On passe de ià dans une petite salle dont il ne reste plus que huit colonnes
encore debout. Les murs de clôture sont détruits; mais il est facile de juger,
sur les lieux, que les murs latéraux des pièces précédentes devoient s’étendre
jusqu’à celle-là. Cette salle renfermoit donc probablement un plus grand nombre
de colonnes. Peut-être aussi quelques pièces latérales en rétrécissoient - elles
l’étendue. Les colonnes sont de même forme et de même, hauteur que celles
de la salle hypostyle. Les entre-colbnnemens sont peu différens. Sur le mur de
fond, on voit à droite deux figures enveloppées par le feuillage 4’un arbre vert qui
étend ses branches au-dessus de leur tête, et les prolonge presque jusqu’à leurs
pieds. : cet arbre ptjrte des espèces de fruits qui présentent le même contour que
ces légendes hiéroglyphiques auxquelles nous avons donné le nom de scarabées. Une
des figures est debout devant l’autre qui est assise. Celle-là trace quelques caractères
hiéroglyphiques sur un des fruits, avec un style qu’elle appuie sur un bâton à crans
passé dans sa main gauche, et surmonté d’une espèce de lanterne. C’est l’attribut
d*i personnage à tête d’ibis, représentant le Thot ou le Mercure des Égyptiens.
Derrière la figure assise, et à une certaine distance, il s’en trouve une autre qui
n’est point enveloppée par les branches de l’arbre : elle tient aussi un bâton à
crans, et elle est occupée à graver une légende hiéroglyphique que l’on aperçoit
sur un des fruits suspendus à l’arbre.
En sortant de cette .salle, on entre dans une autre dont il ne reste plus aucun
des murs de clôture. Huit colonnes de même forme que les précédentes subsistent
encore, et ne portent plus que des architraves ; le plafond est entièrement
détruit.
Le palais de .Memnon paroît avoir été entouré de constructions de briques
d’un genre tout particulier. On en voit des parties intactes au nord de cet édifice,
à la distance d’une cinquantaine de mètres. Ce sont deux rangées de voûtes (i)
accolées les unes contre les autres, au nombre de dix ou douze, et laissant entre
elles un intervalle assez considérable. Ces voûtes sont bâties au pied de la chaîne
Libyque, et s’étendent jusqu’à la limite du terrain cultivé ; elles sont en plein cintre,
et les arcs sont formés par un seul rang de briques posées de champ. On a établi
dessus une plate-forme, où l’on voit beaucoup de débris de poterie, et même
quelques restes de constructions en pierre. Quelle pouvoit être la destination de
ces voûtes, et sont-elles des restes d’antiques constructions Égyptiennes! Voilà les
questions qui se présentent d’abord à la pensée. Un examen attentif ne nous a fait
reconnoître rien d’Égyptien d’une haute antiquité, ni dans l’exécution des voûtes,
ni dans les dimensions des matériaux. Les briques diffèrent de celles qui ont été
employées dans la construction des enceintes antiques (2) et dans les grottes de
Thèbes (3), en ce qu’elles sont d’un petit échantillon, et qu’elles ne portent point
d’empreintes hiéroglyphiques. Bien plus, l’emploi des briques en voussoirs doit faire
soupçonner que ces constructions, ne sont point d’une haute antiquité, puisqu’à
(1) Voyez p/. 2 4 , ordonnée 2 , A . vol. I I . (3) Voyez la description des grottes de Th èbe s,
(2) Ces briques ont jusqu’à trente-trois centimètres section x de ce chapitre.
quelque distance du palais de Memnon, tout contre les rochers escarpés de la chaîne
Libyque, un monument dont l’origine ne peut être douteuse, nous donne presque
la certitude que les anciens Égyptiens n’ont jamais connu l’art de faire des voûtes (i ).
Nous sommes donc portés à croire que les constructions qui nous occupent ont
été élevées dans des temps plus modernes; et leur disposition régulière autour du
monument prouve qu’elles sont dues à des hommes qui respectoient encore cet
antique édifice. Il est assez difficile de déterminer avec précision si elles datent du
temps où les Romains gouvernoient l’Égypte. Cependant leur analogie parfaite
avec les maisons figurées dans la mosaïque de Palestrine (2), où tous les sàvans s’accordent
à voir la représentation d’une scène qui se passe en Égypte, fera conclure
avec beaucoup de vraisemblance qu’elles ne sont que des habitations particulières
bâties à l’époque où les Romains étoient maîtres de cette contrée. Cette conséquence
trouve encore un appui dans la ressemblance de ces constructions avec les maisons
actuelles de la ville de Syène, où l’on bâtit actuellement même comme au temps des
Romains. En effet, ces maisons, de même que celles de la mosaïque de Palestrine,
ne sont autre chose que de longs vestibules construits en briques et voûtés en plein
cintre, dont I entrée n’est point fermée : elles sont à l’abri des rayons brûlans du
soleil, et laissent à l’air, si nécessaire dans ce climat ardent,'un facile accès.
Quelques personnes ont voulu voir dans ces constructions, des tombeaux;
d autres, des espèces de caves bâties du temps des premiers Chrétiens, pour servir
à la célébration de leurs cérémonies religieuses : mais nous devons dire que nous
n avons trouvé sur les lieux aucun indice qui puisse justifier ces conjectures.
Tels sont les restes du palais de Memmon, qui porte plus particulièrement
1 empreinte de ce grandiose et de cette magnificence qui caractérisent les monu-
mens de ¡ancienne Égypte. Nous avons jugé sur les lieux mêmes, en le comparant
à d’autres édifices encore existans, qu’il doit avoir été beaucoup plus considérable,
et qu’il se prolongeoit plus avant vers la chaîne Libyque : mais nous allons
voir bientôt que des raisons plus fortes et bien plus concluantes confirment cette
opinion (3).
La régularité du plan de l'édifice, dont rien ne rompt les belles lignes, frappe
d’abord, et l’on n’admire pas moins ensuite le style simple et noble de son architecture.
Les amateurs de l’art y trouvent des statues remarquables non-seulement
par leurs masses colossales et leur exécution parfaite, mais encore par le choix des
matériaux dont elles sont formées. Celui qui cherche à pénétrer dans les annales
des Égyptiens, voit en quelque sorte ouvert devant lui le livre des exploits de ce
peuple. Ses actions guerrières y sont par-tout représentées. Il faudroit, pour en
fixer les époques, savoir lire les hiéroglyphes qui probablement les constatent.
(1) Voye% la description de l’édifice avec un plafond Palestrine a pour objet de transmettre le souvenir du
en forme de voûte, section V de ce chapitre. voyage de l’empereur Adrien dans là partie la plus
(2) Une opinion assez généralement reçue, c’est que reculée de la Thébaïde, vers les rochers granitiques de
la mosaïque de Palestrine représente l’arrivée d’Alexandre- Syène.
le-Grand en Egypte. Wjnckelntan voit, dans la mosaïque de Palestrine, un
Le savant abbé Barthélémy nous paroît être plus près sujet tiré de la fable et emprunté d’Homère, qui repré-
de la vérité, en faisant voir, dans son ingénieuse expli- sente les aventures de Ménélas et d’Hélène en Egypte,
cation , que la scène representee dans la mosaïque de (3) Voyez ci-après la seconde partie de Cette section*
A . D . . s