village d’el-Bayrât ( i ). Ces monticules n’ont guère maintenant que trois mètres
et demi a quatre métrés (a) d élévation. La terre s’est successivement écroulée, soit
par 1 effet du temps, soit par 1 effet du travail des hommes, et elle forme une sorte
de demi-fer-à-cheval autour du village. A gauche de la grande entrée, toujours
-en regardant la chaîne Lihyque, les monticules ne sont plus séparés, et ne forment
quune seule et unique hutte, bien moins élevée que celle dont nous venons de
parler, et qui a huit cent quarante-six mètres de long. Il est facile de reconnoftre,
au premier abord, qu’ainsi que bçaucoup de décombres semblables dans la haute
Egypte, elle a été exploitée par les habitans du pays, qui en tiroient une espèce
d engrais employé dans la culture du dourah. Des fellah que nous avons vus, sur les
lieux, livrés à ce genre de travail, ne nous ont laissé aucun doute sur cette cause
de destruction.
Le côté sud de l’enceinte avoit aussi ses monticules ; mais ils sont très-peu élevés,
et se laissent difficilement distinguer. Il n’y a guère que l’analogie qui puisse conduire
a attribuer a ce côté la même forme que nous avons reconnue dans les autres,
et sur tout, d’une manière si peu équivoque, dans celui qui est en face.
A 1 angle sud-est, où se trouve, ainsi qu’à l’angle sud-ouest, une large ouverture,
cm voit les traces d un canal qui, dérivé de la partie supérieure, parcourt la plaine
en longeant la chaîne Libyque, et amène dans l’enceinte les eaux de l’inondation.
Lorsque les crues du Nil sont favorables, tout le terrain qu’elle renferme est
brillant de verdure et fournit une abondante moisson.
Pour achever de donner une idée de la superficie de l’hippodrome deMedynet •
•abou, il suffira de dire qu’elle est sept fois plus considérable que celle du Champ
de Mars à Paris (3) ; encore ne faisons-nous point entrer dans notre calcul le terrain
occupé par les deux rangées de monticules qui forment le côté occidental.
Le nombre total des ouvertures qui sont pratiquées dans les murs d’enceinte, et
que 1 on reconnoit d une manière non équivoque, se monte à trente-neuf, et il
est extrêmement probable qu’en supposant rétablies celles qui ont été détruites, le
nombre n a pas pu s en elever a cinquante. Ainsi se trouve dénuée de fondement
Ja première opinion que nous avions eue sur les lieux, que ces ouvertures pour-
roient bien etre les cent portes de Thèbes, célébrées par Homère, et après lui
par les poètes de (antiquité. Nous reviendrons plus tard sur le passage du prince
des poètes, quia, en quelque sorte, consacré les cent portes de l’antique capitale
de l’Egypte, et nous le discuterons avec quelques détails (4).
Quel pouvoit être l’usage de l’enceinte de Medynet-abou! Tout ce qui l’environne
semble en indiquer clairement la destination. Sa situation près d’une grande
ville, capitale dun royaume florissant, ou toutes les sculptures des monumens
rappellent des expéditions militaires, des célébrations de fêtes solennelles, ne
f 1 ) Voyez p/. j , A . vol. I I . L'enceinte de Medynet-abou a 2500 mètres de long,
f i ^oaze Pieds- 1 et 988 mètres de large ; ce qui donne une superficie de
(3) Le Champ de Mars à Paris a 9 1 1 mètres de long, 2460000 mètres carrés, équivaiens à 624380 toises
■et 390 mètres de large; ce qui donne une superficie de carrées.
355290 mètres carrés, faisant 93400 toises carrées. (4) Voye^ la Dissertation à la fin-de ce chapitre.
semble-t-elle pas indiquer une espèce de camp fortifié, un emplacement destiné à
rassembler des armées nombreuses, une sorte de cirque, un lieu de réunion pour
la célébration des fêtes publiques ! C’étoit un hippodrome, un vaste champ de
Mars, où les troupes étoient exercées au maniement des armes, aux courses à pied,
aux courses de chevaux et de chars, et en général à toutes les évolutions militaires.
Cétoit de là que les troupes Égyptiennes partoient pour voler, sous desOsymandyas
et des Sésostris, à des conquêtes assurées. C’étoit là qu’un peuple nombreux hono-
roit par des récompenses et des applaudissemens le courage et l’adresse. Cétoit là
enfin qu’il apprenoit à se bien conduire et à rapporter tout à la plus grande gloire
de la religion et de la patrie.
Un passage assez curieux d’Hérodote peut justifier l’opinion que nous venons
d’avancer, bien qu’il n’ait pas trait directement à la ville de Thèbes ni à l’enceinte
dont il est ici question. Cet historien rapporte (i) que les Égyptiens avoient un
grand éloignement pour les coutumes des Grecs, mais que cependant à Chemmis
(aujourd’hui Aklimynî], ville considérable de la haute Égypte, on célébroit, en l’honneur
de Persée et à la mémoire des Grecs, des jeux gymniques, qui de tous les
jeux sont les plus excellens. Ce passage donne bien à entendre qu’il se célébroit des
jeux en Égypte ; mais ce n’étoit qu’à Chemmis qu’on les célébroit à la manière des
Grecs. Les jeux gymniques consistoient, comme on le sait, principalement en des
combats d’athlètes. Les jeux des Égyptiens étoient fort différens. Suivant l’opinion
de Bossuet (2), la course à pied, la course à cheval et la course dans les chariots (3),
se feisoient en Égypte avec une adresse admirable, et il n’y avoit pas dans l’univers
de meilleurs hommes de cheval que les Égyptiens. Ce que Diodore de Sicile
rapporte, prouve qu’ils faisoient aussi des courses à pied vraiment prodigieuses.
D ’après cet historien (4), le père de Sésostris, ayant réuni tous les enfans du même
âge que son fils, les exerçoit à toutes sortes de travaux, et on ne leur donnoit point
à manger, qu’ils n’eussent couru &nt quatre-vingts stades. Cette distance se trouve
être exactement égale à sept fois la longueur de l’hippodrome.
Nous ne quitterons pas ce sujet, sans faire remarquer que les deux mille cinq
cents mètres qui forment la longueur de l’enceinte, font exactement vingt - cinq
stades Égyptiens, de cent mètres. Là largeur de l’enceinte, si elle avoit été mesurée
avec précision, eût été sans doute trouvée exactement de mille mètres, équivaiens
à dix stades. Mesurée au pas, elle a été trouvée de neuf cent quatre-vingt-huit
mètres. Il y a tout lieu de croire qu’une pareille rencontre n’est pas l’effet du
hasard.. Cette remarque servira de plus en plus à confirmer ce que nous aurons
occasion de développer davantage par la suite (y), que le stade dont Diodore se
sert le plus habituellement, est celui de cent mètres ou cinquante et une toises,
que tous les savans s’accordent généralement à attribuer aux Égyptiens.
(1) Voyez la citation n.® x i l l , pag. 76. doit faire naturellement supposer que les* Egyptiens en
(2) Voye^le Discours sur l’histoire universelle, tom.IJ, faisoient un fréquent usage à la guerre et dans les jeux
pag. 189, de l'édition stéréotypé. publics.
(3) Outre les chars nqmbreux sculptés sur les murs (4) Voye^ la citation n .°x iV , pag, 76.
des monumens, on trouve encore représenté, dans les (5) Voyeç la Dissertation à la fin de ce chapitre,
grottes de Thèbeà, l’art de fabriquer ces chars; ce qui