
et que l’on trouve avant d’arriver au lieu mystérieux; tandis que le mot
est applicable à ces petites chambres obscures (i) qui entourent les sanctuaires des
temples et les pièces les plus secrètes des palais, dont les murs sont ornés de sculptures
consacrées plus particulièrement à la représentation des divinités de l’Egypte.
Ces dernières pièces entouroient la bibliothèque, où le roi Osymandyas étoit représenté
devant Osiris et les juges qui l’accompagnent aux enfers ; circonstance qui
justifie la dénomination de tombeau que Diodore conserve à 1 édifice. Il y avoit une
quantité de livres en Egypte, et l’on sait qu’après la conquête de Cambyse, les
Perses en enlevèrent beaucoup aux prêtres, pour les transporter dans leur pays. Si
l’on en juge d’après la forme des manuscrits trouvés dans les momies, et la configuration
qu’on leur a donnée dans les sculptures des monumens, les livres consistoient
en rouleaux qui ne tenoient que peu de place. Nous nous figurons donc qu’ils
étoient disposés dans des cases construites à la partie inférieure de la salle servant
dé bibliothèque, de manière que les parois, n’étant masquées qu’à une certaine hauteur,
étoient en outre décorées de ces sculptures où l’on avoit représenté le roi
Osymandyas faisant des offrandes à tous les dieux de l’Egypte. L ’inscription que
portoit cette bibliothèque, prouve que les Égyptiens faisoient beaucoup de cas des
livres, et qu’ils regardoient l’ignorance comme la maladie de l’ame la plus dange-,
reuse. La collection de volumes renfermés dans le tombeau d’Osymandyas étoit
probablement la plus considérable de l’Egypte ; car nous ne pouvons douter que
chaque temple n’eût au moins un dépôt d archives.
La bibliothèque étoit suivie d’une salle qui renfermoit vingt tables entourées
de lits sur lesquels étoient disposées les images de Jupiter et de Junon, et même
celle du roi. Il paroît que les anciens Égyptiens avoient coutume de dresser, dans
les temples, des tables pour les festins. Cest au moins ce que Juvénal ( 2 ) fait positivement
entendre, lorsqu’en parlant de la guerre des Tentyrites et des habitans de
Coptos (3 ), il dit que ceux-ci résolurent de troubler la joie des habitans de Tentyris,
en les surprenant, au milieu de leurs festins, à ces tables dressées dans les temples et
dans les places, autour desquelles la septième aurore avoit coutume de les trouver
étendus sur leurs lits. C’est dans cette salle de festins que, suivant Diodore, étoit
réellement déposé le corps d’Osymandyas ; ce n’étoit qu’ensuite que l’on arrivoit au
lieu véritablement construit en tombeau. Mais ici la restauration (4) que nous avons
esquissée, paroîtra peut-être, au premier abord,en contradiction avec la description.
Le texte porte, en effet, qu’on voit sur le cénotaphe un cercle d’or de trois cent
soixante-cinq coudées de tour et d’une coudée d’épaisseur. Un pareil cercle a de
quoi effrayer l’imagination. Sa circonférence auroit, en l’évaluant d’après la coudée
d’Éléphantine, cent quatre-vingt-neuf mètres (5 ) ; et son diamètre, qui seroit de
(1) Hérodote ne donne pas une autre signification a
ce mot. Voyez liv. I l , chap. 14.8. Voyez aussi la note j/p,
pag. aç j, tom. I I de la dernière édition de la traduction
Française de cet historien par M. Larcher ( P aris, 1802,
p vol, in~8,9 ).
[2) - S ed , temporefesto
Alteriuspopuli, rapienda occasio cunctis
Visa inimicorum primoribus ac ducibus, ne
Latum hilaremque diem, ne magna gandin car. a
Sentirent, positis ad templa et compita mentis,
Pervigilique toro, quem nocte as luce jacentem
Septimus interdum sol invenit.
