eux-mêmes résister à la poussée de la voûte ; et probablement ces extrémités
étoient fondées sur le roc, et construites avec un soin particulier. Il eût été curieux,
sans doute, d’acquérir des notions certaines sur ces constructions hydrauliques
des anciens Égyptiens, espèces de constructions qui offrent encore en Europe de
grandes difficultés, malgré l’avancement de nos connoissances: mais il auroit fallu
pouvoir faire des fouilles profondes et d’autres travaux que les circonstances ne
permettoient pas d’entreprendre. Quoi qu’il en soit, les murs courbes dont il
est ici question, ne se trouvent qu’à Philæ et à Éléphantine; et je ne sache pas qu’on
en ait vu de semblables, soit chez les Grecs, soit chez les Romains.
Tout le nord de l’île a été autrefois occupé par des constructions dont il n’est
resté que des pierres et des décombres. Cependant, comme il est formé de terre
d’alluvion, on y voit, quelque végétation : autour de deux ou trois cabanes sont
des dattiers; èt sur le bord du fleuve, des espèces de jardins entourés de quelques
pierres amoncelées qui en forment l’enceinte. Mais la seule partie qui soit entièrement
consacrée à la culture, c’est le terrain qui s’est formé au pied du quai, et
qui, chaque année, est couvert par l’inondation : ce petit coin de terre est soigneusement
ensemencé de doûra, de haricots; c’est-là le jardin de l’île.
Le sud-ouest de Philæ est occupé par les temples; le sud-est, par un grand
nombre de maisons de Barâbras et par beaucoup de décombres. S’il étoit permis
de croire, d’après les expressions de Strabon, qu’il y a eu une ville de Philæ, ce
seroit dans cet endroit qu’il faudrait en chercher la position. Mais, selon Diodore,
les prêtres seuls pouvoient pénétrer dans l’île ; ce qui ne permet guère de croire
qu’une ville y fût placée.
Il n’y a aujourd’hui dans l’île de Philæ qu’un très-petit nombre d’habitans, qui
consiste en huit à dix familles. Ils font leur demeure dans quelques cabanes
placées entre l’édifice de l’est et la galerie qui conduit du premier au second
pylône, et aussi dans quelques-unes des chambres de cette galerie.
Lorsque les Français se présentèrent la première fois pour entrer dans l’île,
les habitans firent résistance ; un grand nombre de Barâbras de l’île Begeh et de
tous les environs s’étoient réunis à eux ; et pendant quatre jours qui furent nécessaires
pour préparer un radeau, ils se crurent vainqueurs : mais à peine virent-ils
les Français en mouvement sur le fleuve, qu’ils prirent tous la fuite et regagnèrent
la grande île. Depuis, ceux de Philæ revinrent dans leurs habitations, et continuèrent
d’y rester, malgré les fréquentes visites des Français : cependant ils ne
voyoient pas sans inquiétude la curiosité avec laquelle on parcouroit les édifices de
l’île. Quelques-uns de nous y étant retournés trois fois de suite, les habitans leur
dirent que du temps des Mamlouks on les laissoit plus tranquilles, et que puisque
c’étoit à cause des temples qu’on venoit ainsi les troubler, ils se mettroient
à les détruire ; mais ils auraient été bien embarrassés d’effectuer une pareille
menace.
Les Barâbras sont réputés, dans toute l’Égypte, des serviteurs fidèles; on leur
confie la garde des magasins, et on les emploie comme portiers ; le propre de leur
caractère est la bonté; leurs moeurs sont très-simples. Ils sont fort basanés, sans
être cependant noirs, et les traits de leur figure ne sont pas non plus ceux des
nègres. Mais ce n’est pas ici le lieu de s’étendre davantage au sujet de cette
nation (i). Je n’ajouterai plus, sur la position de Philæ, qu’une circonstance digne
de remarque : entourée, comme on l’a vu, par des chaînes de montagnes élevées et
des rocs dépouillés, l’île se trouve placée tellement au milieu d’eux, que l’écho.s’y
répète un grand nombre de fois ; pendant la nuit, un seul cri en produit jusqu’à
cinq, qui se font entendre distinctement à des intervalles de temps très-sensibles.
s. IV.
Des Edifices qui servent d ’avenue au grand Temple.
P o u r mettre dans la description particulière des monumens de Philæ le même
ordre que dans leur aperçu général, nous commencerons par les édifices les plus
méridionaux,: en nous rapprochant successivement des temples (2).
L édifice du midi etoit composé de quatorze ou peut-être de seize colonnes
formant une enceinte sans plafond. II ne reste maintenant que peu de colonnes
debout du côté de l’ouest : elles supportent une architrave fort délabrée ; la corniche
n existe plus. Les autres colonnes sont presque totalement détruites, et l’on ne
retrouve même.aucune trace des deux colonnes qui doivent avoir formé le côté
du midi. Cette enceinte est un des plus petits monumens de l’Égypte ; les colonnes
n’ont que sept décimètres (3) de diamètre, et 4m-7 (4) de hauteur, tout
compris (?),.
Nous ne nous arrêterons point ici sur sa disposition, qui paraît avoir été fort
semblable à celle de Iédifice de lest, dont nous parlerons avec développement.
Nous n'insisterons pas non plus sur les détails de ses parties, parce que nous en
trouverons de pareils dans de plus grands édifices mieux conservés. On ne remarque
de particulier dans celui-ci, qu’un chapiteau dont les feuilles lisses ne se voient
point ailleurs : ces feuilles sont peut-être l’imitation de celles du bananier ou de
quelque roseau; peut-être aussi ne sont-elles point achevées, et dévoient-elles
etre.decoupees. Dans ce cas, ce chapiteau ne serait pas sans analogue.
Au-devant de 1 enceinte du midi etoient deux petits obélisques posés sur le mur
même du quai, qui leur formoit un socle très-élevé : l’un d’eux a été renversé dans
le fleuve, et Ion ne voit plus que l’entaille dans laquelle sa base étoit encastrée;
raisonnables propres à fixer les idées et à satisfaire l’esprit,
tous ces objets sont du doniaine de la parole ; et
c’est d’eux que se composent les paragraphes suivans. En
les joignant aux gravures de l’atlas, on aura une connois-
sance complète des monumens de l’île de Philæ.
Les planches citees dans ce chapitre et les suivans appartiennent
au prunier volume de l ’atlas des Antiquités.
(3) Deux pieds trois pouces.
(4) Quatorze pieds six pouces.
(5) Les mesures rapportées dans le cours de ce Mémoire
ne sont qu’approximatives j pour plus d’exactitude,
il faüt consulter les planches.
C x
(1) Voyez Ie Mémoire de M. Costaz sur les Barâbras.
(-) Quoique nous employions ici le mot description,
notre intention n’est pas de parler, des monumens suivant
1 acception que l’on donne ordinairement à ce mot. La
véritable description des monumens est dans les gravures
de. 1 atlas : la distribution d’un temple ne sauroit être
mieux décrite que par un plan, et ses décorations, que par
des élévations, des vues et des perspectives : mais les faits
que les dessins ne renferment point et ne peuvent’ pas
même exprimer, ceux sur lesquels il est nécessaire d’arrêter
l’attention, les remarques , les rapprochemens que
les voyageurs seuls pouvoient fair.e, enfin les conjectures