lourde; mais il est facile de voir que la perspective devoit faire disparoître
entièrement ce défaut. Il suffira, pour s’en convaincre, d’examiner les dessins
représentés planche 7 7 , en observant que le point de vue d’où ils ont été pris,
ncst pas encore le plus favorable, à cause de l’encombrement du portique. On
doit même admirer l’adresse avec laquelle les Égyptiens ont su voiler un défaut
que la solidité de la construction ne permettoit pas d’éviter; car on n’auroit pu
diminuer l'épaisseur de cette partie supérieure du chapiteau, sans l’exposer à
être promptement brisée.
Toutes les sculptures du portique d’Esné sont faites avec précision et facilité.
Les figures d’animaux, et particulièrement celles d’épervier, de belier, dé lion
et de crocodile, qui sont souvent répétées, sont parfaitement dessinées. L’effet
général de ces sculptures est fort agréable ; le ton noir qu’a pris la pierre, et la
poussière grise qui s est déposée sur les parties saillantes, contribuent à les faire
ressortir, sans que l’oeil soit fatigué de la multiplicité des détails.
^ Si 1 on reunit toutes les parties du monument que nous venons de décrire ; si
Ion se transporte par la pensée au milieu de ces colonnes majestueuses, sous ces
chapiteaux dont la masse colossale seroit effrayante, sans l’attention qu’ont eue
les architectes de la voiler, en quelque sorte, sous les proportions les plus élégantes;
enfin, si Ion se représente ces murs couverts intérieurement et extérieurement,
dans toute leur étendue , de tableaux emblématiques aussi remarquables
par la beauté de leurs sculptures que par l’éclat des brillantes couleurs dont elles
sont encore enrichies, on ne pourra refuser aux architectes Égyptiens un juste tribut
dadmiration. Les habitans de l’Égypte, ceux même qui vivent au milieu de ces
anciens monumens, les voient toujours avec un étonnement que le temps n’affoi-
blit pas, et qui les porte a attribuer leur origine à des puissances surnaturelles.
Pour présenter l’ensemble de toutes les parties du portique d’Esné que nous
avons données séparément, pour les faire juger comparativement et faire sentir
le jeu de la lumière et des ombres au milieu des colonnes de ce lieu mystérieux,
en un mot, pour rendre l’effet général de ce monument, nous avons pensé qii’il
étoit nécessaire d’offrir la vue perspective représentée planche 83 : si elle produit
quelque impression, qu’on juge des sensations quenous éprouvions, lorsqu’à chaque
pas des points de vue aussi étonnans que celui-là s’of&oient à nos regards.
Cette perspective est prise à la hauteur de deux mètres au-dessus du sol ; toutes
les parties du monument qui se trouvoient entre l’oeil du spectateur et le plan du
tableau, ont ete supprimées. On a employé dans les décorations tous les détails
donnés dans les planches précédentes, en suppléant à ceux qui inanquoient ; ce '
qui ne peut entraîner dans aucune méprise, et contribue à produire l’efïèt général
et vrai de toutes les parties de l’édifice, en les mettant en harmonie. Enfin l’on
a suppose qu une procession solennelle entroit dans le temple, et l’on s’est servi, *
pour 1 ensemble des personnages de cette procession et pour leurs costumes, d’un
dessin recueilli dans un des édifices de Thèbes, à Medynet-Abou.
La ligne du tableau a été choisie de manière que le zodiaque sculpté dans un '
des soffites se trouvât sur le premier plan ; ce qui donne le moyen de juger de la
disposition et de la marche des douze signes. Leur ordre est parfaitement observé :
ils sont disposés sur deux bandes dans le sens de la longueur du soffite. Toutes
les figures d’une même bande ont le visage tourné du même côté et la tete vers
le milieu du portique : le taureau et le belier sont en travers du plafond; le
scorpion et le cancer sont représentés marchant sur le plafond, en suivant le
reste de la procession ; les poissons sont dressés sur la queue ; enfin le sagittaire
est entièrement renversé les pieds en haut, mais suivant toujours dans sa marche
la même direction que les autres signes. •
C ’est le seul zodiaque Égyptien qui se trouve en entier dans le même entre-
colonnement ; mais il est à remarquer qu’il y conserve une disposition analogue
à celle des zodiaques placés dans deux entre-colonnemeus différens. Les six premiers
signes paroissent entrer dans le temple, pendant que les six autres en sortent;
et ils sont séparés les uns des autres par une bande d’hiéroglyphes qui partage
le tableau dans toute sa longueur.
Dans la perspective que nous donnons, le dessin du zodiaque n’est pas suffisamment
détaillé. On trouvera ce monument astronomique représenté avec la
plus grande exactitude planche y 3 ; mais il est indispensable, pour faciliter l’intelligence
du travail auquel il donnera lieu (1), de bien faire concevoir sa position
dans le plafond du portique. Ce tableau étant d’ailleurs un de ceux que l’on a
pii lé mieux interpréter jusqu’à présent, il étoit naturel de lui réserver une place
qui le mît en évidence. Si l’on pouvoit rendre un compte aussi satisfaisant des
autres tableaux hiéroglyphiques qui décorent la perspective que nous donnons,
elle acquerroit pour nous-mêmes, qui sommes étrangers aux moeurs et aux
lois des anciens Égyptiens, un intérêt inappréciable. Combien donc ce temple
devoit-il inspirer de vénération aux hommes qui de tous côtés y voyoient tracés
en caractères ineffaçables, leurs lois, les principes et les beaux résultats de leurs
sciences, les préceptes de leur morale et de leur religion !
Le portique d’Esné est entièrement construit en grès. Les pierres du plafond
ont jusqu’à sept à huit mètres de longueur, sur deux de largeur : elles étoient
retenues entre elles par des tenons dont on voit encore les traces. Ces pierres
étoient simplement rapprochées les unes contre les autres, et se joignoient
parfaitement dans toute leur longueur, sans le secours d’aucun mortier (2).
La surface intérieure et extérieure du portique d’Esné est d’environ cinq mille
mètres carrés. Elle est entièrement couverte d’hiéroglyphes : ainsi, en admettant
qu’un sculpteur ait pu exécuter par jour un dixième de mètre carré de cette
décoration, il a fallu cinquante mille journées pour l’achever entièrement. Il entre
dans la construction de ce portique environ 3,500 mètres cubes de pierre.
Nous ne pouvons donner aucun détail sur la manière dont le monument étoit
fondé ; nous pouvons seulement assurer que ses fondations n’ont fléchi dans
aucune partie, et qu’il a parfaitement conservé son aplomb. Pour donner des
(1) Voyez le Mémoire sur les monumens astrono- édifices, et des matériaux qui y sont employés, dans le
miques, par M. Fourier. Mémoire général que nous nous proposons de publier sur
(2) Nous parlerons*avec détail de la construction des l’architecture'Egyptienne.