plus, a la vérité, quelques autres débris de murailles et de salles dont parle Phiiûstrate
: mais iis ont pu être exploités pour servir à faire de la chaux; et,ce qui
en.reste encore, est maintenant caché sous les dépôts du Nil. Si, à l’époque du
voyage d Apollonius, l'immense édifice dont l’existence nous paroît incontestable,
étoit déjà dans un aussi grand état de destruction, doit-on s’étonner que, seize
siècles après, on en retrouve à peine des traces ! A toutes les circonstances qui
se réunissent pour démontrer l’identité que nous avons en vue, il faut ajouter
la description exacte de la statue de Memnon, donnée par Philostràte : elle est
finte avec tant de vérité, qu’il est impossible de n’y point reconnoître le colosse
du nord. •
| Ce nest pas sans dessein que nous avons cité de suite et dans l’ordre chronologique
les autorités lès plus imposantes qui font mention de la statue de Memnon
et de 1 edifîce ou elle étoit renfermée : on peut suivre en quelque sorte les différens
changemens et les altérations que l’un et l’autre ont éprouvés dans la succession
des siecies. Ainsi, au temps de Strabon, il paroît que le palais ou le temple,
1 édifice enfin quil appelle Memnonium, avoit encore une certaine splendeur; on
peut 1 inférer au moins de ce qu’il ne parle point de sa destruction, tandis qu’il
ne négligé pas de faire mention de la mutilation de la statue. Deux cent cinquante
ans après, 1 édifice étoit déjà ruiné en grande partie; mais la statue étoit alors restaurée
Cest donc antérieurement à Philostrate qu’il faut placer le rétablissement
du colosse du nord par assises de pierre : il aura été ordonné par quelque préfet
Romain, gouverneur de l’Égypte. Les détails dans lesquels.entre cet auteur sur la
figure de Memnon, prouvent assez que de son temps la restauration de la statue
etoit recente. Depuis, ce colosse a éprouvé des dégradations telles, que maintenant
on ne peut reconnoître aucune des parties de sa figure.
S - V .
De la Statue de Memnon en particulier.
A près avoir démontré l'identité que nous nous étions proposé d’établir, il
nous reste a rechercher quel est le personnage représenté par le colosse du nord.
C est une question sur latjuelle tous les auteurs ne paraissent point être d’accord,
comme cela resuite des citations que nous avons déjà faites. Quelques-uns veulent
que ce ne soit pas Memnon, mais bien Phamenoph. Le témoignage de Pausanias ( i ),
et quelques inscriptions (2) parmi celles dont nous avons fait le recueil à la fin
e cette section, autorisent une pareille opinion. Phamenoph est composé, suivant
Jabionski (3) de l’a r t ic le ^ , qui désigne le masculin, et du nom Amenoph, ou
Aménophis, répété quatre fois dans les fragmens de Manéthon. Ainsi le colosse
du nord représenterait un de ces rois Aménophis sur lesquels l’histoire ne nous
t e l 0 B S Ia Ci,ati° n qUe-n0U! a ï0 " S 6 ited e cet au- (3) Voyez Jabionski, '¿'le u r , n.® i v , vas. n6. • , . ■ , . , Me, m„ne n,e Groeeorum 'tÆg«yrp-
, r _ r . ... . tiorum, hujusque celebermna m Thebaide statua (Franco-
W I « 1 5 particulièrement I inscnption XXX, p . ,,4 . f i n i ad V iadrum, . 7 5 3 , ¡N . . ) , , cap. 1,,.p. 3a .
transmet, pour ainsi dire, rien de certain. Il faut consulter à ce sujet la dissertation
de Jabionski, de Memnone Groecorum et Ægyptiorum : ce savant y a fait preuve
d’une érudition peu commune ; et il auroit jeté le plus grand jour sur toute cette
matière, si de sa nature elle n’étoit et ne devoit toujours être enveloppée de
l’obscurité des siècles.
Suivant Jabionski (1), Aménophis, en lettres Qobtes,pouvoit s’écrire, Amun-nolphi,
qu’il traduit par gardien de la ville de Thèbes. On sait, d it -il, que le nom ancieh
de cette ville étoit Amun-noh, No-amun, que les Septante ont rendu par /.tepiSk.
’A/LLjuàv, portion et possession d ’Ammon. Ainsi Aménophis, d après cette dérivation,
indiqueroit le protecteur de la ville de Thèbes. C’est ce que semble confirmer
une inscription recueillie par Pococke (2), où on lit, Ipfiéyljccro Mépivat OtiGuTav
arçj¡Mt.-ppt, , sonutn dédit Memnon Theboeorum propugnator.
Le même Jabionski ( g ), pour ramener la dénomination dé Memnon à celle
d’Aménophis, propose cette étymologie dérivée de la langue Egyptienne. Oni, en
égyptien, signifie pierre; et nom ou enoni, qui fait menoni ou emenoni au quatrième
cas, de pierre, sous-entendu statue ou colosse.Il est probable, dit Jabionski, que le
peuple, en parlant du colosse vocal d’Aménophis, le nommoit simplement emenoni
ou menoni, comme a fait Tacite en le désignant sous le nom de saxea effigies;
et c’est ce nom de Menoni dont Homère aura fait Memnon, dénomination que tous
les autres poètes ont adoptée après lui. II est inutile de faire remarquer que ces
étymologies reposent ■ sur des fondemens bien peu solides, et que l’auteur les
déduit péniblement pour arriver aux conséquences qu’il en tire. Il faut cependant
voir encore comment Jabionski parvient à conclure l’identité des deux noms
d’Osymandyas et de Memnon (4). Sma, dit-il, en égyptien, signifie voix : si l’on ajouté
l’article u, on a u-sma, et si à ce dernier mot on ajoute encore le mot d i, qui veut
dire donner, et qu’on fait précéder du noun pour l’euphonie, on obtient u-smandi,
c’est-à-dire, vocal ou parlant. Les Grecs ont hellénisé ce mot, selon Jabionski, et
en ont fait Osymandyas, 1Ismandis de Strabon. Il paroît que le témoignage de ce
dernier est ce qui a le plus séduit Jabionski dans les rapproehemens qu’il a faits
pour arriver à cette étymologie. Cependant il faut remarquer que tout cela ne
repose que sur quelque chose de bien vaguë, avancé par Strabon lui-même. S i,
dit-il (y), comme quelques-uns le pensent, Memnon est le même qu’Ismandès, le
labyrinthe sera aussi un ouvrage de Memnon.
Ainsi donc, suivant Jabionski, Aménophis, Memnon et Osymandyas seraient les
noms d’une seule et même statue. Les savans ont déjà reconnu que cet auteur
s’est «souvent laissé entraîner avec trop de facilité aux conséquences qu’il a tirées
des étymologies ; celles qui nous occupent en sont une preuve. Il ne les a recherchées
que pour faire concourir ensemble des témoignages qui lui ont paru devoir
se rapporter à un même sujet. C’est ainsi, pour n’en citer qu’un exemple, qu’il
( 1} Voyez le même ouvrage de Jabionski, synt. I I , (3) Voyez le même ouvrage de_ Jabionski, pag. 36 .
cap. 1 , pag. j y . - (4) Voyez l’ouvrage de Jabionski, cité ci-dessus,
(2) Voyez les inscriptions recueillies par Pococke, et synt. 1 1 1 , cap. y , pag.ioy.
qui se trouvent dans l’édition Anglaise de l’ouvrage de ce (5) Voyez Strabon, Géogr. liv. X V I I , pag. 11 3 , édi-,
voyageur. ’ tion de 1620.