accélérer l’achèvement, en permettant d’y  
 employer  un plus grand nombre de  mains ;  car, à moins  que l’on n’imagine que  le  
 travail  d’un  même édifice duroit  plusieurs  siècles,  on ne peut  qu’attribuer à l’existence  
 dune multitude  d artistes  la  grande  quantité  de  sculptures qui décorent  un  
 seul  monument.  On conçoit  en effet  que,  les formes de tous les signes,  de  toutes  
 les  figures,  étant  déterminées  depuis  long-temps,  on  pouvoit  donner  à  chaque  
 Sculpteur une  seule  sorte  d’objet  à  exécuter,  et  employer  ainsi  un  grand nombre  
 d hommes à-la-fois.  Bien plus,  quand  on  considère  que,  dans  un  même  édifice,  
 toutes les  têtes des dieux, toutes  celles des déesses,  ont  un  caractère  unique,  que  
 les  animaux  de même  espèce  se  ressemblent  tous  parfaitement,  qu’enfin  chaque  
 classe  d objets  a  de même  son  caractère  propre  et  constamment  observé,  on  est  
 conduit à penser qu’une figure  n’étoit pas  confiée à un seul  sculpteur pour la commencer  
 et  la  finir  en  son  entier,  et  que  plusieurs  artistes  y  travailloient  successivement  
 :  par  exemple,  une  figure  étoit  d’abord  ébauchée  par  celui  dont  c’étoit  
 a  fonction ;  un  autre  arrivoit  ensuite  et  l’avançoit davantage,  et  successivement  
 ainsi  jusqu’au  dernier  qui  venoit  la  finir.  C ’est  alors  que  les  peintres  arrivoient 
 a  leur  tour,  et  appliquoient  chacun  la  couleur  convenable  et  selon  les  règles  
 établies.  ° 
 Pai  ce  moyen,  dix  figures,  que  dix  sculpteursauroient  exécutées  séparément  
 dans un certain espace de temps,  et  qui  auroient  toujours  été  différentes  les  unes  
 des  autres,  se  trouvoient  achevées  dans  un  temps  égal,  et  peut-être  même  plus  
 court,  ayant  toutes  le  même  caractère,  et  étant  finies  au  même  degré. 
 Un pareil  procédé  ne pouvoit  pas,  sans  doute,  conduire à la  haute  perfection  
 e lart : mais, dans  le système Égyptien, c’étoit  une chose  raisonnable de vouloir