
s. IV.
D u P a villo n de Medynet-abou.
Au sud-ouest des propylées que nous avons décrits, s’élève une construction
dont le caractère est tout différent de celui des temples et des édifices consacrés au
culte; c est un pavillon à deux étages, qui a des croisées plus grandes et plus nombreuses
qu’on n’en voit ordinairement dans les autres monumens. On est frappé,
au premier abord, de l’idée qu’il a été construit au milieu des édifices pompeux
de Medynet-abou, avec lesquels il se lie parfaitement, pour être le séjour habituel
d un souverain. Un examen plus approfondi de ce monument confirme entièrement
cette opinion, comme on va le voir.
Un mur qui se trouve dans le prolongement de la face extérieure du premier
pylône des propylées, est situé en avant du pavillon. Il est tout-à-fait enfoui,
et 1 on n aperçoit au-dessus des décombres que les espèces de créneaux dont il
est couronné; c’est la suite de l’enceinte en grès dont nous avons déjà parlé. Ce
mur étoit sans doute percé d’une porte qui formoit la première entrée du pavillon.
Une seconde entrée se compose de deux tours rectangulaires, qui. s’élèvent pyra-
midalement, et qui sont en saillie sur le pavillon proprement dit. Peut-être ces
deux massifs étoient-ils réunis par une porte maintenant cachée sous les décombres,
et formoient-ils un pylône. Le soubassement de ces tours est indiqué par un listel
saillant sur le nu du mur. Au-dessus, on remarque, de part et d’autre, deux de
ces tableaux qui se voient à toutes les entrées des édifices Égyptiens. Le sujet
représenté sur le massif de droite est la punition de quatre captifs, qu’à leur
longue barbe on reconnoît pour des étrangers; le personnage qui se dispose à.les
exterminer, les saisit de la main droite par les bras, et va les frapper avec une
massue quil tient dans la main gauche. Le faucon qui plane au-dessus de sa tête,
indique sans doute un héros Égyptien. Cette scène se passe devant un personnage
élevé sur une estrade, qui paroft encourager à consommer l’acte de vengeance.
Le sujet sculpté sur l’autre massif est absolument le même, si ce n’est
que les hommes menaces sont saisis par lés cheveux, et que leurs costumes et
leurs figures annoncent des Égyptiens. Ces deux tableaux, purement allégoriques,
signifient sans doute que le souverain savoit également se venger de ses ennemis
et punir les sujets rebelles aux lois. Des hiéroglyphes qui sont placés au-dessus de
ces tableaux et qui n ont point été copiés, indiquoient certainement le sujet de ces
bas-reliefs. On doit faire remarquer ici que les sculptures ont une très-forte saillie ;
ce qui se rencontre rarement dans les monumens de l’ancienne Égypte.
Si l’on pénètre dans l’espace renfermé entre les deux tours pyramidales, on remarque
des especes de fenetres dont les baies ne sont que figurées ; les dalles d’appui
sont portées par des consoles composées de quatre figures d’hommes, dont on
ne voit que la moitié du corps : ces figures sont étendues sur le ventre ; et avec leurs
mains, péniblement appuyees sur une dalle inférieure, elles paroissent faire de
violens efforts pour soulever le poids dont elles sontaccablées. On n’aperçoit qu’un
seul bras de chacune des deux figures extrêmes. Ces statues ont la poitrine revêtue
de cottes d armes; ce qui doit faire présumer que ce sont des captifs qu’on a voulu
représenter dans cette position humiliante. Les têtes, et ce qui paroît de la poitrine
et des bras, sont peints, par bandes, de couleurs variées, parmi lesquelles on
distingue le rouge, le bleu, le blanc et le vert. En examinant avec soin les appuis
de ces sortes de croisées, on incline à croire qu’ils portoient quelques sujets en'
bronze. En effet, une cavité que l’on y voit, et des rainures verticales pratiquées
dans les montans des fenêtres, ont certainement servi à fixer par des scellemens
l’espèce d’ornement ou de trophée qui a été enlevé. Nous ne quitterons point ce
sujet sans faire remarquer que les figures de captifs qui forment les consoles,
peuvent bien avoir suggéré aux Grecs l’idée de leurs cariatides : ainsi nous sommes
naturellement conduits à ranger au nombre des emprunts faits à l’Égypte, la pensée
qu’ils ont rendue avec tant d’élégance, de faire porter des membres d’architecture
par des figures d’ennemis vaincus.
•En pénétrant plus avant dans l’espace qui s’ouvre entre les deux tours pyramidales,
on remarque un enfoncement carré, dont la forme semble annoncer
qu’il étoit destiné à recevoir des battans de porte. Dans la partie la plus élevée
du parement sont deux fenêtres d’à peu près un mètre et demi (1) de hauteur,
et d’un mètre (2) de largeur ; elles sè répètent symétriquement à l’extérieur, et elles
éclairent toutes quatre un espace très-étroit, qui est plutôt un conduit ménagé
dans l’épaisseur du mur, qu’une pièce destinée à être habitée. Cest là qu’on
retrouveroit infailliblement, si l’on y faisoit des fouilles, les escaliers qui condui-
soient aux différens étages du pavillon carré dont nous allons bientôt nous occuper.
Au-dessous de ces deux fenêtres, sur les murs extérieurs seulement, on en
voit de chaque côté (3) une autre de deux mètres et demi de large, et de quatre
mètres de hauteur ; elles éclairent, à un étage inférieur, le même conduit dont nous
avons parlé.
Après l’enfoncement, deux murs latéraux s’élèvent verticalement de part et
d’autre ; ils sont ornés de deux dalles d’appui portées par des captifs et en tout
semblables à celles que nous avons décrites. Comme on voit tout a côté trois
petites fenêtres carrées, qui donnent du jour dans l’intérieur des constructions,
cela confirme encore plus dans l’opinion que ces fausses fenêtres à consoles n’ont
jamais dû être ouvertes, mais qu’elles recevoient des ornemens et des trophées,
dont la base reposoit sur les dalles d’appui.
Les paremens des mûrs sont ornés de sculptures qui n’ont point été terminées;
on y remarque çà et là des lignes de grands hiéroglyphes et des commencemens
de frise. Une figure de jeune homme avec des ailes et dans l’attitude de l’adoration
attire sur-tout les regards; elle est agenouillée devant deux légendes hiéroglyphiques.
Au-devant d’elle est une grande étoile : on en voit une autre parmi
les hiéroglyphes qui sont au-dessus de ses mains. Il n’y a rien de plus gracieux et
( [ ) Quatre pieds sept puces. (3) Voyez pl. 4 , fg . 4 , A . vol. II.
(2) Trois pieds.