porte encore plus à conclure que le combat que nous venons de décrire a
été livré sur mer. Nous verrons bientôt les témoignages historiques venir à l’appui
de cette opinion (i), en faveur de laquelle nous ajouterons encore ici que la
forme des barques diffère totalement de la forme de celles qui voguoient sur le
Nil et dont nous avons retrouvé des représentations dans les grottes, principalement
à Elcthyia (2.).' §
A gauche du combat naval, on voit les prisonniers que l’on amène devant le
vainqueur : les uns ont les bras liés, les autres ont les mains retenues par des
espèces de menottes. Ils sont conduits deux à deux par des officiers Egyptiens,
précédés eux-mêmes de militaires qui paroissent être d’un plus haut rang : ceux-ci
sont vêtus de longues robes, et tiennent dans les mains des espèces d’étendards
ou de plumes, emblème de la victoire. Le premier de tous paroît indiquer, par
un geste, au vainqueur, qu’on lui amène des prisonniers; le héros, monté sur
la première marche d’un autel, en accueille l’hommage et donne sa main à baiser.
Derrière lui, sont ses porte-enseignes et ses bannières.
Au-dessous du bas-relief, sont des troupes Égyptiennes (3) et des prisonniers
Indiens quelles font marcher devant elles. On remarque d’abord, à droite, quatre
fantassins armés de piques et de grands boucliers rectangulaires, terminés circu-
lairement dans leur partie supérieure. Ils tiennent à la main un instrument dont il
est difficile d’assigner l’usage ; c’est une espèce de fourche (4). Deux archers armés
de leurs arcs les précèdent, et tiennent dans la main droite un petit coutelas recourbé
: ils ont autour de la poitrine et par-dessous le bras gauche des cordes destinées
probablement à lier les mains des prisonniers. Plusieurs figures, vêtues de longs
habits, sont armées d’arcs et de carquois. Elles sont précédées par un porte-enseigne
qui tient à sa main une fleur de lotus avec sa tige en guise d’étendard. Derrière
elles sont des personnages portant sur le dos des ustensiles qui paroissent
propres à renfermer des provisions de bouche : l’un d’eux tient à la main une petite
outre, destinée peut-être à contenir quelque liqueur. On voit ensuite des prisonniers
Indiens conduits deux à deux par un archer Égyptien : ils ont les mains et
les bras liés, et sont attachés ensemble, au moyen d’une corde qui leur entoure le
cou. Probablement il y avoit de ces prisonniers dans toute l’étendue du bas-relief
supérieur ; mais la dégradation du mur, et sur-tout la hauteur à laquelle s’élèvent
les décombres, n’ont pas permis de dessiner ni de décrire le reste du tableau.
A la suite du grand bas-relief, et derrière le vainqueur, est un char tout pareil
à celui qui se voit à droite. C’est encore celui du même héros, qui, dans cette
dernière scène, est représenté recevant des offrandes. Il tourne le dos à son char,
comme dans la première partie du bas-relief.
(r) Voyez ci-après, pag. jjj et suiv. . le coules prisonniers les uns à la suite des autres, comme
(2) Voyez pl. 68, A . vol. I . on le voit dans le bas-relief lui-même, et comme cela se
(3) Voyez pl. 10, A . vol. I I . pratique encore aujourd’hui parmi quelques peuplades de
.(4) Peut-être ces fourches servoient-elles à attacher par nègres.
Comparaison des Actions guerrières attribuées p a r Diodore et Hérodote h
Sésostris, avec les Scènes militaires sculptées sur les murs du P a la is de
M edynet- ahou, et Notions qui en résultent pour l ’ancienne histoire des
Egyptiens.
L es sculptures du palais de Medynet-abou ont tant d’analogie avec ce que
Diodore nous rapporte des exploits de Sésostris, et de son retour en Egypte
après ses conquêtes, qu’il nous a paru curieux de faire des rapprochemens, pour
établir l’identité du héros de cet historien, et de celui qu’on a représenté en tant
d’endroits différens sur les murs des édifices de Medynet-abou. Nous commencerons
d’abord par quelques réflexions sur la confiance que doivent inspirer les écrits
de Diodore? île Sicile.
L ’autorité de cet historien nous paroît être du plus grand poids. Les matériaux
sur lesquels il a composé son histoire, ont été puisés, comme il le dit lui-même en
plusieurs endroits de son ouvrage, dans les annales des Égyptiens et dans les livres
écrits par leurs prêtres. Diodore a été lui-même en Egypte, et a voulu voir de
ses propres yeux le pays dont il avoit à parler. Ce n’est pas cependant que nous
pensions qu’il ait visité les monumens de la haute Egypte ; il nous paroît, au contraire,
qu’il n’a vu que l’Egypte inférieure : mais il aura puisé dans les restes de
la bibliothèque d’Alexandrie, échappés au sac de cette ville lors de la guerre de
César, la plus grande partie des matériaux nécessaires à la composition de son
ouvrage. Les Grecs qui l’avoient précédé, et qui, très-anciennement, avoient vu
les lieux dont il a parlé, lui ont été aussi d’un, grand secours pour la composition
de ses écrits. Ce fait est pleinement justifié par l’identité que nous avons démontrée
de l’un des édifices (1) ruinés de Thèbes avec le tombeau d’Osymandyas,
décrit par Diodore d’après Hécatée, qui, si l’on en croit Hérodote, avoit été à
Thèbes et avoit eu des relations avec les prêtres de cette ancienne capitale. Nous
ne voulons pas toutefois insinuer que tous les faits rapportés par Diodore sont également
fondés, et nous ne voulons pas ajouter plus de confiance a ses récits quil
ne paroît vouloir en inspirer : car il dit, au sujet d,e quelques faits douteux, qu’il n’entreprend
pas d’en démêler la vérité, mais que, rapportant les opinions différentes
qu’il trouve dans les historiens, il en laisse le choix au discernement des lecteurs.
Ce ne sera donc sur-tout, que d’après la conformité de ses récits avec les objets
retrouvés sur les lieux mêmes, que nous nous permettrons de tirer des conséquences
, et d’énoncer des opinions qui acquerront, par Cela meme, une grande
probabilité.
Pour en venir maintenant à l’objet que nous avons principalement en vue, voici
comment Diodore s’exprime sur Sésostris, dont nous pensons que 1 on doit voir
l’image dans la plupart des sculptures du palais de Medynet-abou : « C est de tous les
» rois d’Egypte, rapporte-t-il (2), celui qui a fait les plus grandes et les plus célébrés
(1) Voyez la section III de ce chapitre. (2) Voyez la citation n.° I I ,p o g .y j .