Juvenal, satyr. XV.
(3) Nous adoptons ici la version proposée par M . Vil-
loteau. Voye^ la Description d’Onibos, chap. IV , p-
note 2.
(4) Voyez la planche 3 3 , A . vol. II .
(j) Quatre-vingt-seize toises cinq pieds sept pouces.
soixante-quatre
soixante-quatre mètres (i), excéderoit les limites mêmes de l’édifice dans le sens de
sa plus grande largeur, limites nécessairement déterminées par les traces que nous
avons retrouvées des murs de clôture. Ainsi la pièce qui auroit renfermé ce cercle
énorme, sortiroit tout-à-fait du système suivi dans la disposition des plans Égyptiens.
Nous sommes donc fondés à croire qu’il ne faut point prendre le mot de
coudée au pied de la lettre ; qu’il ne s'agit point ici de la longueur absolue de la
coudée, mais bien d’une division en trois cent soixante-cinq parties égales, auxquelles
on aura donné le nom de coudées, comme nous donnons aux trois cent
soixante parties du cercle le nom de degrés. L ’astronomie étoit assez en honneur
chez les Égyptiens, pour que l’on construisît souvent de.ces cercles, qui n’étoient
autre chose que des calendriers ou des instrumens propres à faire des observations.
L ’usage de ces instrumens étoit probablement réservé aux seuls prêtres de l’Égypte
et aux .initiés. On les conservoit dans les lieux les plus secrets des temples et des
palais. On les consultoit tous les joins de l’année, pour connoître les phénomènes
astronomiques, et l’on s’en servoit probablement aussi pour régler les fêtes. A la
vérité, ces calendriers ne pouvoient être long-temps exacts; mais les prêtres, qui
n’ignoroient point les causes de leurs variations, savoient aussi en corriger les
défauts. Nous ferons remarquer que si l’on doutoit que les anciens Égyptiens aient
eu une année vague de trois cent soixante-cinq jours, tout ce que nous venons de
rapporter en donneroit la certitude.
Le P. Sicard a cru reçonnoître le tombeau d’Osymandyas dans le palais de
Louqsor; mais il ne donne aucune raison pour, justifier ce.qu’il avance. Après lui,
Pococke a avancé la même opinion (2). Ce voyageur, d’ailleurs exact et savant,
a sans doute été trompé par l’analogie qu’il a remarquée entre les sculptures de
l’entrée du palais de Louqsor et les bas-reliefs décrits par Diodore ; mais ce n’est
là qu’un seul point de Ressemblance, qui ne pouvoit suffire pour établir l’identité
des deux édifices. Si on lit la description de Louqsor donnée par Pococke (3), on
pourra se convaincre que , presque à chaque pas, il est en contradiction avec
Diodore, et que, là même où l’identité lui paroît la plus frappante, il y a le moins
de ressemblance entre les édifices dont il parle, tant il étoit préoccupé de la première
idée qui l’avoit séduit. Ce n’est que sur des hypothèses à peu près gratuites
relativement à l’étendue des constructions et à la position des différentes
statues , que les conséquences du voyageur Anglais sont appuyées.
A toutes les preuves que nous avons données jusqu’ici de l’identité du palais de
Memnon et du tombeau d’Osymandyas, on peut ajouter encore l’examen des
planches où sont figurés les autres édifices de Thèbes , et l’on sera convaincu que
leur position topographique, la distribution de leurs plans, les motifs de leurs
coupes et de leurs élévations, ne peuvent nullement s’accorder avec la description
qui nous a été transmise par Diodore.
Ce que nous venons de rapporter du palais de Memnon et du tombeau
(1) Trente-deux toises cinq pieds. (3) Voyez pag. jop et suiv. du torne I . " de ia traduc-
(2) Le P. Sïcard voyageoitde 1697 à 17 2 7 , etPococke tion des Voyages deRichard Pococke, par une société de
de 1737 à 1739. gens de lettres.
A . D . V