
a déjà des idées générales sur le système de la décoration Égyptienne; système si
invariable dans chaque espèce de monument et si diversifié dans ses détails, mais
toujours ^soumis à la disposition, en quoi les Égyptiens ont fait preuve de ¡avoir
et de goût. Qu’est-ce, en effet, qu’une architecture subordonnée à la décoration,
comme on en voit tant d’exemples chez les peuples modernes ! Ici les formes
et les lignes générales ne sont masquées par rien, bien que les surfaces entières
soient sculptées en mille façons; les monumens du monde les plus chargés d’orne-
mens sont ceux où la décoration s’aperçoit le moins, et où l’architecture paroît
lisse, quoique nulle de ses parties ne soit nue (i).
Que l’on examine la façade du portique d’Edfou (pl. p y ) : depuis le seuil de
la porte jusqu’au couronnement, colonnes, chapiteaux, dès, murailles, pieds-
droits, cordons, corniches, tout est couvert de sculptures (2), et cependant les
lignes de ces colonnes et de ces architraves, les galbes de ces corniches, de ces
chapiteaux, sont intacts; à la distance où la grande proportion du monument
commande que l’oeil soit placé/l’on n’aperçoit que les formes générales. •
Ce caractère de l’architecture Égyptienne me paroît un de ceux qui la distinguent
éminemment: les hommes qui ont su concilier des conditions si difficiles,
sont les mêmes qui avoient imaginé de revêtir un édifice entier de couleurs; idée
hardie, et qui offrait le même genre de difficulté à vaincre : il falloir choisir et
distribuer si bien ces couleurs, que l’attention ne fût pas distraite, et que l’harmonie
des proportions né fût pas troublée (3); c’est ce qu’ils ont su faire par-tout pour
la décoration, et le monument d’Edfoû n’a d’autre avantage que d’en être un
exemple complet,
Il suffit d une attention légère pour expliquer cette heureuse alliance de la décoration
avec l’architecture proprement dite. Les sculptures, étant peu profondes et
de peu de saillie, se détachent doucement sur un fond qui est parfaitement lisse; en
second heu, la plus parfaite symétrie règne dans la distribution des ornemens. Ce
sont des tableaux tous de même hauteur, tous encadrés et placés parallèlement sur
les faces des murs, ou bien des sujets qui se répètent d’espace en espace sur
les frises, les colonnes et les cornich.es, ou enfin des colonnes d’hiéroglyphes
également espacés, qui remplissent les intervalles des figures ; toutes sculptures
extérieures, qui sont presque superficielles, eu égard à la masse du monument:,
cest à leur succession bien entendue, à leur diminution graduelle de bas en haut,
a la richesse et a la finesse des détails, qui vont toujours en croissant, enfin au
travail doux et moelleux du ciseau, . qu’il faut attribuer leur parfaite harmonie
avec l’architecture.
Si 1 on jette la vue sur les deux élévations du pylône (pl. p ; et p 2 ) , sur la façade
du portique (p l. p y J , sur le péristyle (pl. p , on voit à toutes ces parties le
meme couronnement c’est-à-dire, un gros tore ou cordon qui les encadre et
redescend sur les côtés, et une corniche creusée en gorge, dont le profil est
* (t) II faut en excepter les listels des corniches, les dessus (2) Les deux colonne» de devant étaient aussi dcdes
chapiteaux, les bases des colonnes, toutes parties coréesj mais on n’a pu en copier les ornemens.
étroites, ou la sculpture eut produit un mauvais effet. (3) Voyez p l. ¡8.
simple, mais pur et gracieux; au centre , un grand disque ailé, accompagné, à
droite et à gauche, de 1 espèce de serpent appelée Ubceus: les ailes sont à trois rangs
de plumes, et représentent celles de l’épervier. Cet ornement, qu’il faut regarder
comme 1 emblème du dieu de la chaleur et de la lumière, est du plus grand effet
sur toutes les portes Égyptiennes (i). Ses proportions sont si belles et tellement
en harmonie avec le reste, qu’on n’est pas choqué de le voir continuellement
reproduit. Ce qui le fait valoir encore, ce sont les distributions d’hiéroglyphes,
de cannelures et d’ornemens délicats qui forment contraste avec son dévelop-’
pement souvent gigantesque; c’est aussi le petit listel qui surmonte la corniche
et qui est constamment nu, ce qui repose la vue et fait que la corniche se dessine
mieux sur le ciel. Il est à observer que toujours ce disque et ses ailes sont sculptés
en relief, tandis que les cannelures et les autres ornemens de la corniche le sont
en creux. Enfin le tore qui la sépare de l’architrave est toujours garni d’un ruban
enroulé, et son profil est un demi-cercle alongé.
A Edfoû, comme je l’ai dit, la décoration se voit complète, et il y est plus facile *
qu ailleurs de se faire une idée des règles Égyptiennes : si ce monument n’existoit
pas, on ne pourrait les connoître que par le rapprochement de tous les autres.
C ’est sur-tout là qu’on peut étudier les chapiteaux des péristyles. Ces chapiteaux
sont différemment ornés; mais la différence n’a rien qui choque, parce que le
galbe est generalement le même. Lorsqu’on est placé de manière à embrasser la
galerie, on ne leur voit qu’une forme générale à tous : quand on approche assez
pour distinguer les détails, alors on n’aperçoit plus qu’un ou deux de ces chapiteaux
, et I oeil est récréé par la variété des ornemens.
En second lieu, ces chapiteaux, qui, dans une même rangée, diffèrent tous d’une
colonne a l autre, se répètent symétriquement en face, et chacun d’eux a son
pendant; c est ce qu’on peut observer dans la vue perspective de la cour (2). Cette
symétrie variée a peut-être plus de mérite et de charme qu’une égalité parfaite.
Le portique d Edfoû offre la même circonstance. A droite et à gauche de l’axe
les chapiteaux sont symétriquement pareils, comme on le voit dans les six colonne¡
de la façade; il en est de même des douze autres chapiteaux (3).
Un meme chapiteau se répète aussi d’espace en espace. Celui à feuilles de dattier,
que j’appellerai dactyliforme (4), n’est qu’une fois dans chaque côté de la cour,
et une fois dans chaque moitié du premier portique, en tout quatre fois : à partfr
de celui-ci, cest le neuvième de la colonnade. Le septième chapiteau de la galerie
est le meme que celui de l’angle du portique ; il est répété huit fois en tout : c’est
un des plus fréquens et des plus simples; il se distingue par quatre grandes palmettes
qu. sortent de larges gaines et qui répondent aux quatre angles du dé.
Le quatrième de la galerie s’y trouve répété six fois; il est, comme le précédent,
decore de quatre palmettes : ces palmettes sont placées sur un fond tout cannelé
de côtes Le plus fréquent de tous est le premier de la galerie, qui est aussi le
premier du portique en entrant; on le trouve répété quatorze fois dans la cour:
$ | Hh B É ! (4) Voyez page 8.
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